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23 / 09 / 2019 | 1806 vues
Jean Paul Philidet / Abonné
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Nouveau réseau de proximité de la DGFIP : le déménagement du territoire

En mars, le ministre Gérald Darmanin a initié son opération de séduction pour vendre sa « déconcentration de proximité » ou « géographie revisitée » auprès des départements expérimentateurs. Il vient de rendre la cartographie du « nouveau réseau de proximité » publique. Ces annonces ressenties comme un coup de massue par le personnel sont très loin de rencontrer l'adhésion des membres de ce dernier et les élus locaux sont nombreux à manifester leur opposition à ce projet. C’est pourquoi il importe de rappeler d’où vient ce concept, comment notre syndicat  le combat et de démontrer son inadaptation aux besoins.
 

Une étude d’avril 2019 de Mazars France et Opinion Way intitulée « Les Français et la transformation des services publics » fait état d’une crainte de déshumanisation des services publics. Elle succède à de multiples autres enquêtes et recommandations dont celle du Défenseur des droits. Toutes concluent au nécessaire maintien de services de proximité et fustigent le « tout internet ».
 

Cette étude corrobore ce que nous ne cessons de clamer haut et fort depuis des années, puisque 80 % des sondés affirment que la numérisation des démarches mène à une déshumanisation des services publics. Validant nos constats, elle précise que 85 % des interrogés en zone rurale expriment cette crainte tandis que 38 % estiment au contraire que la numérisation rendra les démarches plus accessibles. Et l’étude d’ajouter que les services de proximité récoltent en moyenne un taux de satisfaction supérieur à 70 % (76 % pour la DGFIP).
 

Ce besoin d’humanité, de proximité et de personnalisation exprimé par les Français démontre que le numérique, quelle que puisse être son efficacité ne remplacera jamais le contact direct. Pourtant, notre administration et notre ministère ne le comprennent pas ou, pire, ne veulent pas le comprendre. Sinon, pourquoi auraient-ils pensé cette « géographie revisitée » ?


Le dogme ultralibéral du toujours moins d’État et la politique de baisse de la dépense publique sont les premiers leviers de cette imposture validée par les prétendues conclusions d’un « grand débat national » dont les questions orientées et les réponses interprétées relèvent d’une mascarade sans nom.


Combien de fois avons-nous dénoncé le repli à marche forcée du maillage territorial des services de la DGFIP et le risque existant en matière d’accès au service public ? Combien de fois avons-nous mis en garde sur le fait que bon nombre de nos concitoyens en zone rurale et périurbaine finiraient par se sentir considérés comme des citoyens de seconde zone ?


Combien de fois avons-nous dit que le « tout numérique » constituait un facteur supplémentaire d’exclusion pour ceux qui n’en maîtrisent pas les codes ?


Combien de fois avons-nous encore dit qu’affaiblir la DGFIP revenait à affaiblir la République ? Des naïfs auraient pu croire qu’à travers le concept de « géographie revisitée », nous avions été entendus tant il est vrai que sa présentation peut paraître faussement séduisante.


Pourtant, il ne s’agit encore une fois que d’offrir à nos concitoyens un service différencié en fonction de leur lieu de vie en rupture totale avec l’égalité républicaine.


Comment en sommes-nous arrivés là ?


La « géographie revisitée » n’est pas sortie du chapeau du magicien Gérald Darmanin par hasard ; elle est le fruit d’une longue maturation.


Non, Gérald Darmanin n’a rien inventé !
 

L’adaptation des structures et du réseau (ASR) a désormais vécu, remplacée par la « géographie revisitée ». À l’origine, cette ASR était l'une des concrétisations de la « démarche stratégique », initiée par Philippe Parini en 2011, prolongée par Bruno Bézard en 2012 et 2013 et remplacée par les « lignes directrices » de Bruno Parent, déclinaisons logiques de la révision générale des politiques publiques (RGPP) et de la modernisation de l’action publique (MAP). La méthode articulait le cadrage de la direction générale quant aux objectifs et possibilités d’adaptation du réseau et les marges d’appréciation des directeurs au vu des situations locales.
 

