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12 / 03 / 2014 | 15 vues
Sylvain Thibon / Membre
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Vente de SFR, info ou intox ?

La brutale accélération de la communication (*) concernant le dossier SFR ce weekend ne cesse d’étonner. Depuis plus de deux ans, le dossier est dans les limbes, après le départ de Jean-Bernard Levy de la direction de Vivendi, opposé au démantèlement du groupe et à la prise de pouvoir de Vincent Bolloré, c'est la valse d'hésitation et plutôt l'inconnu quant à l'avenir de cette entreprise.

 

Que penser de ce nouvel épisode ? Tout d’abord que la presse, les opérateurs et le gouvernement se précipitent un peu vite sur ce dossier comme pour forcer la main ou obtenir l’aval des autorités compétentes. Pourtant, la raison et le calme devraient l’emporter car un seul acteur donnera son feu vert à toute opération de concentration, c'est bien sur l’autorité de la concurrence. Or, aujourd’hui, cette autorité a toujours défendu la présence de 4 opérateurs de téléphonie mobile et l’on voit mal pour quelles raisons elle changerait d’avis en quelques mois. D'autant qu'un rapprochement de BT et SFR couvrirait avec Orange plus de 80 % du marché français.

 

Positions inverses

Serait-ce parce qu'Arnaud Montebourg jugerait opportun par un beau jour de mars 2014, de réduire à 3 le marché français de la téléphonie mobile alors qu’il avait défendu l’inverse il y a quelques années ? Il soutenait alors sans faille le dossier Free et l’arrivée de ce trublion qui allait bientôt bouleverser le marché du mobile en France. Faut-il rappeler qu'Arnaud Montebourg est d’abord un avocat mais, que l’on sache, il n’est ni économiste ni patron d’entreprise. Alors pourquoi et à quoi pense-t-il lorsqu'il prend aujourd'hui des positions inverses aussi tranchées ?

 

Aussi, comment peut-il affirmer dans la presse de ce weekend que le projet de rapprochement avec Bouygues Telecom serait le meilleur pour sauvegarder l’emploi dans la filière ? Que ce serait le meilleur projet pour le développement de cette activité ? Sur quoi se base-t-il pour dire tout cela ? Quels engagements peut-il prendre sur les 12 ou 24 mois qui viennent alors que, comme tout ministre, il quittera son poste un jour prochain ? Que lui ont donc promis les patrons qui sont venus le voir, comme ils sont également venus plaider leur cause à l’Élysée ou chez le Premier Ministre ? Qu’est-ce qu'il se trame en coulisses dans cette affaire aux enjeux financiers colossaux, de 10 à 15 milliards d’euros au bas mot ? Arnaud Montebourg devrait s’expliquer, au moins devant les représentants du personnel du groupe Vivendi, afin de les éclairer sur ce revirement.

 

Puzzle industriel

Côté Bouygues Télécom, pourquoi ces annonces aussi rapides qu’étonnantes ? Quel est le puzzle industriel imaginé par les grands pontes du secteur ? Quels sont les enjeux financiers et qui a intérêt à cette opération ? Qui pourrait en profiter ? Plusieurs lectures peuvent expliquer cette évolution de nos gouvernants ou de nos patrons mais, avant de les évoquer, rappelons quelques vérités.

 

D’abord, malgré l’arrivée de Free, SFR est une belle entreprise, à la pointe de la technologie, qui investit des milliards dans le développement des réseaux et notamment de la fibre. C’est vrai, ses marges financières se sont réduites, son chiffre d’affaire sur le mobile souffre un peu mais faut-il rappeler que les marges actuelles sont encore excellentes et que les fondamentaux de l’entreprise sont très bons ? Car SFR n’exerce pas que dans le mobile, son activité auprès des professionnels et des entreprises, le « BtoB » dans le fixe, le mobile et les réseaux se porte bien.

 

SFR doit s'adapter à son marché mais cette entreprise va bien. C’est évident, SFR se portera mieux encore demain, quand bien même SFR resterait en l’état propriété de Vivendi ou serait introduite en bourse.

Alors, qu’est-ce qui motive donc Vivendi à accélérer le calendrier de vente en bouleversant la donne et en abandonnant Numéricable à ses ambitions ? La prochaine assemblée générale de Vivendi prévue pour juin prochain ne peut constituer le seul élément d’explication.

Peut-on imaginer que des intérêts particuliers puissent primer sur l'avenir de ce secteur, sur ce mécano industriel qui va peser sur l'avenir de milliers de salariés et l'intérêt de millions de clients?

 

Économie du secteur modifiée

On ne peut imaginer que quelques personnes influentes aient pour simple dessein de vouloir valoriser des avoirs colossaux qui se chiffrent en millions d'actions Vivendi et privilégient un scénario exclusivement orienté intérêts de court terme ? Sinon, comment expliquer ce soudain remue-ménage de printemps, cette accélération du temps ?

N’y a-t-il pas de l’indécence à juger ainsi de l’avenir d’un fleuron technologique et industriel français ? Quelque 10 000 salariés de SFR doivent se poser cette question, ballotés qu’ils sont entre incrédulité et résignation.

 

Que veut-on au fond dans cette affaire ? Nous avons déjà détruit une belle entreprise internationale qui avait pour nom Vivendi. Qu’en sera-t-il pour SFR car, contrairement aux poncifs du moment, l’arrivée de Free a certes modifié l’économie du secteur mais cette évolution a favorisé le développement d'une base exponentielle d’abonnés et de clients au mobile en France. Cette arrivée a provoqué des réajustements dans l’organisation des entreprises historiques du secteur. SFR comme Bouygues Telecom sortent juste d’un plan social qui a concerné plus de 1 000 salariés pour SFR mais dans le même temps, le secteur a recruté plusieurs milliers de salariés et développé l'emploi sur le territoire français.

 

Qui a donc intérêt à favoriser ces montages industriels ? Pour quels intérêts travaillons-nous ? Pourquoi faut-il revoir de fond en comble en quelques mois des orientations stratégiques qui engagent l’avenir de très belles entreprises françaises et l’emploi de dizaines de milliers de salariés ? Messieurs Montebourg, Fourtou, Bouygues, Niel, les salariés de ces groupes, les représentants du personnel de ces entreprises, les millions de clients abonnés à vos offres aimeraient vous entendre et comprendre vos ambitions et la raison de vos choix !

 

(*) Billet écrit le 9 mars.

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