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16 / 09 / 2013 | 31 vues
Nicolas Fourmont / Membre
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Compte personnel de formation : OPA sur les fonds de la formation ?

Lundi 8 juillet 2013, le Ministère du Travail a transmis aux syndicats un document d'orientation invitant les centrales syndicales à se retrouver cet automne afin de négocier sur le thème de la formation professionnelle. Le compte personnel de formation (CPF), qui va prendre le relais du DIF, était bien évidemment à l’ordre du jour.

À quoi pouvons-nous nous attendre sur la question ? Au regard du contexte économique actuel, des rapports de forces en présence et des arbitrages déjà réalisés par les pouvoirs publics, nous pouvons proposer un scénario possible concernant le CPF.

Un patronat arc-bouté sur le coût du travail et la compétitivité des entreprises

Depuis plusieurs mois, le leitmotiv des syndicats patronaux est invariant : les entreprises n’accepteront pas des hausses du coût du travail. Cette problématique est omniprésente dans les débats. Il paraît alors illusoire que soit donné plus de latitude aux salariés en matière de formation. Faire du CPF un droit opposable pour 2014 est improbable, les entreprises ne mettront pas la main à la poche.

La loi de sécurisation professionnelle permet la mobilisation du CPF durant les périodes de chômage

En revanche, une forme de consensus national existe sur le fait que les chômeurs constituent un public prioritaire. Les centrales syndicales, de salariés comme patronales, ne peuvent politiquement pas aller à l’encontre de cette forme de truisme.

C’est dans ce contexte que l’ANI du 11 janvier 2013 sur la sécurisation professionnelle s’est négocié. Les chômeurs sont au centre des préoccupations. Il est notamment convenu que le CPF pourra être mobilisé durant les périodes de chômage, le principe de portabilité des droits (attachés des droits à la personne et non au statut de salarié) légitimant totalement cette approche.

Mais qui va financer le CPF ? Le fonds paritaire de sécurisation : CQFD...

Il est donc entendu que le CPF pourra être mobilisé durant une période de chômage. Mais qui va payer l’addition ? L'État via Pôle Emploi ? L’hypothèse est peu probable, les salariés et les entreprises vont, selon toute vraisemblance, payer la facture.

Ce tour de force a été rendu possible grâce à la loi de 2009 relative à la formation professionnelle. Les pouvoirs publics ont poussé à la création d’un fonds dédié au financement de la formation pour les salariés les plus éloignés de l’emploi, sans que cela ne se traduise par une augmentation des cotisations salariales ou patronales. Les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) doivent désormais verser entre 5 et 13 % des sommes collectées au titre du plan de formation à un fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP). Les chômeurs pourront bénéficier de ces financements, notamment pour acquérir des compétences et faciliter leur embauche.

Selon nous, c’est l’acte fondateur du financement du CFP qui se préfigure aujourd’hui. Les négociations vont sans doute entériner le financement du CPF par le FPSPP. La boucle sera bouclée : une partie de la formation des chômeurs sera donc financée directement par les entreprises.

Le DIF est à l’origine un dispositif qui a été pensé pour donner des moyens de formation directement mobilisables par les salariés. Il  s’agissait de rendre le salarié acteur de son parcours professionnel. Mais le patronat s'est toujours opposé à rendre opposable ce droit au sein de leur entreprise. Résultat des courses, les compteurs DIF gonflent d’année en année.

Pour leur part, les gouvernements successifs, par l’odeur alléchée, ont toujours lorgné sur les fonds de la formation. Le CPF est sur les points d’être « cannibalisé » par l’État pour financer la formation des chômeurs, et cela à bon compte. En puisant dans les fonds paritaires de sécurisation des parcours professionnels, l’OPA sur une partie des fonds de la formation est sur le point d’aboutir. Il est donc peu probable que les négociations à venir facilitent la mobilisation d’heures de formation par les salariés.

Si nos analyses se confirment, l'esprit du DIF n'est-il pas sur le point d'être dévoyé ?

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Bonjour Didier, heureux que vous adhériez à l'analyse. Pour ma part, j'aimerais bien comprendre votre résonnement lorsque vous dites qu'il faut "se battre pour préserver le DIF". Spontanément, ce n'est pas l'approche que je défendrais au regard des résultats obtenus. Je serais plutôt partisan de faire évoluer le dispositif afin que les salariés puissent effectivement s'en saisir, ce qui n'a pas été le cas jusqu'à maintenant. Je pense que l'on peut parfaire le CPF en rendant opposable ce droit par exemple. Cordialement. Nicolas Fourmont.