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17 / 11 / 2014 | 3 vues
Sylvain Thibon / Membre
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54 ans et encore capable d'exploits !

Qu’on se le dise, la réussite est aussi affaire de persévérance et de maturité.

Loïck Peyron vient de nous le prouver. En remportant à 54 ans, la Route du Rhum qui relie Saint-Malo à la Guadeloupe, il réalise un exploit assez extraordinaire, en un peu plus de 7 jours, seul sur un énorme trimaran de 31 mètres.

Une belle aventure qui vient annihiler et mettre à bas un certain modèle RH qui ne voit l'avenir de nos grandes entreprises françaises que par le jeunisme, le court terme et le moindre coût, notamment sur le plan salarial.

Ces choix, nous les contestons parce que nous les savons contre-productifs et destructeurs de valeurs, sur le plan humain comme pour l'activité.

Ces politiques sociales doivent être révisées. Nos entreprises souffrent de ce mal du nouveau siècle. Certains dirigeants de grands groupes n’hésitent pas à surfer sur le sous-emploi pour engager des jeunes recrues hyper-formées en leur proposant des postes inadaptés et sous payé.

Nous ne recrutons qu’à Bac+5… Pourquoi s’étonner dès lors des dysfonctionnements majeurs et du mal-être grandissant qui affectent nos organisations et par ricochet l'activité ?

Canal+ n’échappe pas à cette mode alors que nous devrions être à l’avant-garde pour un changement radical de posture. Plutôt que de sauvegarder les savoirs et les compétences, nos DRH préfèrent s’en séparer, arguant du manque de renouvellement, mais plus benoîtement des coûts salariaux des plus anciens ou encore d’une supposée incapacité pour ces salariés à évoluer dans un monde 2.0.

Faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais… Bien sûr, ceux qui mettent en œuvre ces politiques ont pour la plupart allègrement franchi le cap de la cinquantaine avec parfois dix ou douze ans d’ancienneté dans notre belle entreprise.

Notre syndicat considère que la réussite d’un entreprise repose sur la diversité sociale qu’elle est capable d’intégrer, de diriger et de développer. Une réussite qui repose également sur une certaine stabilité de son organisation, l’exemple allemand nous le rappelle. Le renouvellement dans les entreprises d’outre-Rhin est faible et la capacité offerte à de nombreux salariés de faire carrière (parfois du bas au haut de l’échelle) génère des succès fulgurants et pérennes.

45 ans et déjà senior, c’est en 2014 à Canal+. À cet âge « bien avancé », l’heure de la sortie pourrait alors sonner sans crier gare, convocation, mobilité obligée, postes vidés de leurs missions… Tout est bon pour montrer au salarié qu’il est temps « de se bouger »… « C’est pour ton bien… Nous allons t’accompagner… Le CV de Canal+ est une très belle référence sur le marché, tu verras aucune inquiétude… ».

C’est ainsi depuis des années et la cible, ce sont ces « seniors » qui dérangent un ordre social que l’on voudrait voir disparaître au besoin par la contrainte.

  • Bataille dans les couloirs. Embauchez 50 Bac+5, faites leur imaginer une belle carrière dans une pépinière de talents, laissez mariner, ouvrez le couvercle douze mois plus tard et recasez les survivants ! Caricatural, direz-vous ? Malheureusement banal d’une politique qui dont on ne sait même plus qui l’a imaginée et théorisée.

Laboratoire social

Nous pourrions comparer en France des entreprises comme les nôtres qui n’ont pour ambition que le renouvellement constant de leur base sociale et la déstabilisation des organisations avec d’autres entreprises aux choix sociaux plus stables

Il ne s’agit bien évidemment pas de refuser le renouvellement des générations ou le recrutement de jeunes diplômés, ce serait absurde et le remède serait pire que le mal. Il s’agit d'abord de réfuter globalement un modèle social obsolète qui a pour première conséquence de précipiter chez Pôle Emploi des dizaines de salariés et de faire progresser l’angoisse du lendemain dans le même nombre de familles concernées tout en déstabilisant l'activité.

Canal+, qu’as-tu fais de ton passé ?

Nous venons de fêter les trente ans de Canal+. Souvenons-nous toujours que l’aventure voulue par André Rousselet n’était pas que télévisuelle, elle était aussi dès l’origine fortement teintée d’une ambition sociale. La reconnaissance du travail accompli par chacun et le partage de la richesse produite par le groupe du haut en bas de l’échelle sociale incarnait alors ce modèle des années 1990. Canal+ était une entreprise moderne aussi dans sa gestion sociale. C’est ce modèle-là que les fondateurs de Canal+ ont essayé de préserver et qui a aujourd’hui explosé.

Déjà à l’époque, une diversité dans le recrutement avec des salariés plus âgés aux postes clefs, de jeunes voire de très jeunes recrues qui ont pu démontrer leur capacité d’adaptation et progresser pour atteindre des postes à fortes responsabilités quelques années plus tard.

Aujourd’hui, ce cheminement est impensable. Recruté autour de 25 ans, souvent après une longue période de stage, le jeune salarié bien formé est aussitôt aspiré par la machine, essorage de première classe afin de retirer le meilleur du suc pendant quelques années pour enfin tester sa résistance et sa capacité d’adaptation, notamment aux réorganisations permanentes…

Certains exclus auront la chance d’être « recyclés » dans une autre société du groupe. Dans un autre environnement plus ouvert et respectueux, ils démontreront leurs capacités à réaliser de grandes œuvres. Exemplarité de Canal+ Overseas qui réussit ses développements en partie grâce aux compétences exclues du Canal historique.

Dans ce contexte, l’exploit de Loïck Peyron nous rappelle que les conceptions managériales de nos entreprises sont aujourd'hui erronées et dépassées. On se trompe de stratégie, on fabrique du malaise et du mal-être, on détruit de la valeur de l'activité, du savoir-faire, des ambitions.

Aucun dirigeant n’est encore parvenu à démontrer l’efficacité de ces politiques sociales. Pire, lorsqu’elle est remise en question, par des salariés courageux ou par des représentants du personnel, ces expressions sont qualifiées de « rhétoriques ». « Nous savons ce qui est bien pour vous et pour l’entreprise, laissez-nous faire... ».

Invitons Loïck Peyron à Canal+. Qu’il vienne lui-même nous dire comment l’âge ne contrarie pas la réussite et l'atteinte d'objectifs ambitieux, bien au contraire !

Quel âge ont nos dirigeants ? Ce n'est pas privilégier une vision nostalgique et régressive que d'imaginer pour demain le social autrement à Canal+, respect, diversité, place de toutes les générations, les clefs des succès se trouvent dans cette nouvelle approche sociale.

Il faut avoir l'ambition d'inventer un écosystème social fait d'intelligence et de performances, permettant de concilier les ambitions d'une entreprise exigeante et complexe avec le développement professionnel mais aussi personnel de chaque collaborateur.

Pour Canal+, c'est une belle leçon dans cette période particulière de forte houle et de dépressions à venir.

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