Participatif
ACCÈS PUBLIC
08 / 04 / 2019 | 648 vues
Françoise Lagouanere / Membre
Articles : 1
Inscrit(e) le 08 / 07 / 2015

Recentrer les missions de la DGCCRF sur les relations inter-entreprises dans le cadre d'une future « police économique et de sécurité sanitaire » : quelle place à la sécurité du consommateur ?

Face au tollé provoqué par les propos du Ministre de l’Agriculture plaidant pour une police unique (voire pour la création d'une agence) de la sécurité sanitaire des aliments regroupant les services de la DGAL (Direction Générale de l'Alimentation) et de la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes), Bruno Le Maire a répondu en urgence aux fédérations de Bercy et leurs syndicats nationaux de la DGCCRF.

 

Bruno Le Maire était accompagné de Virginie Beaumeunier, directrice générale de la DGCCRF et d'Isabelle Braun-Lemaire, secrétaire générale des ministères économique et financier. Le silence du ministre et les non-dits de la directrice générale sur l’avenir de la DGCCRF et de ses implantations territoriales laissent le personnel dans le plus grand désarroi depuis des mois.
 

Après les interventions des différentes fédérations, le ministre a apporté les réponses suivantes :

 

  • Une plus forte communication et une plus grande valorisation des missions de la CCRF sont des nécessités, citant en exemple la présentation du bilan de l’an passé exposé par la secrétaire d’État. Le grand public doit pouvoir constater le travail conséquent qui est fait par les agents de la DGCCRF dans le cadre de leurs missions;
  • La redéfinition des missions de la direction doit être accélérée, sous prétexte que 40 % des agents avaient répondu au questionnaire de fin d’année, chiffre par ailleurs fortement contestable principalement au regard des conditions dans lesquelles cette consultation a été mise en place;
  • Les discussions avec le Ministère de l’Intérieur (MI) sur l’organisation territoriale se poursuivent mais ne sont pas simples;
  • Le niveau des emplois pourrait être revu à l’aune des attentes des citoyens mais il a convenu qu’aucun arbitrage n’avait à ce jour remis en question la suppression de 45 emplois par an jusqu’en 2022, chiffrage qu'il avait lui-même a fixé dès septembre 2018;
  • Sur la fusion des secrétariats généraux des directions départementales interministérielles (DDI), il a précisé que le contentieux de la CCRF devrait être exclu de la réforme au même titre que le courrier, même si tous les arbitrages n’ont pas encore été donnés. Il subsiste néanmoins un point important à éclaircir concernant la gestion des ressources humaines en DDI (RH), ce qui est un peu inquiétant dans la mesure où le dialogue avec le MI paraît compliqué;
  • Sur la sécurité sanitaire de l’alimentation, il a précisé que la lettre de mission inter-inspections serait signée et diffusée dès la fin de cette semaine.
     

Selon lui, trois options sont possibles :
 

  • le statu quo mais il n’y est pas favorable ;
  • une meilleure coordination DGCCRF/DGAL ;
  • une police de l’alimentation.
     

Sans préempter des conclusions de la mission inter-inspections, il a clairement affirmé son opposition à une absorption d’une direction par une autre (DGAL-DGCCRF), tout en précisant sa préférence pour une « police économique et de sécurité sanitaire », telle que l’envisagent les parlementaires. Pour Bruno Le Maire, ce serait même le scénario idéal !
 

En référence à son passé au Ministère de l’Agriculture, le ministre s’oppose à une DGCCRF sous la tutelle de celui-ci, précisant que « cela n’avait aucun sens ».
 

Notre organisation syndicale est revenue sur trois points des propos ministériels.
 

  • Sur les effectifs, pour noter le changement de discours moins affirmatif qu’en septembre dernier, tout en notant que le Ministère du Budget à l’étage du dessous à Bercy n’avait pas encore répondu.
  • Sur les missions, l’incertitude dans laquelle se trouvent les agents depuis des mois, voire des années, est inacceptable et incompréhensible. Cela a des répercussions extrêmement négatives sur leurs conditions de vie au travail. En réponse, Bruno Le Maire a demandé à la directrice générale une accélération du calendrier de la réforme, arguant qu'effectivement la situation n’était pas bonne pour les agents.
  • Sur la « police de l’alimentation », même si rien n’est acté et comme c’est son choix préférentiel, nous avons souhaité savoir comment il envisageait l’organisation de la « police économique et de sécurité sanitaire ». Hormis d’indiquer que les agents seraient mis en position de détachement (dans le droit fil de ce que prévoit le projet de loi de transformation de la fonction publique), il a refusé d’en dire davantage, évitant de fait de se prononcer sur la perspective d'une éventuelle agence.
     

