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02 / 03 / 2021 | 164 vues
Françoise Lemaulf / Membre
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Complémentaire de santé et prévoyance : quels nouveaux terrains de différenciation ?

Les réflexions et interrogations sur le sujet sont récurrentes et, en dépit des évolutions qui ont pu être mises en place au fil des ans dans le secteur public et dans la fonction publique (qui vient d'ailleurs de faire l'objet d'une ordonnance sur la PSC des fonctionnaires et dont les modalités de mise en œuvre vont faire l'objet de négociations avec les syndicats), bien des voix y vont régulièrement de leur couplet pour dénoncer les insuffisances du système et avancer les propositions les plus diverses.

 

Sur fond de crise sanitaire actuel, le rapport que le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM)* vient de rendre public ne manquera pas de retenir l'attention et de susciter à nouveau le débat...

 

Il est précisé :

  • qu'en l'état, ce document de travail sur la place de la complémentaire de santé et de la prévoyance en France constitue d'abord « un état des lieux juridique, statistique et économique identifiant les questions qui se posent dans le secteur » ;
  • qu'il s’agit de la première étape d’un travail qui devrait déboucher  sur un avis et un rapport du HCAAM pour l'été 2021. De quoi nourrir les réflexions de la future campagne présidentielle...
     

Le HCAAM souligne qu'« il y a trente ans, la loi Évin du 31 décembre 1989 fixait le cadre juridique d’exercice de l’activité de protection sociale complémentaire, notamment en santé et en prévoyance [1], cadre d’ailleurs commun aux trois familles d’organismes autorisés à s’y livrer (sociétés d’assurances, institutions de prévoyance et mutuelles). Si celui-ci demeure en grande partie en vigueur, les conditions d’intervention et de gestion des organismes complémentaires ont été bouleversées à plusieurs égards ».


Il rappelle également que :

  • « les exigences prudentielles ont été renforcées, notamment sous l’influence de l’Union européenne ;
  • le nombre d’acteurs s’est considérablement réduit sous l’effet d’un mouvement continu de concentration, conduisant en bien des cas à la constitution de groupes transversaux aux trois familles initiales » ;
  • et que, « dans un contexte marqué par l’exigence de maîtrise des dépenses de l’assurance-maladie obligatoire, les pouvoirs publics et les partenaires sociaux se sont efforcés de généraliser la couverture complémentaire de la population et d’en encadrer le contenu, du moins en ce qui concerne la couverture des frais de soins, un peu comme si la protection sociale complémentaire suivait le chemin de l’assurance-maladie de base vers l’universalité avec retard ».


Pour le Haut Conseil, « face à cette multitude d’évolutions dont le rythme s’est accéléré au cours de la dernière décennie, le premier objectif de ce travail est tout simplement de comprendre et de donner à comprendre. Une mise en perspective s’impose car si chaque réforme a sa logique propre, la somme des évolutions auxquelles elles conduisent est rarement évaluée ».

 

Comment qualifier la situation à laquelle nous sommes parvenus ?

 

Pour les auteurs de travaux de réflexion, « elle est d’abord placée sous le signe d’un paradoxe qui n’est qu’apparent : ouverture des marchés de l’assurance complémentaire et réglementation de l’activité sont allés de pair. Jamais la concurrence entre les organismes n’a été si intense et jamais le contenu des garanties qu’ils peuvent proposer n’a été aussi encadré. De ce double constat naît une forte incitation à trouver de nouveaux terrains de différenciation, comme le développement de la télésanté, de services de prévention et d’accompagnement, de réseaux de soins ou encore l’utilisation innovante des données personnelles. Les contours et l’effectivité de ces « nouveaux terrains » de la protection sociale complémentaire sont cependant encore mal connus.

Ils ajoutent que « si l’objectif de généralisation apparaît, du  point de vue des pouvoirs publics, quasiment atteint, avec plus de 95 % de la population couverte par une assurance maladie complémentaire », celle-ci « s’est opérée de manière segmentée, qui a pris la forme d’un patchwork » et « il en résulte des disparités qui n’ont pas forcément été voulues (entre contrats collectifs et individuels, entre santé et prévoyance, entre salariés des fonctions publiques et du privé). Le taux d’effort reste très élevé pour les ménages pauvres, en dépit de la création de la complémentaire de santé solidaire, comme pour les personnes âgées ».

 

Questions soulevées par le HCAAM

 

Ce document de travail soulève évidemment de nombreuses questions, de nature à orienter la suite des travaux.

  • Faut-il privilégier la résorption des inégalités de couverture complémentaire, notamment en faveur des catégories les moins bien couvertes ou supportant les charges les plus lourdes ?
  • Faut-il maintenir le degré actuel d’encadrement des garanties, le renforcer voire, pour certaines, les intégrer à la couverture de base ou donner de nouvelles marges de manœuvre aux acteurs et, si oui, lesquelles ?
  • Les modalités de participation des organismes complémentaires à la gouvernance du système de santé sont-elles satisfaisantes ?
  • Faut-il accorder une plus grande attention à la diffusion des garanties en matière de prévoyance ?
  • L’exploration des « nouveaux terrains » nécessite-t-elle de lever certains verrous et que faut-il en attendre ?

 

Les réponses à ces questions d'importance peuvent induire plusieurs scénarios d'évolution ou de révolution qui dépendront aussi des réponses que l'on voudra donner à des questions telles que  :  

  • la soutenabilité du point de vue du pilotage des dépenses de santé et d’un modèle combinant l’AMO et les AMC au cas par cas pour permettre la « solvabilisation » globale ;
  • des disparités de financement et d’aides publiques selon le statut professionnel ;
  • du rôle et de la  place que l'on entend donner aux couvertures complémentaires de santé et de prévoyance dans l’avenir ;
  • du rôle des assurances maladie complémentaires dans l’orientation des patients ;
  • des relations des professionnels de santé avec les réseaux de soins et les plates-formes de gestion ;
  • de la soutenabilité des dépenses de santé à la charge des ménages, notamment des plus âgés et des plus modestes, entre autres.

 

(*) Le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie est une instance de réflexion et de propositions qui contribue à une meilleure connaissance des enjeux, du fonctionnement et des évolutions envisageables des politiques d’assurance maladie depuis 2003 : https://www.strategie.gouv.fr/reseau-france-strategie/conseil-lavenir-de-lassurance-maladie-hcaam.

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Le Haut Conseil du financement de la protection social (HCFi-PS) publie deux rapports sur le financement de la protection sociale

 

Le premier est un état des lieux du financement de la protection sociale. Il revient sur l'ampleur de la crise sanitaire et économique. Pour le Haut Conseil  "Le système de protection sociale français plonge brutalement en 2020-2021 dans des déficits considérables, sans commune mesure avec les résultats observés au plus fort des crises précédentes (1993, 2009), et devrait demeurer largement déficitaire sur les exercices suivants". Il présente ensuite les principaux canaux par lesquels la crise a affecté les comptes sociaux. Le vote des lois financières pour 2021 à l’automne dernier permet d’apporter des éléments prospectifs pour les exercices à venir.

 

Le deuxième rapport examine la structure des recettes finançant la protection sociale. Au-delà des évolutions de long terme (diversification des ressources de l'ensemble des régimes de base de sécurité sociale, avec une part croissance du financement assuré par des recettes fiscales et des contributions sociales), il en ressort que le mode de financement de certaines branches a significativement évolué au cours des derniers exercices. Ainsi, la branche maladie sera financée pour une part très significative par la TVA (20%), le produit de la TVA se rapprochant du produit de CSG qui lui est affecté (24%).