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10 / 02 / 2016 | 1 vue
Thierry Amouroux / Membre
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Que peut-on attendre de la grande conférence de santé ?

Alors que la loi de santé a été publiée le 26 janvier, le Premier Ministre convoque une grande conférence de santé le 11 février 2016. Que peut-on en attendre ?

Ces dernières années, les grandes consultations des professionnels de la  santé à travers des groupes de travail se sont enchaînées : le pacte de confiance, la stratégie nationale de santé et maintenant la grande conférence de santé.

Nous nous demandons tous ce qui va ressortir de cette nouvelle concertation : les mêmes personnes sont réunies une nouvelle fois pour dire les mêmes choses, ce dont les décideurs tiennent rarement compte.

Depuis plusieurs mois, trois groupes de travail se réunissent  : le premier sur la formation, le deuxième sur les métiers et le troisième sur les parcours. Nous espérons parvenir à un décloisonnement des professions de santé, à l’hôpital et en ville, avec une coopération pluriprofessionnelle autour des patients.

Cependant, il n’est pas nécessaire de faire une première année commune pour mettre en place quelques cours transversaux ou donner des notions de base concernant chaque métier afin de mieux prendre en charge le patient et de mieux comprendre le travail de chacun.

Entre les diverses professions de santé, les modalités, les socles des métiers et les finalités ne sont pas les mêmes. Il serait sans doute plus intéressant de renforcer l’interdisciplinarité et la transdisciplinarité dans chaque filière. Mais il faut respecter le cœur de métier.

En novembre 2015, 20 585 infirmières et cadres infirmiers spécialisés ont répondu : 68 % de ces professionnels infirmiers sont hostiles à une première année commune aux 14 formations paramédicales (14 018 réponses contre et 6 567 réponses pour).

En revanche, qu’en troisième année de formation il y ait des troncs communs avec les autres étudiants arrivant eux aussi en fin de formation, serait un plus. Ceci permettrait certains cours et réflexions communes sur des sujets communs (éthique, travail en équipe, réflexions sur le travail pluridisciplinaire…) et améliorerait sûrement les relations par la suite, pour le plus grand bénéfice des soignés.

Dans les autres pays de l’Union européenne et dans les pays anglo-saxons, il y a depuis des décennies des filières en sciences infirmières : pourquoi un tel retard en France ? Lors de la réforme de 2009, la France a déjà été le 24ème pays sur 27 à entrer dans le système LMD. Nous ne souhaitons pas la dissolution des IFSI dans des instituts régionaux de formation paramédicale formant les 14 professions de santé réglementées.

Nos attentes pour les infirmières

Malgré nos nombreuses demandes, le décret d’acte infirmier n’a pas été réactualisé depuis 2004. Or les techniques médicales évoluent sans cesse, et la prise en soins s’est modifiée.

Nous sommes compétents pour vacciner une personne fragile mais surtout pas son entourage en bonne santé.

La loi autorise les infirmières à vacciner l’ensemble de la population, elles y ont été formées, et ont les compétences nécessaires. Mais le décret stupide d’une administration rétrograde a cantonné cela à une seule pathologie (la grippe) et pour un seul segment de la population : les personnes âgées ou les personnes atteintes de pathologies chroniques. Là, on nage en plein délire : nous sommes compétents pour vacciner une personne fragile mais surtout pas son entourage en bonne santé.

Autre exemple, une infirmière libérale peut prescrire des dispositifs médicaux comme les pansements mais pas des médicaments aussi dangereux que le sérum physiologique (de l’eau stérile) pour décoller la compresse, ni l’antiseptique (en vente libre) pour désinfecter. Il faudrait une loi pour nous y autoriser.

L’infirmière est habilitée à entreprendre et à adapter les traitements antalgiques dans le cadre des protocoles médicaux. Mais dans les faits, nous adaptons aussi souvent d’autres médicaments, comme les anti-vitamines K.

Le décret d’acte infirmier doit donc être réactualisé pour s’adapter aux réalités d’aujourd’hui.

Nos attentes sur la pratique avancée

Pour la profession infirmière, le plus grand changement de la nouvelle loi de santé est la création en France du cadre légal de l’infirmière de pratique avancée IPA. Le fameux article 30 est devenu dans le texte final l’article 119, qui figurera dans le Code de la santé publique comme art. L. 4301-1.

Conformément à la proposition du plan cancer III de créer le nouveau métier d’infirmier clinicien, la France devient ainsi le 26ème pays à créer ce nouveau métier pour des infirmières titulaires d’un master (bac+5). Attention, ce nouveau métier ne concernera que quelques milliers de personnes, sur l’ordre de grandeur des effectifs actuels d’infirmières spécialisées (IADE, IBODE, puéricultrices).

La loi fixe le cadre général mais nous attendons l’ouverture rapide de négociations pour constituer un référentiel de formation, définir une grille salariale etc. Car seuls les décrets d’application vont permettre à ce nouveau métier intermédiaire d’agir sur le terrain, sur le modèle des 330 000 infirmières de pratique avancée qui exercent déjà dans 25 pays du monde.

À l’étranger, la pratique avancée est un terme générique qui désigne deux rôles :

  • infirmière clinicienne spécialisée, qui exerce dans le même champ réglementaire que l’infirmière généraliste mais avec un niveau de compétences plus élevé et généralement dans un domaine plus restreint ;
  • infirmière « praticienne », qui exerce dans le même champ réglementaire que l’infirmière généraliste et a, par dérogation aux conditions légales d’exercice, des activités relevant du champ médical (diagnostic de pathologies, prescriptions thérapeutiques, prescription et interprétation d’examens, dépistage, orientation etc.).
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