Dans cette préparation des esprits, il ne faudrait pas non plus minimiser l'effet du rapport de la Cour des comptes publié le 11 juillet 2013 sur « l’organisation territoriale de l’État » qui reprenait les points développés dans la stratégie directionnelle. Considérant que l’État doit aujourd’hui concilier une tradition de couverture globale du territoire avec une recherche d’efficience et une baisse des effectifs, les magistrats financiers dressaient alors un véritable réquisitoire sur le fonctionnement des services locaux de l’État, dont la DGFIP. La Cour des comptes écrivait alors que les implantations du réseau devaient se réduire ou se redéployer. Ainsi estimait-elle que la densité de celui de la DGFIP, avec ses quelque 4 500 postes comptables, ne pouvait plus être justifiée par le besoin de proximité qu’auraient les entreprises, les particuliers et les collectivités. Elle ajoutait qu’une évolution était donc souhaitable pour tenir compte des évolutions démographiques, de l’émergence du numérique et ainsi permettre la réduction des effectifs.
 

L’Inspection générale des finances (IGF) n’était pas en reste non plus, puisqu’elle tirait à boulets rouges, dans un rapport de mai 2015, sur le réseau comptable auprès des collectivités qui n’était pas, selon elle, réellement adapté. Dans ce rapport au vitriol sur le rôle des comptables publics auprès des grandes collectivités, l’IGF considérait que si les gros postes manquent d’effectifs, la faute en revenait aux petits postes qui doivent donc (CQFD) être supprimés !
 

La solution prémonitoire de l’IGF est révélée quelques pages plus loin : il faut mettre des centres de services communs en place, chargés de centraliser le contrôle et le paiement des dépenses et le contrôle et le recouvrement des recettes pour toutes les grandes collectivités au niveau d’un département ou d’une région. Elle préconisait en outre l’agence comptable pour des collectivités ciblées parmi les plus importantes et volontaires avec des responsables choisis… Trois ans après, les centres de services communs ou « back-office », les agences comptables SPL et la certification (elle aussi préconisée à l’époque) sont programmés : sans commentaire !
 

Autre source ô combien importante : le rapport CAP 22 et son relevé de conclusions, dont quelques extraits ci-dessous sont particulièrement éloquents :
 

  • « proposer de nouveaux services en s’appuyant sur des accueils communs et mutualisés »,
  • « développer la polyvalence des agents, notamment dans les grands réseaux de services publics »,
  • « un mouvement important de déconcentration et de transformation des ministères doit également s’opérer »,
  • « élaborer un contrat de transformation avec la Direction générale des finances publiques (DGFIP) d’ici la fin 2018 ».
     

Ces priorités, parmi tant d’autres (dont le recours au contrat dans la fonction publique, la fusion CSHCT/CT, réflexions sur la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics etc.), « concourent à la réalisation de la trajectoire de réduction de la dépense publique de 3 points de PIB et de suppression de 50 000 emplois à l’État d’ici 2022, conformément aux engagements du Président de la République ».
 

À la même période (juin 2018), l’inénarrable Cour des comptes (toujours elle) se fendait d’un rapport thématique intitulé « La DGFIP, dix ans après la fusion, une transformation à accélérer ».
 

Le plus choquant est constitué par l’énorme delta entre l’analyse de la Cour et le ressenti du personnel. Ainsi, la DGFIP, serait immobile et aucune réforme n’aurait été engagée depuis sa création alors que les agents ont au contraire développé le sentiment de vivre dans le changement permanent. Tout aussi choquant est l’empressement du ministre à partager les recommandations et les analyses des magistrats de la rue Cambon.
 

