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31 / 05 / 2016 | 5 vues
Marc Luccioni / Membre
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Déclaration sociale nominative : parlons-en

La déclaration sociale nominative (DSN) monte rapidement en charge sans difficulté majeure et sera généralisée en 2017. Quel est le point de vue de la profession sur cette réforme majeure qui fait entrer les formalités sociales dans l’ère du « tout numérique » ?

Quels sont les principes de fonctionnement de la DSN ?

La déclaration sociale nominative, instituée par la loi Warsmann, vise à remplacer l’ensemble des déclarations sociales réalisées par les employeurs par un seul et même fichier dématérialisé.
 
La norme correspondante a été développée sur la base du « dites-le nous une fois », interdisant la répétition d’une information déjà existante dans le fichier. Le fichier est adressé par le portail www.net-entreprises.fr (ou www.msa.fr). Les « opérateurs » du système DSN, sous l’égide du groupement d’intérêt public pour la modernisation des déclarations sociales (GIP-MDS), à savoir ACOSS et CNAV, se chargent respectivement de son traitement, de son envoi aux organismes destinataires et de son archivage.
 
Parallèlement, les opérations nécessitant une information rapide des organismes destinataires (fin de contrat, arrêt maladie etc.) font l’objet d’un signalement d’événement sans attendre l’envoi de la DSN.
 
La DSN va également améliorer la qualité des données de paie transmises. En effet, les contrôles sur les numéros de SIRET et sur le numéro de Sécurité sociale (NIR), ainsi qu’un suivi plus précis des contrats, vont permettre une amélioration de la précision des informations transmises.
 
Il convient également de retenir que la DSN renforcera la sécurité du traitement des déclarations sociales et la lutte contre la fraude. Étant donné que le fichier informatique ne peut être généré que par un logiciel de paie et que le recours à la dématérialisation nécessite une authentification préalable, le dispositif ne peut qu’accroître sensiblement la sécurité de l’échange.
 
L’ensemble du dispositif est porté par le groupement d’intérêt public pour la modernisation des déclarations sociales, présidé par Éric Hayat, sous l’égide la direction de la Sécurité sociale (DSS) et de la mission interministérielle de maîtrise d’ouvrage stratégique (MOAS) dirigée par Jean-Louis Buhl. 

Où en est-on du déploiement de la DSN ?

Le déploiement de la DSN est progressif afin d’éviter tout effet « big bang », compte tenu du nombre d’acteurs : entreprises/employeurs, émetteurs et organismes destinataires. Son déploiement, prévu en 3 phases, est actuellement en cours de phase 2. Cette phase se substitue facilement au régime de déclaration historique car elle ajoute uniquement
à ce qui existait en phase 1 la transmission de la partie « DUCS » transmise à ACOSS.
 
Le site a ouvert en avril 2013 mais les premiers flux significatifs ne sont arrivés qu’un an après et sur des volumes très modestes. C’est seulement avec l’obligation intermédiaire en mai 2015 qu’une montée en charge significative s’est réellement engagée (passage de quelques milliers d’entreprises à près de 30 000), puis à l’automne de la même année avec l’arrivée des cabinets d’expertise comptable (passage de 70 000 à 170 000 entreprises en trois jours sur l’échéance de novembre).
 
À ce stade de déploiement, nous pouvons déjà constater que le traitement de la DSN fonctionne correctement et répond aux objectifs de simplifications attendus.
 
Une enquête complète réalisée en septembre 2015 montre un taux de satisfaction sur le fonctionnement en place de 75 % et une bonne compréhension de la simplification réelle qu’apporte la DSN pour 8 entreprises sur 10.
  • Au 15 février 2016, la montée en charge de la DSN est significative : 410 000 établissements gérés en DSN et 5 040 cabinets d’expertise comptable engagés (ce qui représente environ 55 % de l’ensemble des entreprises en production à ce jour).
La réussite de l’adhésion au système DSN est donc confirmée. Il convient également de remarquer que toutes les grandes entreprises françaises (excepté celles n’étant pas incluses dans le champ de la DSN) ont déjà basculé. Elles représentent à elles seules plus de 8 millions de salariés parmi les 11 millions déjà concernés à ce jour.
 
