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04 / 10 / 2012 | 25 vues
François Dubreuil / Membre
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Quelle équité pour quelle cohésion sociale ?


Début 2011, le livre de Michel Forsé et Olivier Galland posait ce paradoxe : comment comprendre qu’en France le sentiment d’iniquité soit si vif, alors que les inégalités de revenu sont plus faible qu’ailleurs ?

Comme l’indiquait la note de conjoncture d’Entreprise&Personnel de la rentrée 2011, la campagne présidentielle française a vu s’affronter deux visions de l’équité. L’une à gauche, qui a mis l’accent sur l’injustice de la moindre taxation des très hauts revenus dans un contexte de crise, et ce alors que ces revenus progressent très fortement. L’autre, à droite, qui a mis l’accent sur l’injustice faite à ceux qui travaillent face à ceux qui bénéficient des minima sociaux. L’observation de l’évolution des revenus et des niveaux de vie en France montrent que ces deux démarches font sens. La France se distingue des pays anglo-saxons par le haut niveau relatif de ses minima sociaux et du salaire minimum. Entre 1996 et 2007, le niveau de vie des plus bas revenus a progressé. Par ailleurs, en France comme dans les pays anglo-saxons, le niveau des hauts revenus a progressé et celui des très hauts revenus a très fortement progressé. Les deux approches de l’équité font donc sens et convergent autour du sentiment que la classe moyenne porte l’essentiel de la baisse des niveaux de vie et de l’effort fiscal et social. Elles sont cohérentes avec le fait que le sentiment d’iniquité soit globalement élevé bien que le niveau global d’inégalité progresse moins qu’ailleurs : la classe moyenne française est davantage mise à contribution.

Est-ce là le seul facteur explicatif ?

Yann Algan et Pierre Cahuc soulignent plutôt le rôle du corporatisme qui rend opaque le fonctionnement de la protection sociale et entraîne une défiance sur l’égalité des contributions et bénéfices de tous, d’autant que l’importance de l’intervention étatique affaiblit et déresponsabilise les partenaires sociaux.

Louis Chauvel propose une autre explication. La France a connu une décélération continue et forte de sa croissance depuis le début des années 1970, combinée à une massification de l’accès à l’enseignement supérieur. Il en résulte une ossification des différences relatives de revenus entre catégories de salariés d’une part : les ouvriers ne peuvent plus, comme dans les années 1950, espérer atteindre de leur vivant le niveau de vie actuel des cadres (ex. accès à la voiture, l’électroménager et la maison individuelle) et un affaiblissement d’autre part des possibilités de progression interne du fait de la possibilité de recruter des jeunes à niveaux de diplômes élevés. Cette évolution entraîne aussi une nouvelle sorte d’inégalités : entre générations.

Louis Maurin directeur de l’observatoire des inégalités, actualise la critique de la reproduction des inégalités sociales par l’école. Il souligne que, parmi les pays de l’OCDE, la France est l'un des pays dans lesquels les inégalités d’origine sociale ont le plus d’effets sur les résultats scolaires. Il y a donc une double crise de la méritocratie : dans l’entreprise et à l’école.

Cette crise de la méritocratie est mise en lumière par l’attention portée aux inégalités suivant le sexe, l’âge, l’appartenance à des groupes discriminés. Le premier baromètre du MEDEF sur la perception de l’égalité des chances en entreprise souligne que les salariés sont très sensibles à cet aspect, nettement plus que les directions d’entreprises. Ils se sentent en particulier concernés par l’inégalité des chances suivant l’âge et le niveau de diplôme. Parce qu’il ne s’agit pas d’un critère de discrimination au sens légal, le baromètre du défenseur des droits n’inclut pas le niveau de diplôme dans son enquête, ses résultats soulignent en revanche que la question de l’âge semble plus présente dans le privé et celle du sexe dans le public. L’observatoire des discriminations a par ailleurs établi la réalité des discriminations à l’embauche en France.

Ces questions font sens dans cette rentrée 2012 qui voit la société française s’interroger à nouveau sur sa cohésion sociale. Les efforts demandés par l’État, en termes de ponction fiscale, baisse des prestations et par les entreprises en difficulté en termes d’intensification du travail et baisse de la rémunération variable seront-ils perçus comme équitables ? La concentration du chômage sur des zones géographiques et des populations déjà en grande difficulté porte-t-elle des germes d’explosion de conflits identitaires ?

À ce sujet, nous vous proposons ce jeudi 18 octobre notre journée d’étude intitulée « l’équité au cœur de la cohésion sociale ». Nos journées d'études sont réservées à nos adhérents. Le bulletin d’inscription est ici.

À suivre également la présentation de notre note de conjoncture sociale 2012.
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