Parmi ces recommandations, citons notamment :
 

  • « le resserrement des services des impôts avec une réduction forte du nombre de SIE désormais indispensable »,
  • « une présence territoriale mutualisée : le resserrement du réseau n’est pas incompatible avec le maintien d’une présence de proximité notamment dans les zones rurales. La DGFIP doit s’inscrire dans des démarches partenariales »,
  • « le resserrement du réseau comptable : […] la DGFIP doit fermer les trésoreries dont les effectifs ne permettent pas d’assurer un service continu et de qualité ».


NB : Dans la synthèse de son rapport publié en mars 2019 sur l’accès aux services publics dans les territoires ruraux, la Cour des comptes érige les MSAP en « modèle de service public de proximité à consolider et à financer ».
     

Pour continuer la mise en condition, deux circulaires signées par le Premier Ministre le 24 juillet 2018 viennent en quelque sorte préciser ce que le ministre Gérald Darmanin n’avait fait qu’esquisser lors de son discours du 11 juillet.

     
La lecture de ces deux circulaires démontre à l’évidence qu’à défaut d’avoir fait la publicité du rapport CAP 2022, le gouvernement s’en est inspiré très largement.
     

En effet, après avoir tracé les lignes d’une nouvelle cure d’amaigrissement pour les services de l’État, le Premier Ministre invite les ministres et préfets à « réinventer le service public de proximité » et ainsi l’État pourrait « mettre à disposition des collectivités et des opérateurs des lieux n’accueillant plus de public où pourront être implantés de nouveaux points de contacts mutualisés et polyvalents ». Ça ne vous rappelle pas quelque chose ?

L’ASR est morte : vive la « géographie revisitée » !

L’ASR, pour revenir à elle, a produit ses effets de 2013 à 2019, confortée à mi-chemin par ce que l’on peut appeler les tables de la loi de Bruno Parent, intitulées « lignes directrices » sorties à grand renfort de publicité sur Ulysse en mai 2016.


Cette feuille de route du directeur général destinée à concentrer les structures, réduire les emplois et modifier les règles de gestion consacrait aussi une large part à l’abandon assumé de la « proximité physique immédiate avec les usagers ». Il y expliquait clairement qu’il réfléchissait à « l’expérimentation « back-office » / « front-office » en secteur public local et la présentait comme une « alternative dans certains cas aux solutions classiques de rapprochement de postes ».


Dans ses « lignes directrices », le directeur général confortait également les « fusions de structures territoriales de proximité de taille trop réduite, le déploiement progressif de plates-formes de contact à distance (centres de contact) et le travail en réseau de plusieurs SIE ».


Il serait donc réducteur de vouloir considérer la « déconcentration de proximité » comme une idée saugrenue lancée par Gérald Darmanin en juillet 2018. Bruno Parent l’avait déjà conceptualisée sous le vocable de « géographie revisitée » lors d’un CTR, il est donc bien l’homme qui murmurait à l’oreille des ministres, avec, à la faveur du « nouveau monde », une oreille plus attentive qu’auparavant.


À nouveau monde, nouveau paradigme, donc au revoir l’ASR tout d’un coup dépassée, empirique et pas assez efficace pour rogner les ailes de la DGFIP. Le directeur général l’écrit dans une lettre à ses directeurs locaux dont il aurait voulu qu’on n’ait jamais connaissance et dont FO-DGFIP vous livre un passage ci-après :


« Le processus de préparation et de décision des évolutions concernant le réseau est radicalement modifié. On a pu mesurer les limites du dispositif antérieur d’adaptation des structures du réseau, fondé sur une approche strictement annuelle, limitée à la DGFIP et départementale qui consistait à annoncer des fusions/fermetures de services au fil de l’eau, sans visibilité pluriannuelle ni territoriale d’ensemble ».

Le mensonge par omission du directeur général

Le 9 janvier 2019, le directeur général a convié les secrétaires généraux des quatre organisations syndicales représentatives de la DGFIP siégeant au comité technique de réseau (CTR) à une réunion dans son bureau afin de leur exposer les premiers éléments de ce qu’il nomme « géographie revisitée ».
 