Nous nous attendons également à un afflux assez massif de DSN avec l’échéance de février 2016. En effet, suite à un récent sondage, près de la moitié des entreprises qui ont planifié un démarrage l’ont fait sur la paie de janvier 2016 pour avoir une année pleine. Dans les cabinets d’expertise comptable, un démarrage en début de trimestre est également préféré.
 
Le système sera sous surveillance mais il n’est pas exclu que l’on double le nombre d’entreprises utilisatrices dès le début de l’année 2016. 

Après l’annonce du déploiement progressif de la DSN jusqu’en juillet 2017, sentez-vous les experts comptables toujours dans la même dynamique sur le projet DSN ? 

Sous l’impulsion importante initiée par le Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables, les experts-comptables ont pris conscience de l’intérêt et de l’enjeu de la mise en place de la DSN. Ils se sont mobilisés en grand nombre au cours du dernier trimestre 2015 afin de mettre en œuvre la DSN en cours de phase 2. C’était clairement le meilleur moment pour amorcer « en douceur » une mise en œuvre de la DSN.
 
L’aménagement du délai de généralisation de la DSN, que tout le monde attendait compte tenu du retard pris dans la diffusion et l’installation des produits de paie adaptés au début du projet, va permettre d’améliorer le dispositif de mise en œuvre au sein d’un certain nombre de cabinets d’expertise comptable. Il va également permettre aux cabinets de plus petite taille, de rentrer dans le dispositif une fois que celui-ci aura été testé et rodé par le plus grand nombre.
 
L’échéance ultime de juillet 2017 annoncée par le gouvernement ne concernera que quelques cas particuliers ; l’entrée en vigueur de la grande majorité des entreprises et de tous les cabinets d’expertise comptable est prévue au plus tard début 2017.

La DSN est elle utilisable par tous les employeurs ?

Certains employeurs ne sont pas concernés pour le moment. Ils le seront bien sûr à terme : il s’agit surtout de la fonction publique (fonction publique d’État, collectivités territoriales et établissements hospitaliers) et des établissements publics à caractère administratif.
 
Ils devront entrer dans le dispositif de la DSN au plus tard en 2020 et peuvent déjà l’anticiper de manière volontaire. Par ailleurs, certaines procédures concernant certaines populations sont pour le moment exclues de la DSN, notamment les formalités de chômage pour les intermittents.
 
En outre, les particuliers employeurs ne sont pas concernés par la DSN et certaines exceptions demeurent, comme le TESE, le TESA ou le GUSO. 

Comment traiter le cas des salariés non gérés en DSN ?

Il convient qu’ils soient présents dans la DSN mensuelle mais avec mention d’un critère d’exclusion et des modalités spécifiques de remplissage ; les consignes précises sont données sur dsn-info.fr. En outre, pour les procédures les concernant qui ne relèvent pas du cas général, l’entreprise doit continuer d’appliquer les anciennes procédures.

Quelles sont les modifications induites par la DSN en matière de délais déclaratifs et de délais de paiement ?

Sur les délais déclaratifs, la DSN instaure désormais seulement deux échéances :
  • le 5 du mois suivant pour les entreprises qui sont en paiement mensuel à cette date (entreprises de 50 salariés et plus qui étaient déjà au 5 dans le cadre de la DUCS) ;
  • le 15 pour toutes les autres.
Les conditions applicables aux cas particuliers (par exemple échéance DUCS actuelle au 25) seront précisées prochainement.
 
C’est important pour le droit des salariés car les calculs de ces droits se fondent sur les mois écoulés, dont le précédent.
 
Sur les délais de paiement, la DSN ne change rien.

Le délai de signalement de certains événements dans les 5 jours ouvrés vous paraît-il suffisant ? 

Ce délai a fait couler beaucoup d’encre et provoqué de vives discussions au sein de la profession d’expertise comptable. Il convient à ce sujet de rappeler que ce délai est volontairement court afin de permettre aux salariés concernés de bénéficier rapidement de leurs droits et du versement des indemnités auxquelles ils peuvent prétendre. De plus, l’opération est simple : il s’agit uniquement de préciser l’absence d’un salarié en donnant une période et un motif.
 
