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05 / 03 / 2015 | 2 vues
Philippe Grasset / Abonné
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Formation professionnelle : l’oubliée de la politique ministérielle

Qu'elle est loin l’époque où chaque ministre se vantait de la politique exemplaire en matière de formation professionnelle dans les ministères économique et financier.

Le slogan mis en avant, et que notre fédération n’a jamais cautionné, était « moins nombreux mais mieux formés ». Aujourd’hui, seule la première affirmation est malheureusement toujours d’actualités. À la lecture du bilan statistique de l’année 2013, l’abandon de la formation professionnelle comme axe prioritaire de la politique ministérielle se poursuit, même si par une présentation nouvelle des données, l’administration tente de le dissimuler. Exit la formation initiale.

La formation statutaire


Cette dernière se caractérise par l’ensemble des formations données aux agents, à la fois théorique et pratique, pour les préparer avant titularisation à exercer leurs fonctions et les actions de formation professionnelle rendues obligatoires par les statuts.
 
La formation statutaire concerne les lauréats d’un concours externe ou d’un troisième concours, les agents ayant réussi un concours interne mais également les agents promus au choix ou sur examens professionnels, les agents recrutés par la voie du pacte, les agents non titulaires en période d’essai et les agents dont le statut prévoit des formations obligatoires (par exemple, formations au tir pour certains douaniers).
 
Difficile dans ces conditions de pouvoir comparer les données 2013 avec celles des années précédentes. Toutefois, quelques statistiques permettent de confirmer ce que notre fédération  ne cesse de dénoncer : la baisse des recrutements externes, loin de compenser les départs à la retraite. Avec une politique supprimant environ 2 500 emplois chaque année dans les directions de Bercy, cette désaffection des recrutements n’est pas une surprise.



En 2011, 1 156 stagiaires ont participé au cycle ministériel de formation initiale, en 2013 ils n’étaient plus que 680 (-42 %).


Le nombre de stagiaires inspecteurs ou attachés, inscrits au cycle ministériel de formation initiale (CMFI), est à cet égard un bon paramètre. En 2011, 1 156 stagiaires ont participé au CMFI, en 2013 ils n’étaient plus que 680 (-42%). Toujours pour les recrutements en catégorie A, le nombre de jours de durée moyenne de formation est passé de 114,4 jours en 2011 à 95 jours en 2013.
 
Si une partie de cette baisse peut s’expliquer par l’intégration des lauréats par liste d’aptitude  dans la statistique, elle n’en demeure pas moins préoccupante par rapport à la technicité de plus en plus importante demandée aux futurs agents d’encadrement à l’aune d’une évolution profonde de l’exercice de leurs missions. Beaucoup plus délicat d’espérer comparer les situations pour les catégories B et C avec cette nouvelle définition de formations statutaires.

  • Toutefois, une donnée interpelle : l’écart de promotions entre hommes et femmes. Alors que les femmes représentent une large majorité des agents de catégorie C (plus de 63 %), elles ne sont plus que 25 % à participer à des formations suite à une réussite à un concours, examen professionnel ou liste d’aptitude de catégorie B.

 
Cette statistique est sans appel. Elle conforte l’analyse que ne cesse de développer la fédération sur les freins mis à la promotion des femmes dans certaines directions, en raison en particulier de la mobilité imposée. Ce phénomène ne pourra que s’aggraver avec les nouvelles règles de gestion mises en place à la DGFIP.
 
Il est paradoxal d’élaborer un plan d’action pour réduire les inégalités entre hommes et femmes et dans le même temps, laisser perdurer, voire réimplanter, l'une des causes majeures d’inégalité dans le déroulement de carrière entre les agents.
 

Préparations aux concours et examens professionnels

Encore un chapitre qui démontre la déliquescence de la formation professionnelle dans les directions de Bercy. Si en 2011, la mise en place d’examens professionnels imposée par les nouveaux statuts particuliers de la catégorie B a marqué une recrudescence du nombre de préparations, le soufflet est vite retombé.