Il s’agissait, selon lui, de répartir autrement les effectifs et de revenir, sous une forme nouvelle, dans des territoires où nous ne sommes plus, voire dans ceux où nous n’avons jamais été présents. Pour ceux qui auraient cru à une reconquête de territoires abandonnés par la DGFIP, ils seront déçus. Dans sa présentation, le projet peut paraître séduisant car, « pour tenir compte des aspirations des agents à travailler en dehors des grands centres urbains », le directeur général propose de délocaliser des services jusqu’alors implantés dans de grandes métropoles dans des villes moyennes où, selon ses propos, il ferait bon vivre.

 

Ainsi, au moyen du travail à distance, il serait possible de permettre aux agents volontaires de travailler plus près de leur domicile, dans des lieux où le coût du logement ne leur confisquerait pas une part importante de leur pouvoir d’achat.


Sur les grands principes, il s’agit aussi d’augmenter les points de contacts mais « pas obligatoirement sur la base d’un immeuble avec des agents en permanence à l’intérieur et le drapeau DGFIP sur le toit ». Et le directeur général de resservir le plat réchauffé de la maison de service au public (MSAP) agrémenté de permanences ponctuelles dans les locaux des collectivités territoriales ou d’opérateurs.


À la fin de son plaidoyer pro domo, quelle n'a pas été la surprise du directeur général de s’apercevoir que notre syndicat avait en mains le document remis aux directeurs locaux lors de la réunion du 13 décembre 2018, qui en disait beaucoup plus que ce qu’il voulait nous distiller.


Ce document préfigurait en fait les premières cartes, dévoilées depuis, de la Corrèze, de la Creuse et de la Haute-Vienne comme celles dévoilées le 7 juin pour les autres départements, à l’exception de Paris, des deux départements de Corse et de ceux des DOM.


En premier lieu, dans l’esprit du directeur général, la DGFIP est condamnée aux suppressions d’emplois puisque l’organisation du réseau est ancienne, fruit d’usages qui ne correspondent plus aux besoins et coûteuse. Il s’agirait en quelque sorte, comme toujours, pour écrire l’histoire, de mettre la pagaille dans la géographie.


En second lieu, il faudrait tenir compte des équilibres des territoires qui se sentent déshérités et y proposer des services innovants (présence ponctuelle et sur rendez-vous, contacts vidéo etc.) en fonction de l’appréciation des besoins ou encore, sortir des services au sein des chefs-lieux les plus importants, en développant le mode d’organisation « front-office/back-office ».


Dans les orientations (et c’est là que le bât blesse), le courrier « tombé du camion » indiquait de manière très précise les hypothèses que les directeurs locaux devaient intégrer pour mener leur réflexion. Il est ainsi fait référence au travail à domicile ou aux espaces de co-working. De même, il fallait intégrer un mode d’organisation des trésoreries du secteur public local où les tâches « industrialisables », c’est-à-dire le visa des dépenses et recettes, les paiements et encaissements, seront concentrées sur un nombre réduit de « back-offices » pendant qu’un cadre par EPCI se consacrerait à l’expertise et au conseil aux élus.


Il fallait aussi regrouper les trésoreries hospitalières sur le périmètre des groupements hospitaliers de territoires dans la limite haute de 50 équivalents temps plein (ETP).


Quant aux SIP et SIE, ils subiraient le même sort en matière de regroupement, dans la même limite du nombre d’ETP. Les SPF continueraient d’être resserrés des deux tiers sur la base du plan pluriannuel et ne seraient pas nécessairement localisés au chef-lieu du département.


Parallèlement, l’accueil sur rendez-vous deviendrait la règle.


Pour nous, la géographie revisitée est donc bien un service à géométrie variable, différencié selon les territoires, combinant services de plein exercice et simples points de contact, à caractère plus ou moins permanent.


À l’horizon 2022, il n’existerait plus de trésoreries du secteur public local sous la forme que nous connaissons.