Aucune base, aucun historique ne sont à fournir puisque les organismes les ont déjà obtenus dans le cadre de la DSN.
 
En revanche, la difficulté peut venir du salarié lui-même quand il ne communique pas son changement de situation rapidement. C’est pourquoi le délai de cinq jours pour l’employeur devrait courir à compter de la prise de connaissance de l’information.

Quels sont les principaux points de vigilance et modifications constatés dans l’organisation des échéances déclaratives ?

Le paramétrage des dossiers est à effectuer en tenant compte de la nécessaire normalisation qu’implique la DSN qui suppose la définition précise des différentes zones renseignées pour établir la paie, désormais utilisées dans les déclarations. Bien sûr, les procédures d’échanges entre le cabinet d’expertise comptable et son client doivent garantir que toutes les informations nécessaires au calcul de la paie sont parvenues au cabinet avant la date d’opération. Sinon, cela sera déclaré dans la DSN suivante.

Faut-il informer les salariés du changement de processus déclaratif ? 

Oui, il s’agit bien là d’une obligation pour l’employeur.
 
Il faut noter qu’il s’agit d’une simple information et non d’une demande d’autorisation. Il faut aussi noter que cette information a été faite dans toutes les entreprises en production et que cela ne suscite pas d’inquiétude parmi les salariés. Très peu de questions sont posées.
Les syndicats représentant les salariés, qui sont aussi régulièrement associés aux travaux du projet DSN, voient bien l’avantage de ce système pour la sécurisation des droits des salariés mais aussi pour la simplification de leurs démarches, particulièrement pour ceux qui relèvent de plusieurs employeurs avec des contrats différents et successifs.
 
La DSN pourra permettre de reconstituer un « tout-en-un » à la place du cumul des bulletins de salaire actuels.

En tant qu’expert-comptable, quels sont vos arguments pour faire basculer les  clients TPE/PME en DSN, notamment les clients réticents ?

Nos clients de taille importante qui établissent leurs payes eux-mêmes ont déjà basculé lors de la phase de démarrage anticipée définie par le décret de 2015. Pour nos autres clients, ces derniers nous font confiance et la décision de basculer en DSN incombe à l’expert-comptable.
 
Les gains de productivité que les cabinets vont réaliser grâce à la DSN seront utilisés pour améliorer la qualité de l’accompagnement et proposer du conseil aux clients.

La phase 3 sera déployée en septembre 2016 : comment procéder pour la mise en conformité des dossiers ?

Nous allons attendre de voir les résultats de la phase de test et nous sélectionnerons prioritairement les dossiers dont le plus grand nombre de destinataires est entré en DSN.
En effet, la difficulté majeure en phase 3 sera de limiter les doubles déclarations, entre le système actuel et la DSN.
 
Les paramétrages seront facilités par les guides de remplissage qui ont été réalisés par les partenaires de la phase 3, notamment l’AGIRC ARRCO et les complémentaires.
 
De plus, pour les cotisations de régimes complémentaires, nous disposerons dès la fin février sur « net-entreprises » des fiches de paramétrages qui seront téléchargeables, ce qui permettra d’anticiper et de faciliter la préparation.
 
Une fois les paramétrages montés, nous ferons quelques envois en pilotes pour nous assurer du bon fonctionnement de bout en bout et nous basculerons ensuite en production. 

Quels sont les points d’amélioration sur lesquels travaille le GIP MDS ? Quelles sont les évolutions envisageables de la DSN ?

La DSN a ouvert un processus d’amélioration continue. Au fur et à mesure, des besoins de
précision sont mis en évidence et le GIP MDS apporte les réponses et les ajustements nécessaires.
 
Par exemple, sur le salaire rétabli avant la DSN aucune définition n’existait. Chaque entreprise voyait avec sa CPAM ce qu’il fallait mettre.
 
Une définition complète existe désormais. Le nombre de cas particuliers est très important, à ce jour il reste encore des zones d’ombre à éclairer sur certains traitements, à la marge, certes, mais cela demande beaucoup de temps.
 
Par ailleurs, la DSN met en évidence un réel besoin de normalisation « grand-angle » sur des éléments comme les assiettes des différentes cotisations et contributions. C’est un chantier à long terme, le GIP s’emploie à le documenter au fur et à mesure quand quelques différences difficilement explicables sont relevées entre des assiettes.
 
