Focus
ACCÈS PUBLIC
17 / 11 / 2023 | 1372 vues
Rodolphe Helderlé / Journaliste
Articles : 4184
Inscrit(e) le 16 / 11 / 2007

GEPP

Accord GEPP et départs volontaires : comment garder le contrôle et garantir l’employabilité interne ?


Une GEPP permet d'éviter d'en passer par un PSE ou une RCC, tout en ayant la possibilité de cibler les emplois dits menacés éligibles à des départs volontaires. Pour Sextant expertise qui parrainait le visio débat du 10 octobre 2023, organisé par Miroir Social, il est essentiel de garder la maîtrise des départs pour mieux négocier l'employabilité interne et les conditions de travail de ceux qui restent.




Les mots des acronymes ont un sens.  Le passage d'une Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GEPP) à une Gestion des emplois et des parcours professionnels (GPEC) n'est pas neutre. "Avec la GEPP, on est dans la gestion de l'emploi au sens strict. L'anticipation a disparu. Les directions ont désormais bien compris que c'était un levier légalement très peu contraignant sur les départs volontaires. Il faut donc négocier non seulement les conditions financières des départs, attendues par une partie des salariés, mais aussi l'objectivation des emplois dits menacés qui y sont éligibles afin d'être en capacité de suivre les conséquences que cela va avoir sur le travail de ceux qui restent", explique Delphine Vegas, responsable de pôle social chez Sextant Expertise. 
 

Il s'agit donc d'être précis sur les emplois visés et ne pas se contenter d'une catégorisation extra large ne donnant aucune possibilité de garder le contrôle sur toute la durée de l'accord, en dépit des commissions de suivi qui par définition se contentent de suivre. 

"Dans la négociation d'une GEPP, une question doit se poser : qu'est ce qui conduit un emploi à être menacé ? Est-ce une évolution technologique ou une stricte conséquence économique de l'évolution du marché par exemple. Une chose est certaine, la responsabilité de l'employeur à assurer l’employabilité des salariés reste entière", souligne Véronique Aubry, consultante SSCT chez Sextant expertise.

Michelin découvre la négociation GEPP

Chez Michelin, du temps de la GPEC, les négociations commençaient avec une cartographie des emplois. La négociation GEPP de cet automne a commencé tout autrement puisque la direction a d'abord posé sur la table les mesures d'accompagnement des départs, sur les mêmes bases que celle de la RCC de 2019. "On sait parfaitement qu'il y un sureffectif sur certaines usines au regard des volumes de production. En 2019, il y a eu 800 départs en production alors que 1100 étaient prévues. C'est l'objectif non avoué de cette GEPP que de combler le trou. Nous allons conduire la direction a être au clair sur ce point pour négocier des mesures spécifiques pour les salariés seniors de la production qui sont encore loin de la retraite, car ceux qui en étaient le plus proche sont désormais peu nombreux", souligne Jean-François Landemaine, délégué syndical CFE-CGC qui participe à cette négociation GEPP. 

Un an d'expérience de GEPP chez Sanofi Chimie

Chez Sanofi Chimie, cela fait un an que la GEPP est en route avec une direction qui s'est montrée très claire. "C'était soit une GEPP, soit un PSE", résume Marie Hogard, déléguée syndicale CFE-CGC sur le site d'Aramon (Gard) où 10 % des 700 emplois sont considérés comme menacés et donc éligibles à des départs. Au total, 140 des 2000 emplois sont considérés comme menacés en 2023. L'accord intègre la possibilité de partir jusqu'à 4 ans avant la retraite à taux plein en touchant 70 % du  salaire brut. Pour les autres, outre l'indemnité de départ, un congé de mobilité qui peut s'étendre jusqu'à 25 mois est proposé.   “Il y a une subtile adéquation entre les emplois menacés et l'âge des salariés qui les occupent. Certains sont déçus de ne pas être positionnés sur un emploi menacé", précise-t-elle en soulignant qu'une nouvelle liste des emplois menacés, moins conséquente, sera présentée en 2024 avant une petite dernière en 2025. A noter qu’un métier menacé, sur un site peut ne pas l'être sur un autre…

Accord GEPP reconduit chez Airbus 


Chez Michelin comme chez Sanofi Chimie, il existe un catalogue de mesures orientées sur le développement des compétences en interne mais celles-ci se révèlent être largement sous-utilisées. C'est ce même constat qui a été fait chez Airbus Commercial Aircraft, quand l'accord GEPP a été renégocié en 2023. "Le catalogue des formations est pléthorique et les aides sur les parcours diplômants sont nombreuses mais le bilan de la précédente GEPP montre que les dispositifs sont encore mal connus. Au regard des enjeux en matière de robotisation, de numérisation, de cybersécurité et de décarbonation, la direction d'engage dans le nouvel accord à permettre à chaque salarié de se projeter sur un nouvel emploi en visualisant tous les prérequis en termes de formation. C'est le "Parcours formant". Rendre l'entretien professionnel annuel s'inscrit dans cette logique. Il appartient désormais aux salariés de prendre leur responsabilité s' ils veulent évoluer. C'est le sens de la nouvelle classification des emplois de la métallurgie. A nous d'être en capacité de les accompagner", explique Josette Raynaud, Secrétaire FO Commission GEPP au CSE Central Airbus Commercial Aircraf qui a obtenu un Master 2 dans le cadre d'une validation des acquis par l'expérience (VAE). L'emploi menacé n’est pas au cœur de cette GEPP au regard de la densité du carnet des commandes. Mais l’enjeu en termes de compétences est bien là, surtout que le PSE de 2020 s'est traduit par près de 2000 départs volontaires qui n’ont pas manqué de déstabiliser l'organisation en place.