Vent d’ouest

Moins d’une semaine après le communiqué final du conseil syndical FO-DGFIP des 29 au 31 janvier 2019 qui exigeait le retrait pur et simple du projet dit de « géographie revisitée » et d’agences comptables SPL, une nouvelle convocation du comité technique local de Vendée a eu lieu. L’omerta a donc été brisée le 5 février 2019.
 

À cette occasion, face à l’envahissement du CTL et à l’interpellation des collègues vendéens, le directeur local a livré des informations précises et chiffrées sur la cible 2022 du réseau :

  • 1 seul service de publicité foncière (SPF) ;
  • 2 service des impôts des entreprises (SIE) ;
  • 2 service des impôts des particuliers (SIP) ;
  • avenir incertain des CDIF - cadastre (externalisation ?) ;
  • suppressions des 22 trésoreries actuelles avec mise en place de 3 services facturiers dits « back-office » pour 19 d’entre elles ;
  • création envisagée de 3 agences comptables pour le Conseil général, la gestion des hôpitaux et la ville de La Roche-sur-Yon [NDLR : au final, aucune candidature pour le 1er janvier 2020] ;
  • concernant le « front-office », le conseil aux collectivités serait assuré par des chargés de mission et l’accueil des usagers pourrait se faire dans des permanences itinérantes dans les mairies, dans les maisons de services au public (MSAP) et dans des « bus DGFIP » ;
  • avenir incertain du pôle de recouvrement spécialisé (RPS) avec mise en place envisagée d’un réseau unique de recouvrement ;
  • restructuration du contrôle fiscal avec création éventuelle d’un pôle unique de contrôle.

     
Partant de là, plus aucun doute n’était permis et cette présentation vendéenne a confirmé les craintes fondées de notre organisation syndicale et exprimées au niveau national et départemental, par un courrier d’alerte à la destination des associations d’élus locaux fin décembre 2018.
     

L’amour est dans le près

Après cette annonce, il n’était plus tenable pour la DGFIP de cacher plus longtemps ce qui circulait désormais au grand jour. Des directeurs locaux commençaient aussi de lever le voile sur la projection 2022 de leur DDFIP (notamment l’Oise et la Somme) quand d’autres s’évertuaient à jouer les cachottiers (Nord, Pas-de-Calais, Vaucluse et Loiret, par exemple).


Des sept départements expérimentateurs (Corrèze, Creuse, Haute-Vienne, Loiret, Loir-et-Cher, Pas-de-Calais et Nord), Gérald Darmanin commençait sa tournée par les trois premiers départements cités du 20 au 22 mars. Il s’agissait pour lui d’expliquer aux élus locaux et aux sections départementales qu’il est en train de réinventer le service public de proximité. Il n'a d’ailleurs pas hésité à affirmer qu’il remettait des points de contacts avec notre administration là où il n’y en avait plus.


La réflexion se ferait, selon notre administration et notre ministre, sur l’accessibilité et plus la proximité. Partant de là, dans leurs esprits, les points de contact (SIP, MSAP, accueil sur rendez-vous en mairie et permanences dans « d’autres accueils de proximité ») vont se développer et progressivement prendre la place des services de pleine compétence existants.


Les cartes du futur réseau sont aujourd’hui sur la table, c’est le cas de le dire. À chaque fois, l’une expose l’existant en matière d’implantation, l’autre projette la carte des points de contacts DGFIP après application du concept de « géographie revisitée ».


Nous avons cependant décrypté ces cartes en en modifiant les légendes. Vouloir en effet visualiser de la même façon (par un rond de couleur différente) « des conseillers SPL » et des « services de gestion comptable » relève de la part de la DGFIP de la plus minable manipulation visuelle qui soit. Il y aura un seul conseiller SPL par EPCI alors qu’il y aura entre 20 et 50 agents dans le service de gestion comptable. Dans la même veine, représenter les MSAP et les « autres accueils de proximité » avec présence intermittente par une petite maison du type Monopoly, symbole d’un ancrage pérenne, ne vise qu’à tromper les élus locaux sur la réalité du contenu réel de ces points de contact.