Cependant, le ministre a bien insisté sur le fait que la DGCCRF avait une mission forte en matière de « défense de l'ordre public économique ».
 

Au final, cette audience d’à peine plus de 45 minutes n’aura pas permis de répondre concrètement au questionnement légitime des agents, depuis des mois, sur le devenir de la DGCCRF après la réforme.
 

En effet, force est de constater qu'il n'y a rien de précis sur le devenir des missions, rien de concret sur l’organisation territoriale, rien de tangible sur les emplois et rien de rassurant sur la mission de sécurité de l’alimentation.
 

Certes, le dialogue n’est pas rompu car le ministre s'est engagé à organiser d'autres réunions. Mais un jour ou l’autre, il faudra bien que les masques tombent !
 

Il ne pourra pas éternellement se réfugier dans l’attente de rapports et des arbitrages interministériels pour communiquer. D’autant plus que le passé récent démontre que ces arbitrages étaient régulièrement en défaveur de la DGCCRF, donc des agents.

 

Nos observations
 

Depuis de trop longs mois, les agents de la DGCCRF sont en proie à une intolérable incertitude quant à l’avenir de leur administration, de leurs missions et de leur organisation territoriale dans un cadre interministériel tout aussi nébuleux que clivant.
 

L’inquiétude va grandissant et la perte de confiance est totale, dans le contexte d’un dialogue social en trompe-l’œil, qui consiste à solliciter la participation des agents en amont pour valider et tenter de faire accepter des réformes destructrices. Il en va ainsi pour l’élaboration du plan stratégique de la DGCCRF, pour lequel cette administration de Bercy, avec le renfort largement rémunéré du consultant Ernst & Young, tente le coup du « cadre d’analyse partagé » pour faire admettre des priorisations/abandons de missions de service public guidées par le seul prisme budgétaire.
 

Pour nous , le principe et la méthode sont inacceptables. Le moins que l’on puisse en dire est « qu’on n’y va pas de main morte » puisque l’objectif est un recentrage sur 10 à 15 réglementations essentielles, sur des milliers relevant de la compétence de la DGCCRF…
 

La réponse apportée par la directrice générale quant à sa vision des réglementations essentielles porte plus particulièrement sur la problématique des relations inter-entreprises.
 

Alors quid de la sécurité du consommateur et de la recherche de la fraude ?
 

Compte tenu de son lourd effet potentiel sur cette mission et les agents qui l’exercent, l’épineux sujet de la sécurité sanitaire de l’alimentation ne devrait-il pas être impérativement tranché avant de proposer tout projet de transformation de la DGCCRF ? Poser la question, c’est déjà y répondre !
 

L’'épée de Damoclès est au-dessus de la tête de la DGCCRF et, face au silence de notre ministère, la ferme volonté affichée et revendiquée par le Ministre de l’Agriculture de voir la création d’une police unique de l’alimentation placée sous son contrôle nous laisse présumer le pire. Disons-le franchement : placer des missions de recherche de fraudes économiques sous le contrôle d’un ministère de la production et de l’agro-alimentaire serait une erreur politique particulièrement grave !
 

Notre organisation syndicale exige un éclaircissement quant au positionnement ministériel. En effet, lors du CT directionnel du 15 novembre 2018, la directrice a indiqué que le ministre plaidait pour une « agence chapeau » chargée de la coordination des contrôles DGCCRF/DGAL/DGS, projet que CCRF-FO avait jugé dangereux en ce qu’il était de nature à préfigurer une intégration progressive par étapes DGCCRF/DGAL dans une autorité unique de contrôle.
 

Nous demandons par ailleurs, bien évidemment, la communication de la lettre de mission de la mission inter-inspections qui nous a été annoncée. Concernant l’organisation territoriale des services CCRF, le navire CCRF est tout autant à la dérive.
 

Outre le fait que les préfets proposent eux-mêmes diverses solutions d’inter-départementalité et que les perspectives sont obscures, la langue de bois utilisée au niveau directionnel CCRF n’arrange rien à l’affaire : comment peut-on affirmer à la fois que, dans le contexte de réductions d’effectifs (que nous dénonçons), l’avenir est dans le regroupement de services par fusion d’équipes mais que des implantations départementales ne vont pas disparaître, tout en affichant une ferme volonté de développement des outils du nomadisme, pompeusement qualifiés de projet « environnement de travail augmenté » ?
 

Les agents attendent des réponses claires. Il ne s’agit pas de rassurer mais de cesser de mener en bateau. Que va-t-il rester de la DGCCRF dans un tel contexte ? Nous espérons qu’en ce 1er avril, le poisson ne sera pas noyé !

Pas encore de commentaires