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20 / 01 / 2020 | 443 vues
Jean Yves Le Gall / Membre
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« Notre raison d’être nous mène à devoir dépasser notre seul rôle d’assureur » - Stéphane Junique, président d'Harmonie Mutuelle

Dans le cadre des entretiens du CIRIEC « idéaux et débats », Stéphane Junique, président d'Harmonie Mutuelle a bien voulu répondre à nos questions et préciser les priorités de la mutuelle dans le cadre de la stratégie qu'elle entend développer.

Quels sont les dossiers prioritaires d'Harmonie Mutuelle ?
 

Chez Harmonie, nous avons conscience de ce que le fait d’être une mutuelle implique. Notre raison d’être est profonde : être un acteur de transformation sociale en étant utile à nos adhérents et à la société toute entière. Cette ambition nous mène à devoir dépasser notre seul rôle d’assureur pour investir de nouveaux horizons.
 


Nous constituons un acteur des protections sociales. Avec le groupe VYV, nous voulons accompagner les parcours de vie de nos adhérents. Alors que les trajectoires de vie sont moins linéaires et que de nouvelles fragilités apparaissent dans notre société, le besoin de nouvelles sécurités sociales se fait de plus en plus prégnant. Nous répondons « présents » avec une offre qui allie assurance, prévoyance, services d’accompagnement, offre de soins et logement. Nous sommes résolument engagés pour l’accès aux soins. Pour illustrer cet engagement, je voudrais m’arrêter sur trois exemples.

 

Le premier, c’est notre réseau de services de soins et d’accompagnement mutualistes. Avec VYV Care, cela représente plus de 1 000 réalisations mutualistes (de la maternité aux obsèques en passant par la crèche, l’EHPAD, le transport sanitaire et l’ESAT réparties sur 76 départements différents). De plus, 45 000 professionnels sont au service de nos adhérents fréquentant ces services, avec près de 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires. C’est un investissement considérable, souvent méconnu. Depuis 2013, Harmonie Mutuelle a investi 157 millions d’euros dans ces établissements.

 

Le deuxième, c’est notre attachement à mener une politique de redistribution. Nous n’avons pas d’actionnaire, nous sommes bien entendu vigilants aux grands équilibres économiques, ce qui nous permet de fixer un taux de redistribution de 80% vers nos adhérents lors de l'assemblée générale. Depuis trois ans, cela se traduit très concrètement par la non-répercussion de l’inflation médicale sur les cotisations de nos adhérents âgés de plus de 60 ans. Cette démarche de redistribution s’est illustrée par une décision majeure en 2019 : nous avons été la première et la seule mutuelle à anticiper l’application de la réforme du 100 % Santé au 1er juillet 2019.

 

Nous sommes historiquement engagés contre les restes à charge. C’est un combat essentiel à mener car, par exemple, 60 % des Français ont renoncé à se soigner au moins une fois ces dernières années pour des raisons financières. Grâce à cette décision, 10 000 de nos adhérents ont eu recours à des offres d’équipements audio, optiques et à des soins dentaires sans reste à charge en 2019 en passant dans notre réseau Kalixia (5 200 centres optiques, 3 500 centres audio et 3 200 dentistes). Nous n’avons pas répercuté ce choix sur les cotisations, comme nous nous y étions engagés. C’est un progrès utile à nos adhérents, je crois.

 

En 2019, Harmonie Mutuelle s’est engagée à distribuer la nouvelle complémentaire de santé solidaire qui fusionne l’ACS et la CMU-C. Nous couvrons 400 000 personnes à ces dispositifs. Il nous semblait évident de poursuivre notre action auprès des précaires avec la CSS.

 

Ce n’est pas neutre financièrement et je note que 85 % des opérateurs qui ont répondu « présents » sur la CSS sont des acteurs mutualistes.

 

« Créée il y a sept ans, Harmonie est une mutuelle qui rassemble des personnes engagées pour une société plus équitable et plus inclusive », lit-on dans votre présentation. Quelles sont vos actions exemplaires pour défendre l’intérêt général ?

 

Une mutuelle est une société de personnes où chaque individu porte sa voix singulière. Nous sommes un mouvement démocratique engagé pour l’émancipation individuelle et la mise en place de solidarités choisies. Harmonie Mutuelle est une belle communauté d’élus. En ces temps de doute et d’incertitudes sur le devenir démocratique de nos sociétés, d’aucuns pourraient faire le choix d’abaisser l’exigence de participation des adhérents à la vie de leur mutuelle. Harmonie Mutuelle a fait un choix diamétralement opposé : en 2019, nous avons renouvelé notre communauté d’élus en la faisant passer de 1 700 à 2 100 délégués, dont 700 nouveaux.

 

Nous représentons une mini-France, avec une grande diversité de profils, de parcours et de générations, ancrée dans le monde du travail avec 60 000 contrats collectifs représentés. Grâce à cette représentation, nous sommes attachés à rester une mutuelle ouverte, engagée et humaine.
 

