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07 / 10 / 2019 | 196 vues
Didier Cozin / Membre
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Comment gérer et communiquer sur les parcours de formation des salariés de 2014 à 2020 ?

« Abondement correctif », « amende de formation » ou « chèque cadeau de formation » : la nouvelle réglementation de formation (introduite dans les lois de mars 2014 et de septembre 2018) impose aux employeurs de nouvelles obligations en matière de formation (assortie d'une « pénalité» pour les plus de 50 salariés) : gérer les parcours professionnels de chacun des collaborateurs au sein de l'entreprise sur six années.

Quid de la gestion du parcours professionnel sur six ans ?

Si la réalisation d'un entretien professionnel tous les deux ans ne supporte ni discussion, ni ambiguïté (il est en revanche possible de déroger à ce rythme bisannuel en concluant un accord d'entreprise), la gestion des parcours de formation est plus complexe et sujet à de multiples interprétations.
 

  • Que dit le Code du travail ?
     

« Toute action de formation qui conditionne l’exercice d’une activité ou d’une fonction, en application d’une convention internationale ou de dispositions légales et réglementaires, constitue un temps de travail effectif et donne lieu pendant sa réalisation au maintien par l’entreprise de la rémunération ».
 

L'adaptation au poste de travail
 

Donc, si en suivant le Code du travail, on considère comme obligatoires les actions de formation conditionnant l'exercice d'une activité ou d'une fonction, qu'en est-il de l'ancienne obligation (posée par la jurisprudence depuis 1992) d'adapter chaque travailleur à son poste de travail ?


En fait, l'application de l’article L 6321-1 du Code du travail oblige également l’employeur à assurer l’adaptation de ses salariés à leur poste de travail. Il doit veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations. Il s’agit là d’une autre obligation légale qui engage la responsabilité de l’employeur s’il ne la respecte pas.
 

Jusqu'en 2014, deux obligations pesaient donc sur l'employeur en matière de formation :
 

  1. réaliser les formations obligatoires en application d'un texte légal ou réglementaire (français ou européen) ;
  2. adapter chaque salarié à son poste de travail, y compris avec des formations non présentes dans la liste, par un texte légal ou réglementaire (exemple : former une assistante sur Word si elle l'utilise couramment sur son poste de travail).
     

Depuis la réforme de 2014, une nouvelle obligation pèse sur l'employeur : la formation non obligatoire dans un laps de temps de six années.
 

Les deux anciennes obligations perdurant, l'employeur a désormais une troisième obligation de formation, celle de gérer les parcours professionnels de tous ses salariés en les inscrivant à des formations « autres qu'obligatoires ».
 

En matière de formation, l'employeur a aussi une obligation de résultats (et plus la seule obligation de moyens, symbolisée par sa cotisation obligatoire et son plan de formations).
 

Que peut être cette formation autre qu'obligatoire qui permettra de ne pas verser 3 000 € sur le CPF d'un salarié à l'horizon de décembre 2020 ?
 

L'employeur peut former son salarié au développement des compétences (formation non indispensable aujourd'hui au poste de travail), il peut l'accompagner pour un titre professionnel, une certification ou un diplôme, lui suggérer une VAE, l'accompagner dans son CPF (en l'abondant au besoin) ou enfin organiser une formation en situation de travail.
 

Quelle durée de formation pour être exempté de cette « amende » de 3 000 € ?
 

Commençons par rappeler que les 3 000 € ne sont dus que par les entreprises de plus de 50 salariés, les TPME pouvant former leurs salariés via les OPCO (budgets mutualisés).
 

Un module d'e-learning sans accompagnement ni évaluation, une formation de deux heures, une formation de deux jours, une information professionnelle etc. peuvent-ils prouver la gestion d'un parcours sur six années ? Sans doute pas.
Rappelons que six années de CPF (les 3 000 € désormais) représentaient 24 x 6 heures, soit 144 heures. En principe, un employeur devrait avoir formé son salarié l'équivalent de six années de CPF ou lui payer un abondement de 3 000 € afin que celui-ci puisse se former sans l'intervention de son employeur (qui peut s'estimer chanceux puisqu'en 2014, la peine était doublée : 3 000 € + 100 heures de CPF à utiliser sur le temps de travail).
 

Trois possibilités s'offrent à l'employeur pour prouver sa bonne foi (le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi, selon l'article L. 1222–1) :
 

  • avoir formé son salarié pendant une durée conséquente (entre 100 et 150 heures) sur ce laps de temps, courant de 2014 à 2020 ;
  • avoir permis l'acquisition d'un titre professionnel, d'une certification ou d'un diplôme nouveau et adapté à l'emploi ou au travail futur du salarié ;
  • avoir accompagné une VAE.
     

Qui sera juge de la bonne exécution du contrat de travail dans ce domaine de la formation ? 
 

  • Le salarié lui-même, qui devra être informé du versement de cette somme sur son CPF (concomitamment à la Caisse des dépôts et au règlement des 3 000 €). 
  • Les représentants du personnel qui devront, eux aussi, être informés des versements des abondements correctifs individuels mais aussi sous forme statistique (combien d'abondements au total ? Quelles catégories de personnel ? Quelle proportion de bénéficiaires ? Etc.).
  • Les DIRECCTE qui, lors d'un contrôle ou sur plainte d'un salarié, pourront mettre l'employeur en demeure de payer les 3 000 € (avec le doublement de l'amende et le règlement au fisc en cas d'évitement ou de refus).
  • Les tribunaux prud'homaux qui, lors d'une rupture professionnelle, ne manqueront pas de se pencher sur la gestion du parcours professionnel de chaque salarié (y compris dans les entreprises de moins de 50 salariés).
     

L'obligation de formation, une « épée de Damoclès » que les entreprises ont un an pour dévier
 

L'amende de formation (que certains appellent déjà « chèque cadeau de formation ») est une disposition inédite dans le droit social français. Elle est justifiée par le faible niveau de compétences de nombreux travailleurs français (la France est 20e ou 22e dans l'OCDE au niveau des compétences des adultes).


Cette menace de sanction (très lourde pour les entreprises en difficulté) impose aux employeurs de former tous leurs salariés (y compris hors temps de travail), de les faire bénéficier d'un entretien tous les deux ans et de n'oublier personne. C'est une obligation redoutable dont peu de directions ne mesurent encore les conséquences sociales et financières. On ne peut qu'engager les entreprises à ne pas attendre le milieu de l'année 2020 pour s'en préoccuper.

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