Si on rentre un peu plus dans le détail et en prenant l’exemple de la Haute-Vienne, il y aurait 6 points de contact avec les services de la DGFIP de plus qu’aujourd’hui dans le projet, selon le ministre. Si l’on se contente de regarder les points sur la carte, c’est vrai et surtout destiné à rassurer les élus locaux, de notre point de vue. L’illusion d’optique ne résiste pourtant pas longtemps pas à un examen attentif de ces deux cartes.


En effet, si un coup d’œil rapide fait paraître la deuxième carte plus remplie que la première, les trésoreries SPL (14) disparaissent du paysage et sont remplacées par un conseiller itinérant par EPCI (13) et 6 services de gestion comptables (les fameux « back-offices » où la gestion comptable des collectivités se fera en mode industriel dans des postes où il pourra y avoir jusqu’à 50 agents). Il est utile de préciser que le comptable sera le chef du service de gestion comptable et que les conseillers ne seront pas des comptables. Il semble aussi que la question de l’accueil ou non du public dans ces services de gestion comptable ne soit pas encore tranchée.


Les services fiscaux de Haute-Vienne passent de 4 à 3 sur le papier mais des interrogations plus poussées nous ont permis d’apprendre que, s’agissant de ceux qui seraient implantés à Saint-Junien et Bellac, ce serait l’un ou l’autre mais pas les deux. Selon le ministre, tout ceci ne serait pas grave puisque ces structures seraient avantageusement remplacées par des MSAP, avec présence DGFIP (les petits points bleus sur les cartes en 2022). Là encore, il y aurait présence mais pas tout le temps et pas sur tous les sujets puisqu’il est question de regrouper les rendez-vous par thèmes afin d’y envoyer les gens compétents de manière ponctuelle.


Quant aux points gris apparaissant sur les cartes et dénommés « autres accueils de proximité », il n’a pas été possible de savoir avec précision si ce serait des permanences en mairie ou des services itinérants.


Autre élément inquiétant : les localisations des points bleus (MSAP) des départements voisins en lisière proche du pourtour de la Haute-Vienne (et des deux autres départements de la Creuse et de la Corrèze par ailleurs) font craindre des rapprochements ou fusions de départements à terme, malgré les dénégations du ministre.


Le secrétaire d’État a bien insisté sur le fait que le raisonnement tient compte des bassins de vie, donc pas uniquement des limites départementales. Tout ceci en dit très long sur le devenir de certaines directions départementales à terme…

De qui se moque-t-on ?

Pour nous, il faudrait être naïf pour se laisser berner par cette opération de communication. On supprime les centres des finances publiques pour les remplacer par une station informatique connectée, un employé multitâche mis à disposition et vogue la galère.
 

Les MSAP ne peuvent en aucun cas remplacer des services publics de plein exercice et de proximité. Le projet de Gérald Darmanin n'est pas d'augmenter la présence des services de la DGFIP en zone rurale mais d’en transférer les coûts vers les collectivités locales, de rapidement abandonner nos missions et donc de diminuer le service public.
 

Le ministre pousse la désinformation jusqu'à prétendre que la DGFIP aurait délaissé le conseil aux collectivités. Encore une fois, quel mépris pour les comptables publics et pour les agents des finances exerçant leurs missions en secteur public local ! Peut-on ignorer, lorsque l'on est ministre des comptes publics, que la DGFIP apporte toute son expertise au quotidien en matière de conseil financier, fiscal et budgétaire aux collectivités locales ?

 

Certes, la fermeture de centres des finances publiques devenus exsangues à force de suppressions d'emplois ne facilite pas le travail des agents. Néanmoins, n'en déplaise au ministre, notre administration a toujours été l'interlocutrice privilégiée des collectivités. Elle n'a eu de cesse d'améliorer les performances et la qualité du service rendu à ses partenaires locaux, d'innover et de s'adapter aux besoins différenciés des collectivités.

