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14 / 04 / 2016 | 3 vues
Andree Thomas / Membre
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Révision limitée de la directive détachement : le diable caché dans les détails ?

Le 8 mars dernier, la Commission européenne a présenté une proposition de directive révisant celle de 1996 sur le détachement des travailleurs.
 
C’est une révision limitée de la directive de 1996 qui fait suite à l’annonce du président de la
Commission faite notamment au congrès de la CES en octobre 2015 à Paris de garantir « l’égalité de rémunération pour un travail de valeur égale ».
 
Cette nouvelle directive introduirait également une durée maximale du détachement. La directive d’exécution de 2014 n’est pas concernée par la révision introduite par ce nouveau projet de directive.
 
Pour la confédération FO qui, avec la Confédération européenne des syndicats (CES), demandait depuis longtemps une révision de la directive, cette initiative est en soi positive. L’introduction du principe « equal pay for
equal work » va dans la bonne direction. L’introduction d’une durée maximale du détachement aussi mais la limitation proposée à 24 mois est trop longue et le soin laissé aux États de fixer cette limite est porteuse de dumping. La durée moyenne du détachement aujourd’hui est de moins de 6 mois ! 
 
La proposition de directive prévoit l’application des règles de détachement à tous les secteurs d’activité. L’annexe de la directive de 1996 précisant les secteurs concernés par la directive serait supprimée. En France, la loi est déjà plus favorable que ne le prévoient les règles européennes.
 
En outre, les accords collectifs dotés d’un effet erga omnes seront applicables aux travailleurs détachés dans tous les secteurs économiques, indépendamment de leur activité économique.

Les règles sur la rémunération applicables aux travailleurs locaux seront également applicables aux travailleurs détachés.

La CES a estimé que la définition restrictive du type de convention collective applicable aux détachés n’est pas satisfaisante car elle exclut les conventions collectives sectorielles dans certains pays (y compris l’Allemagne et l’Italie) ainsi que tous les accords collectifs d’entreprise.

Nous la rejoignons pour exiger un droit des syndicats à négocier collectivement pour
les travailleurs détachés et une disposition contraignante rendant les entrepreneurs principaux conjointement responsables avec leurs sous-traitants pour le respect des conditions générales d’emploi.

En outre, d’autres propositions mises sur la table sont clairement défavorables à la protection des travailleurs.

En ce sens, la proposition de révision ne répond toujours pas aux enjeux sociaux que pose le détachement en Europe, le texte restant tourné principalement vers la protection de la libre prestation de services.
 
Par ailleurs, le diable pourrait bien se cacher dans les détails.
  • Ainsi, la Commission souhaite remplacer le respect du « salaire minimum » par celui de « rémunération nécessaire pour la protection du travailleur ». La notion, plus floue, pourrait entraîner une protection plus fragile pour le travailleur détaché.
  • Le texte se contente également de suggérer des obligations de responsabilité solidaire. Les États membres « peuvent » obliger les entreprises sous-traitantes à obliger elles-mêmes leurs entreprises sous-traitées, au respect d’une rémunération minimale des salariés détachés. Toujours optionnelle a priori, la clause prévoyant que les agences d’intérim transfrontalières qui détachent un salarié dans un autre État membre, devront respecter le droit s’appliquant aux agences d’intérim de ce dernier.
Plus anecdotique enfin, le texte prévoit que les États membres devront publier sur un site internet national les règles applicables en cas de détachement.

La proposition législative sera débattue et examinée par le Parlement et le Conseil dans les prochains mois. Le texte sera notamment examiné par les ministres du Travail dès le prochain conseil emploi qui doit se tenir du 18 au 20 avril.
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