Nos élus sont des militants du « mieux-vivre ». Ils s'investissent sur tout le territoire, à proximité de et en partenariat avec les acteurs locaux, les associations, les collectivités et les entreprises. Ils portent des milliers d’actions de prévention chaque année. Ils sont au contact des adhérents en organisant des agoras mutualistes sur des sujets concernant leur vie. Certains deviennent dirigeants de la mutuelle.

 

Notre conseil d’administration est ainsi fortement renouvelé, rajeuni et féminisé. Nous veillons à ce que les élus puissent jouer leur rôle de dirigeants grâce à des formations (plus de 7 000 heures de formation en 2018) sur des enjeux de protection sociale, de la stratégie de la mutuelle, des règles prudentielles etc.

 

Cet engagement des élus couvre de nombreux champs, à commencer par celui de la solidarité. Ils pilotent ainsi les commissions d’action sociale qui aident les adhérents qui ne peuvent faire face au paiement de leur cotisation ou de soins sur lesquels le reste à charge est trop élevé.
 

Nous luttons contre la fracture numérique, avec 50 jeunes en service civique qui accompagnent nos adhérents aux démarches et à l’usage du numérique dans nos agences. Avec la fondation de l’Avenir, nous soutenons des chercheurs qui font reculer la maladie d’Alzheimer. Avec notre fondation d’entreprise Harmonie, nous agissons désormais pour la jeunesse, avec de nouveaux appels à projets. Sur le handicap également, nous agissons beaucoup. À Angers par exemple, avec l’accompagnement des personnes souffrant d'un déficit sensoriel auditif.


Au centre Kerpape, près de Lorient, nous menons un projet de pôle de compétitivité HIT sur le handicap avec les collectivités, les professionnels de santé et les entreprises du territoire.


Nous sommes aussi présents près de nos entreprises clientes sur la politique de prévention. Chaque année, plus de 700 entreprises font appel à nous pour développer leur capital humain grâce à des actions pour la qualité de vie au travail.

 

Il y a une multitude d’initiatives. Mais un point les rassemble toutes : nous croyons au pouvoir du collectif. Élus, adhérents, collaborateurs, entreprises clientes, partenaires et parties prenantes, nous investissons chaque jour dans l’intelligence collective pour avancer et être utiles.

 

Quels sont les défis à relever pour la mutualité française dans le cadre de l’économie sociale et solidaire ?

 

Dans notre pays, une réalité sociale existe, laquelle doit nous interpeler sur le rôle de la mutualité. Parce que nous sommes des acteurs de la transformation sociale, parce que nous sommes des acteurs des solidarités actives et parce que nous sommes des acteurs du mouvement social, nous devons collectivement nous interroger sur notre utilité, sur le sens et les effets sociétaux de l’action des mutualistes. Il y a des risques et des rapports de force mais il n’y a aucune fatalité à ce nous soyons absents des évolutions de notre société, en France comme en Europe.

 

Je note que la machine à banalisation s’accélère : loi sur la résiliation infra-annuelle, la lisibilité des contrats, les frais de gestion etc. Les pouvoirs publics n’ont de cesse de nous aligner sur les assureurs privés alors que nos missions sont différentes.

 

Nous n'avons pas à lutter contre telle ou telle mesure que je viens de citer. Nous devons plus largement nous battre contre la banalisation de la santé qui est de plus en plus réduite à un bien de consommation et qui entre désormais dans le champ de la concurrence.

 

Pour ces raisons, nous ne sommes pas assez identifiés comme des acteurs de solution à bien des maux de notre société. Regardons la réalité en face : les Français nous contestent parfois, nous, les mutuelles. Lors du grand débat, ils l’ont largement exprimé, nous arrivions dans le top 15 des récriminations. Nous sommes vécus comme une dépense contrainte, de celles qui pèsent sur le pouvoir d’achat. Ils n’ont pas toujours conscience de ce que nous leur apportons ou de notre différence. La différence est pourtant tangible. Nous devons la montrer, l’expliquer, la mesurer et la renforcer.

 

Comme les autres corps intermédiaires, nous sommes fragilisés. Les acteurs de la solidarité sont remis en cause. Je crois que l’enjeu prioritaire est de constituer un pôle des solidarités actives qui casse les frontières entre les familles de l’ESS. Nous, les mutualistes, nous devons nous unir pour et par l’action avec d’autres acteurs non lucratifs : associations coopératives etc. Les logiques d’investissement social et de transformation sociale ne peuvent être portées dans le sens du progrès qu’à la seule condition que nous nous agissions avec d’autres.

 

En ce sens, le pacte du pouvoir de vivre est une excellente initiative. Il constitue une première brique et je suis très heureux que la FNMF s’y associe et y joue un rôle actif.

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