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06 / 04 / 2020 | 35 vues
Denis Stokkink / Abonné
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Ursula, Angela, Emmanuel, Sophie et les autres : c'est maintenant ou jamais

La crise sanitaire du covid-19 que l’Europe et le monde sont en train de vivre révèlent désespérément les pires effets de la mondialisation financière : la destruction de notre système de production, l’ampleur des inégalités et les conséquences d’un modèle économique qui a donné la priorité aux intérêts financiers plutôt qu’aux biens communs pendant des années, notamment à la santé.

Sinon comment expliquer que sur l'un des continents les plus riches du monde, les hôpitaux doivent faire appel aux dons pour financer des respirateurs indispensables aux malades du corona virus les plus sévèrement atteints ? Que les travailleur.euse.s de première ligne (travailleurs sociaux, éducateur.trice.s, psychologues, puéricultrices, professionnel.le.s accompagnant les gens exclus, en marge, dépendants, sans domicile, sans papiers etc., infirmier.ère.s à domicile etc.) ne bénéficient d’aucun matériel de protection ?

Seule explication : nous ne fabriquons plus ce matériel. Nous avons préféré le faire produire par des travailleur.euse.s moins rémunéré.e.s et moins protégé.e.s pour garantir l’équilibre de nos budgets.

Plusieurs années de politiques d’austérité renforcées après la crise de 2008 et progressivement intériorisées, à coup de matraquage, comme une conséquence logique de notre (!) manque de responsabilité vis-à-vis des générations futures, ont détérioré le pouvoir d’achat des plus vulnérables d’entre nous. Cette crise sanitaire révèle les inégalités à travers la (mauvaise) santé, le (non-)logement, la précarité de l’emploi et les salaires indécents de certaines professions (souvent très féminisées).

Enfin, nos systèmes sanitaires étaient parmi les meilleurs du monde. Ils ont été (sous nos yeux et malgré nos protestations) sous-financés et privatisés pour de nouveau garantir ce saint équilibre financier. Au sein de ce même personnel soignant que nous applaudissons à 20h00 de nos fenêtres, les « blouses blanches » ont tenu un mouvement de protestation pendant des mois pour dénoncer la dégradation de leurs conditions de travail, l’augmentation de leur charge de travail et le manque de valorisation de la profession.

Cette Europe-là a-t-elle encore un sens pour la plupart d’entre nous ? Peut-on fondamentalement remettre le modèle en question ?

Nous en avons l’obligation. Mais nous allons devoir arracher ce changement ! Le manque de solidarité financière et sanitaire au niveau européen démontre que ses vieux dirigeant.e.s s’inscrivent toujours dans ce même modèle : des masques demandés par l’Italie sur lesquels l’Allemagne et la France se sont assises au énième refus de certains États membres d’une mutualisation des dettes (corona bonds), it's business as usual !

Or, nous avons besoin d’innovation, de changement de prisme et d’un modèle de post-crise sanitaire (new deal, pacte de finance pour le climat etc. ?) dont les piliers seraient les valeurs de solidarité, d’inclusion et d’économie sociales, d’équité, mis en pratique par des gestes forts comme la relocalisation de notre production à travers des chaînes d’approvisionnement courtes, locales et sûres¹, la création de millions d’emplois qui assurent un revenu décent à chacun.e d’entre nous et des services publics puissamment armés pour mener leurs missions de régulation et de protection des plus vulnérables correctement.

Le financement de ce modèle ne se trouvera qu’au niveau européen, via un impôt sur les bénéfices, une taxe sur les transactions électroniques, de l’argent de la BCE etc. Peu importe ! Diverses solutions existent et sont déjà sur la table. Première étape pour les politiques : la réouverture des discussions sur le budget européen. Voilà ! C’est de volonté politique maintenant que nous avons besoin.

Soyez certain.e.s que nous nous battrons pour l’obtenir car « nous ne reviendrons pas à la normalité car la normalité, c’était le problème »².
 

¹ Inspiré de la déclaration d’António Costa (Premier Ministre portugais).
² Marco Bersani, Et maintenant on culpabilise les citoyen.ne.s ?, CADTM, posté le 23 mars 2020.

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