 

Quant aux missions fiscales, si la lecture des cartes donne le sentiment qu’elles sont passées « entre les gouttes », ce n’est pas toujours vrai et le nombre d’implantations est également réduit. La mise en place du PAS, la suppression de la TH et l’annonce récente de la suppression de la déclaration de revenus sont autant d’éléments pouvant être de nature à accélérer la mise en place de l’agence nationale unique de recouvrement des recettes fiscales et sociales. Ce serait l’arrêt de mort des SIP et SIE.
 

Le démantèlement des missions fiscales a de toute façon déjà commencé : à ce titre, il ne resterait en Corrèze qu’un seul SIE à Brive en 2021 (3 aujourd’hui) et la fusion de 2 SPF en un seul (début 2020) localisé à Tulle. Faut-il les croire aussi quand ils affirment qu’il n’y aurait pas d’incidence sur l’organisation actuelle des services de contrôle fiscal alors qu’en Corrèze, le projet prévoit une implantation au lieu de deux ?
 

Un calendrier ambitieux et de sérieuses zones d’ombre
 

Pour être tout à fait complet, il convient de rappeler que, selon les informations convergentes glanées auprès de sections locales, il y aurait maintien dans le schéma de géographie revisitée des paieries régionales et départementales mais jusqu’à quand ? Indépendamment de raisons politiques (remise en cause des départements ?), l’expérimentation d’agences comptables pourrait faire disparaître ces structures du paysage DGFIP. D’ailleurs, cela n’a-t-il pas commencé avec la candidature de la région Pays-de-la-Loire au passage en agence comptable au 1er janvier 2020 ?
 

Sur les trésoreries hospitalières, la tendance forte est à encore plus de concentrations pour se caler sur le nombre de 165 groupements hospitaliers de territoires (GHT) alors que nous n’en sommes actuellement qu’à 658 trésoreries hospitalières.


Selon une information départementale d’autres directions là encore, il semblerait que la fin des trésoreries mixtes est pour 2020 avec transfert du recouvrement restant dans les SIP. À cela doit se rajouter la fin du numéraire à la DGFIP au 1er juillet 2020.
 

Pour les collègues travaillant dans des grandes villes, il conviendrait de « prendre en compte les aspirations des agents à travailler en dehors des grands centres urbains, où la vie est chère et les transports longs et fatigants (qui) peuvent se combiner avec le souhait des territoires, notamment ruraux, d’accueillir des activités actuellement localisées dans les métropoles et en Île-de-France ».
 

Nous revendiquons également, seuls, une prise en compte pour la DGFIP de la spécificité de la Corse et des sujétions particulières qui alourdissent la charge de travail dans nos services. Nous continuerons d'exiger le respect et l'application de la « loi montagne » du 9 janvier 1985, qui s'applique à l'ensemble de la Corse depuis 2016 et qui impose à l’État de « réévaluer le niveau des services publics en montagne et d'en assurer la pérennité, la qualité, l'accessibilité et la proximité... ».
 

Il y a donc bien lieu d’être très vigilant quant aux symboles qu’un maître communicant comme Gérald Darmanin voudra donner. Çà et là sont livrés des noms de villes moyennes destinées à recevoir des structures parisiennes telles que Montargis, Lens et quelle autre demain ?
 

Le développement du travail à distance et du télétravail seraient les outils de la DGFIP pour faire passer la pilule dans la grande majorité des situations. Ainsi, notre direction a-t-elle beau jeu de justifier cela par une meilleure prise en compte des conditions de travail et « un mode plus souple d’accomplissement des missions (…) permettant une meilleure conciliation vie personnelle/professionnelle ». Mais ne nous y trompons pas : la véritable motivation est de « contribuer aux gains de productivité qui sont attendus de la DGFIP que permet ce grand déménagement du réseau, ne serait pas connu (sic). De même, il n’y aurait pas de mobilité forcée ce qui semble également peu crédible au simple examen de la carte des futures implantations.
 