De 3,4 jours en 2012, la durée moyenne de formation par stagiaire n’est plus que de 2,9 jours en 2013.
Un autre facteur a également fait perdre de l’attrait à ces préparations, c’est tout naturellement la baisse très significative du nombre de promotions internes. De 3,4 jours en 2012, la durée moyenne de formation par stagiaire n’est plus que de 2,9 jours en 2013. Alors que les directions de Bercy comptaient plus de 42 000 agents stagiaires en 2010, ce chiffre est presque moitié moins en 2013 (23 546).
 
Critère aggravant, le nombre de préparations par correspondance a, pour sa part, fortement augmenté (+23 %). Cette progression peut largement s’expliquer par l’obligation pour les agents de préparer ces concours en dehors de leur temps de travail en raison d’une charge de travail de plus en plus conséquente, principalement due à la restriction des effectifs dans les services.
 

Formations de perfectionnement : plus nombreux mais moins longtemps


Si le nombre de stagiaires connaît une progression de 6 %, a contrario le nombre de journées stagiaires pour ce type de formations décroît dans les mêmes proportions. Pour la première fois, les dépenses liées aux formations de perfectionnement sont descendues en-dessous du seuil des 50 % de l’ensemble des formations.
 
Cet indicateur est particulièrement inquiétant, à l’heure où toutes les directions du ministère veulent mettre en place des plans stratégiques, imposant de profondes restructurations et mobilités fonctionnelles et géographiques au personnel. Il est consternant de constater que, dans le même temps, les dépenses allouées à la formation continue connaît une baisse conséquence de sa masse budgétaire.
 
Depuis 2010, le nombre de congés pour formation professionnelle est à la baisse. En 2013, seulement 680 agents en ont déposé un, dont une très forte proportion de femmes (68 %). Quant aux bilans de compétence et la validation des acquis de l’expérience (VAE), ils restent marginaux, respectivement 20 et 8 agents les ont sollicités en 2013.

 

Le DIF : dévoiement d’un droit


Si le nombre d’agents ayant utilisé le droit individuel à la formation (DIF) est en légère régression (2 554), notons qu’il a fortement diminué pendant les heures de travail (-5000 h) pour tripler en dehors : 623 h en 2013, contre 249 h en 2012.

L’état des effectifs et des services favorise une approche « absentéiste » de la formation et la pratique tend à faire de ce droit un « droit virtuel » pour les agents, essentiellement utilisé, à l’initiative de l’administration, pour contourner les limitations mises en place en matière d’autorisation d’absence, notamment dans le cadre de la préparation au concours.
Les agents l’utilisent à près de 60 % dans le cadre de cette dernière du fait des limitations introduites en matière de cumul des autorisations d’absence. En effet, la préparation simultanée de deux concours (ou examen professionnel) oblige l’agent à suivre l’un des deux cycles de préparation sur les crédits de DIF.
 
Pour notre fédération, une notification individuelle devrait être adressée à chaque agent pour qu’il prenne connaissance des droits acquis dans le cadre du DIF. De plus, son utilisation éventuelle devrait être systématiquement évoquée lors d’un entretien annuel consacré à la formation, si possible découplé de l’entretien d’évaluation.
 
La promotion d’un véritable entretien systématique à certaines périodes clefs de la carrière serait de nature à éviter une concentration excessive de l’usage du DIF sur les seuls aspects de préparation au concours. Pour nous, les refus de DIF doivent faire l’objet d’une attention particulière de la part de l’administration et, comme tous les éléments relatifs à la formation professionnelle, donner lieu à l’information des représentants du personnel, notamment à l’occasion de l’examen du bilan de la formation. Ces refus devraient comporter outre leur volumétrie, leur ventilation par motifs.

La formation professionnelle est un droit pour acquérir les connaissances professionnelles autant que pour les perfectionner. C’est d’autant plus vrai en cette période de réformes structurelles imposées dans toutes les directions des ministères économique et financier. Pendant de nombreuses années et malgré des imperfections, que nous n'avons jamais manqué de relayer, la formation professionnelle était un axe de travail ministériel prioritaire.


Aujourd’hui, on déplore un désintérêt manifeste de la formation professionnelle des agents par les ministres, concrétisé par un investissement financier minoré de plusieurs millions d’euros : -9 millions d’euros en 2013, pour passer sous la barre des 400 millions d’euros.
Le dernier groupe de travail ministériel sur ce sujet s’est tenu le 17 septembre 2012 et le dernier comité technique remonte au 4 juillet 2006. Un autre temps !

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