Le GIP MDS met surtout en forme des propositions de simplifications qui sont aussi l'un des éléments majeurs de la modernisation poussée par la DSN. C’est ainsi qu’ont déjà abouti des simplifications sur le calcul des indemnités journalières de maternité, plus récemment des accidents du travail et de la maladie professionnelle et qu’a été étudiée et validée par l’AGIRC ARRCO la suppression des sommes isolées.
 
Il reste beaucoup de pistes à explorer, la généralisation complète de la DSN sera une base sur laquelle tous les acteurs représentant les employeurs et experts-comptables pourront ensemble situer les points d’amélioration principaux nécessitant des évolutions.

Avec la généralisation du prélèvement SEPA interentreprises, peut-on dire que la dématérialisation est complète dans le domaine social ?

Le SEPA n’est pas lui-même totalement dématérialisé puisque la banque doit recevoir un mandat. Mais, concernant la dématérialisation sur la sphère sociale, on peut dire que la DSN l’a effectivement fait notoirement progresser.
 
Les taux de dématérialisation des différentes déclarations remplacées étaient variables :
  • près de 100 % en DUCS ;
  • 95 % en DADS ;
  • 50 % des DSIJ ;
  • 30 % au mieux sur la DMMO ;
  • et seulement 10 à 20 % sur le champ des complémentaires.
La DSN fait passer toutes ces déclarations à 100 % et, une fois généralisée, d’autres déclarations plus ponctuelles qui se font encore sur papier pourront aussi être dématérialisées et pas seulement dans la sphère sociale.
 
On peut dire que la DSN est un véritable projet numérique et qu’elle aura fait entrer la protection sociale française parmi les premiers acteurs du monde numérique en cours de construction.
 
En conclusion, il faut retenir que la DSN constitue une simplification majeure du système de déclaration sociale et qu’elle va permettre une amélioration significative du dispositif en termes de qualité et de rapidité des traitements au bénéfice des salariés. La DSN, qui s’inscrit également dans un esprit de sécurisation des échanges, permettra de renforcer la lutte contre la fraude en matière sociale.
 
Elle correspond à une avancée majeure qui touche l’ensemble de la sphère sociale et elle est accueillie avec satisfaction par l’ensemble des opérateurs.
 
Les sujets d’intégration des déclarations complémentaires dans la DSN, notamment de la future retenue à la source souhaitée par le gouvernement, sont actuellement à l’étude et ne font que confirmer la qualité de ce processus.
 
Sa réussite pourra être considérée comme complète et définitive à l’issue de sa mise en place en fin de phase 3.
 
Les experts-comptables sont très largement conscients de cette avancée majeure que constitue la DSN et ils ont toujours joué un rôle actif aux côtés du GIP MDS afin d’accompagner et de contribuer à l’amélioration du dispositif. C’est un travail concerté entre les équipes du Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables, sous l’impulsion importante de son président Philippe Arraou qui a permis une adhésion du plus grand nombre des experts-comptables au dispositif DSN.

Qu’est-ce que le COUTI ?
Le Comité des utilisateurs (COUTI) du GIP est un organe consultatif représentant les entreprises en tant qu'utilisatrices des produits et services développés ou proposés par le groupement et qui rend compte au conseil d’administration de l’avis des utilisateurs du système « net-entreprises » et de la DSN.
Réunissant les représentants des entreprises (MEDEF, CGPME, UPA et FNSEA), des experts-comptables (CSOEC) et des éditeurs (SDDS, Syntec numérique), il permet de consolider les avis de ces différents profils face aux éléments structurants proposés. Il s’appuie sur un groupe permanent d’expression des besoins pour toutes les analyses plus détaillées demandant des avis d’utilisateurs de terrain, avis dont il prend connaissance pour en relayer les points clefs auprès du conseil d’administration.
Suivi de la montée en charge et partage sur les conditions de production de DSN de qualité, avis sur les seuils d’obligation posés dans les décrets, orientations sur les propositions d’ergonomie, relais des risques présentés dans le projet pour les entreprises sont quelques exemples du large panel de sujets qu’il a à connaître et traiter.

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