Pour autant, la fin du calendrier des discussions est fixée à fin septembre pour une mise en œuvre du dispositif à l’automne.


Au départ un relatif amateurisme semblait régner puisque aucune consigne claire et nationale ni aucune fiche technique sur le sujet n’avait été donnée aux directeurs locaux, hormis le plafond de 50 emplois maximum dans les structures fusionnées. Ils devaient donc se débrouiller comme ils le pouvaient avec leurs cartes.
 

Depuis la sortie des cartes, une feuille de route de communication vers les agents, les élus et les médias, conçue et pilotée par Bercy leur a été adressée.
 

Ces exemples, témoignages et démonstrations du caractère néfaste et mortifère de cette « géographie revisitée » doivent nous inciter à maintenir la pression sur notre directeur général pour obtenir le retrait de ce projet.
 

Les nombreuses réactions d’élus locaux ou d’associations d’élus consécutives à nos communications et les délibérations prises par des conseils municipaux ou communautaires contre cette réforme doivent nous conforter dans le combat que nous menons.
 

  • À méditer :
     

Le service de gestion comptable « back-office », c'est la séparation de la gestion et du conseil aux collectivités


Les services de gestion comptable, (SGC) regroupant des équipes de taille importantes (30 à 50 personnes) seront chargées de l'ensemble des procédures de gestion actuellement effectuées par les trésoreries : prise en charge et recouvrement des titres, contrôle et mise en paiements des mandats et tenue de la comptabilité. Un ou plusieurs services facturiers pourront être adossés au SGC.
 

Ces structures n'ont pas pour vocation de recevoir du public, même si cela reste possible, cet accueil étant orienté vers les accueils de proximité. (voir ci-dessous).
 

L'objectif principal de cette réforme est l'industrialisation des tâches sous prétexte de professionnalisation. Un ou plusieurs services facturiers pourront être adossés aux SGC, qui auront un ressort géographique de compétence « en cohérence avec la carte intercommunale », c'est-à-dire avec l'objectif de réduction des coûts immobiliers.
 

Les accueils de proximité

Une fausse réponse aux véritables besoins de proximité...
 

Après avoir fermé le tiers des services de proximité en dix ans, la DGFIP entend faire son retour dans les territoires en remplaçant des services de pleine compétence par un objet administratif non identifié (OANI) aux formes variables encore mal définies.
 

Si cette modalité « rénovée » de l'accueil a officiellement pour but d'augmenter la présence des services publics en milieu rural et péri-urbain, en réalité, dans l'esprit du ministre, un accueil de proximité est une structure sans agents DGFIP.


La présence de ces derniers sera, au mieux et par défaut, intermittente et en tous les cas exclusivement sur rendez-vous. L'agent d'accueil ne traitera pas les demandes mais se contentera d'aider à la constitution d'un dossier qui sera traité plus tard en service de gestion.
 

L'accueil de proximité pourra porter différentes dénominations : maison de service au public, maison France service, camping-car mais on sait déjà qu'il ne sera pas une structure de la DGFIP de plein exercice. Il s'agira d'un simple point de contact constitué, le plus souvent, d'une station informatique plus ou moins connectée et d'un employé multitâche hébergé si possible au sein d'une structure communale afin de transférer la charge aux collectivités locales.


Le conseiller des collectivités locales : un faux renforcement du conseil aux collectivités mais une vraie négation du rôle du comptable public.
 

Le conseiller des collectivités locales (CL) est un cadre administratif isolé qui n'a aucun rapport avec les usagers et n'assure aucune tâche de gestion. Officiellement interlocuteur privilégié des ordonnateurs, il sera chargé d'apporter son expertise au quotidien en matière de conseil financier et fiscal aux collectivités.
 

En réalité, n'étant plus comptable public, il pourra, dans les faits, être contredit par l'interprétation et le traitement que fera le SGC de ses dossiers.
 

Son champ d'intervention géographique sera plus réduit que celui du service de gestion comptable.

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