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04 / 09 / 2018 | 10 vues
Jacky Lesueur / Abonné
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Financement de la protection sociale : la portabilité des droits doit-elle être financée par l’impôt ?

Place de la santé, un site initié par la Mutualité Française vient de publier la synthèse de ses réflexions, contribution importante pour nourrir le débat dans le contexte actuel.

Les principaux éléments de synthèse 

Différents mécanismes de portabilité des droits ont été institués ces dernières années. Ces dispositifs qui concourent à la sécurisation des parcours posent la question de l'ouverture des droits sociaux tout au long de la vie et, surtout, celle cruciale du financement.

Problématique générale : en santé, différents mécanismes de portabilité des droits ont été institués ces dernières années. Ce type de dispositif, qui participe de la sécurisation des parcours, peut-il (et si oui, le doit-il) être élargi à d’autres types de droits (retraite et perte d’autonomie) ? Selon quelles modalités ?

Parallèlement, la question majeure du financement doit se poser sous deux principaux aspects. Le bouleversement des logiques gouvernant notre modèle social induit une réflexion sur les sources de financement qui y sont associées. Le second aspect concerne la continuité des droits sociaux et les logiques de compte personnel. Comment parvenir à financer des droits acquis dans le travail mais activables hors travail ? Plus largement, comment financer des droits acquis hors travail (reconnaissance des parcours associatifs et mutualistes, par exemple) ?

Traditionnellement, en matière de protection sociale, on tend à opposer les régimes dits bismarckiens de ceux dits beveridgiens. Les premiers, en référence au Chancelier allemand Otto von Bismarck, sont financés par des cotisations assises sur le travail, les prestations servies sont fonction de la rémunération et la gouvernance est assurée par les partenaires sociaux. Tandis que les seconds, qui renvoient au Lord anglais William Beveridge, reposent sur la règle des « trois U » : universalité de la couverture, uniformité des prestations et unité de gestion, centralisée auprès de l’État.

Les grandes tendances en matière de financement

Les réformes déjà engagées et celles en préparation portent en elles des enjeux importants en matière de financement de la protection sociale :
  • l’harmonisation des régimes de retraite devrait entraîner des changements importants dans les modes de financement du risque retraite ;
  • dans le champ de la politique familiale, des interrogations portent sur le maintien d’un financement partiel de la branche « famille » par la voie de cotisations ou, a contrario, sur un financement par impôts et taxes, qui pourrait aller jusqu’à une budgétisation de tout ou une partie de ses dépenses, comme cela a été fait pour le financement des allocations de logement ;
  • enfin, la piste d’un transfert au budget de l’État des dépenses d’aide sociale des départements (comme le RSA) est régulièrement évoquée.
Simultanément, on assiste à un triple mouvement, chacun donnant l’image à son échelle d’une « substitution de Beveridge par Bismarck » dans notre système de protection sociale :
  • les protections s’universalisent, c’est-à-dire que de plus en plus de droits sociaux sont accordés directement aux individus, sans égard à leur statut d’emploi : c’est le cas par exemple de la création de la couverture maladie universelle (CMU) en 1999, récemment complétée par la protection universelle maladie (PUMA) ;
  • les protections s’uniformisent, à savoir que les modalités d’accès aux droits s’alignent progressivement pour l’ensemble de la population : on peut ici citer en exemple la possibilité à venir pour les travailleurs indépendants de bénéficier de l’assurance-chômage ;
  • les protections voient leur gestion progressivement centralisée auprès de l’État, directement (comme le montre la création des lois de financement de la Sécurité sociale) ou indirectement, par de multiples mécanismes de tutelle étatique (comme les conventions d’objectifs et de gestion et les contrats pluriannuels de gestion).

Ce triple mouvement inspire chez certains une volonté de fiscalisation des recettes de la protection sociale, avec les arguments suivants : « à des droits sociaux qui ne se limitent plus aux travailleurs, ne devrait-on pas répondre par des financements plus seulement assis sur le travail ? ». Plus largement, « le coût de notre système de protection sociale ne doit pas peser trop lourdement sur notre compétitivité, d’où la nécessité d’élargir son assiette de financement ».

De toutes les manières, « il n’est pas certain que les différences entre les types de prélèvements affectés à la protection sociale soient bien perçus par les Français ». C’est sans compter que « l’Europe considère les dépenses publiques, déficits compris, de façon globale, sans distinguer entre les différents types d’administration ; pourquoi alors ne pas avoir une seule source de financement, voire un texte fusionnant loi de finances et loi de financement de la Sécurité sociale ? ».

Pour rappel, les ressources qui servent à financer la protection sociale se répartissent en trois catégories principales : les cotisations sociales (61 % du total des ressources en 2015), les impôts et taxes « affectés » (25 %, dont la moitié - 13 % - provient de la CSG), et les contributions publiques de l’État et des collectivités locales (10,2 %). Avec la récente hausse de la CSG, les lignes évoluent rapidement. À l’origine, les cotisations sociales pouvaient représenter jusqu’à 95 % des recettes de la Sécurité sociale.

L'ensemble des réflexions du lab est disponible ici.


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