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15 / 11 / 2019 | 177 vues
Etienne Dhuit / Membre
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Temps de travail en France : les lobbies sont de sortie

Dans une note récente, l’IFRAP alerte sur l’insuffisance du temps travaillé dans l’Hexagone, boulet pour l’économie selon l’institut. Véritable information ou tentative de manipulation? La question est rhétorique.
 

Que ne faut-il pas entendre? Le 4 novembre dernier, L’Opinion publiait un article au titre racoleur («Temps de travail : 107 milliards d’euros de valeur ajoutée perdus par la France») sur la faiblesse du temps de travail dans l’Hexagone. Qui serait source, selon le média, de tous nos maux économiques actuels (chômage et croissance en tête).
 

Le papier, qui ne fait guère dans la contradiction, suit, il est vrai, des propos similaires à ceux du Ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, qui avait expliqué en octobre dernier que «nous ne travaillons pas assez. Le volume des heures travaillées en comparaison de nos voisins du G7 et des grands pays de l’OCDE [Organisation de coopération et de développement économiques, ndlr] est insuffisant», avait-il martelé.
 

Lobby pro-capital
 

L’ancien chantre de la droite libérale travaille actuellement à un «pacte productif» censé redresser l’industrie tricolore et viser le plein-emploi en 2025. Sa sortie médiatique n’a donc rien d’exceptionnel. D’autant moins qu’elle peut être justifiée par une étude de la Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (IFRAP), qui a récemment taclé la France pour «la relative faiblesse de [sa] croissance […] depuis 2010», celle-ci provenant «essentiellement de la faible progression du nombre d’heures travaillées».
 

«Si la France avait eu la même durée du travail que la moyenne d’un échantillon de pays européens comparables, elle aurait eu une valeur ajoutée supérieure de 107 milliards d’euros en 2018», explique la Fondation dans sa note révélée par L’Opinion. Un média à la solde des grands patrons, un homme politique au libéralisme décomplexé, un institut de recherches aux airs de lobby pro-capital : sommes-nous en présence d’une information brute ou de l’un de ces «faits alternatifs» qui émaillent aujourd’hui la scène politique?
 

C’est une question rhétorique. La seconde hypothèse est bien plus probable, vu le grand écart entre les statuts de l’IFRAP et la «réalité du terrain». «Tout, dans la présentation de l’IFRAP, est voué à asseoir cette image d’une institution objective, aux méthodes scientifiques, qui produirait un contenu de référence», expliquait ainsi Étienne Girard, journaliste chez Marianne, après avoir mené sa petite enquête en 2018.
 

Conditions de travail
 

Des salariés présentés comme des chercheurs chargés d’analyser les politiques publiques et d’effectuer des «études et des recherches scientifiques» pour montrer leur (in-)efficacité : «Cette présentation [de l’IFRAP par elle-même, ndlr] a tout du génie marketing puisqu’elle légitime et crédibilise l’IFRAP en tant qu’interlocuteur indépendant pour les médias», selon le journaliste. Problème : alors que l’institut se réclame d’un scientisme à toute épreuve, sur 229 notes, 2, seulement, ont été rédigées par de «véritables» chercheurs.

 

Si la manipulation de l’opinion (le grand public, pas le média...) a toujours fait partie du jeu politique, sa déconstruction et sa dénonciation également. Ainsi, l’IFRAP prétend qu’il conviendrait d’augmenter le temps de travail des Français pour panser nos maux actuels. On peut lui répondre qu’au Japon (pays membre de l’OCDE), l’entreprise Microsoft a tenté de faire travailler ses salariés 4 jours sur 5 durant tout un été. Résultat : une hausse de la productivité de 40 %.
 

Plus proche de chez nous, en Allemagne (temple vénéré de toute cette faune néolibérale hexagonale), un cabinet de conseil dans le numérique fait travailler ses salariés 5 heures par jour uniquement. Tout en maintenant les salaires et les congés au même niveau, bien évidemment. Rebelote : hausse de la productivité. Pour Lasse Rheingans, son patron, ce résultat s’explique tout simplement par des conditions de travail bien meilleures, pour ses équipes, qui se sentent plus à l’aise et produisent un travail de meilleure qualité. Et si la réponse, plutôt que dans le temps de travail, ne se trouvait pas dans l’épanouissement du salarié en fin de compte?

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Bien d'accord 

Mise au point nécessaire pour cet organisme qui cherche à se faire passer pour le sachant de service sur tout

Et même convié comme expert régulièrement sur les plateaux télé ??