Participatif
ACCÈS PUBLIC
22 / 09 / 2025 | 23 vues
Eric Gautron / Abonné
Articles : 36
Inscrit(e) le 17 / 06 / 2022

Autonomie : une actualité dense… mais pas plus de financement !

Ces derniers mois, l’actualité a été dense en matière d’autonomie. Serait-ce le signe d’une réelle prise de conscience de la proximité et de l’ampleur du choc démographique  L’avenir le dira.  Force est en tout cas de constater que nombre de travaux récents pointent des travers inquiétants de notre système.


Retour sur une actualité dense :


En février, le premier rapport de la branche Autonomie était publié par la CNSA, rappelant les lourds écueils auxquels la plus « jeune » branche de la Sécurité sociale doit faire face : vieillissement des premières générations du baby-boom, inégalités territoriales, crise de l’attractivité des métiers en lien avec la perte d’autonomie…


Ensuite, a eu lieu l’annonce de la généralisation à tout le territoire du service public départemental de l’autonomie (SPDA) en 2025, après une expérimentation menée dans plusieurs départements préfigurateurs.


La Conférence nationale de l’autonomie (CNA), prévue par la loi du 8 avril 2024 sur le « bien vieillir », a aussi été lancée en début d’été.


Cette dernière doit poser les bases d’une politique de prévention de la perte d’autonomie, évaluer les actions existantes, définir des priorités et des indicateurs à suivre. Elle fixera des orientations triennales (2026-2028) qui auront vocation à guider la CNSA et les commissions des financeurs.


Outre ces éléments, l’autonomie a été évoquée dans plusieurs rapports, dont celui de la Cour des comptes, celui de la CNAM (Charges et produits), ou encore celui publié par les trois Hauts Conseils (HCAAM, HCFEA, HCFIPS).


Plus récemment, le 15 juillet, lors des mesures d’économies présentées par le Premier Ministre François BAYROU, la ministre des Solidarités, Catherine VAUTRIN, s’est prononcée en faveur d’une transformation des politiques de soutien à l’autonomie, en facilitant l’adaptation du domicile et en renforçant la prévention de la perte d’autonomie, sans donner plus de précisions et sans évoquer la perspective d’une loi pluriannuelle sur le grand âge et l’autonomie, pourtant promise par l’exécutif à de nombreuses
reprises et prévue par la loi du 8 avril 2024 précitée.


Si l’évocation croissante de l’autonomie est un point positif, encore faut-il s’attaquer aux travers persistants de notre système, tant, en matière d’habitat, d’évaluation de la perte d’autonomie et… de financement.


Des travers inquiétants :


Sur le plan de l’habitat, l’image des Ehpad a été largement écornée et le modèle est à bout de souffle entre financiarisation de la vieillesse, coûts exorbitants pour les résidents, insuffisante médicalisation et manque d’évaluation de la qualité des services fournis aux personnes âgées.

Pour rappel, notre confédération  défend l’instauration d’un ratio d’un professionnel par résident dans les Ehpad.


L’annonce d’une augmentation de 50 000 ETP à l’échéance 2030 (auparavant cet objectif était fixé pour la fin du quinquennat) est très insuffisante.


Le vieillissement à domicile est certes plébiscité par une majorité de citoyens, mais il suppose du personnel à domicile qualifié et en nombre suffisant, ainsi qu’un logement adapté. Or, le métier d’aide à domicile est « en souffrance » (1) (salaires parmi les plus faibles, emplois du temps entrecoupés, sinistralité élevée, manque de reconnaissance…).


Pour ce qui est de l’adaptation des logements, le retard français par rapport à d’autres pays européens est notable (2) . Les démarches sont coûteuses et parfois décourageantes. Les adaptations se font rarement par anticipation. Seules 7 % des personnes de moins de 80 ans et 21 % des personnes de 80 ans et plus auraient effectué des travaux d’aménagement à leur domicile (3).


Une autre voie existe, celle de l’habitat inclusif, mais celui-ci reste encore peu développé. Une mission confiée à l’Igas et à l’inspection générale de l’environnement et du développement durable (Igedd) va être lancée pour repenser le modèle économique de l’habitat partagé.


Pour ce qui est de la perte d’autonomie, son évaluation n’est, semble-t-il, pas uniforme à l’échelle du territoire. Ainsi, le rapport de la Cour des comptes, rendu en mai dernier, a relevé la persistance de fortes disparités de gestion des prestations, qui remettent en cause le principe républicain d’égalité de traitement sur le territoire. Le rapport cite notamment le cas de l’APA où la prestation moyenne varie du simple au double selon les départements, compte tenu de critères d’attribution qui varient d’un conseil départemental à l’autre.


La prévention de la perte d’autonomie est un axe souvent avancé.


Elle permet d’agir sur l’espérance de vie en bonne santé (4).



Mais cela suppose un bon accès aux soins, ce qui n’est pas acquis à l’heure des déserts médicaux. En outre, les offres d’actions de prévention sont parfois difficilement lisibles, y compris pour les principaux intéressés. Un effort pédagogique est nécessaire pour favoriser cette « culture » de la prévention. Lors du lancement de la Conférence nationale pour l’autonomie (CNA), une mission a été confiée à deux médecins expertes en gérontologie du CHU de Toulouse pour « définir dix à quinze indicateurs nationaux
communs de prévention de la perte d’autonomie ».


Enfin, sur le plan du financement, les magistrats de la Cour des comptes ont estimé, dans le rapport précité, que "La branche (Autonomie) ne dispose pas d’outils de projection et d’analyse approfondies des besoins de financement à long terme", d’où une estimation du nombre de personnes dépendantes à l’horizon 2030
variant du simple au double selon la méthode employée. Ces difficultés de projection rappellent l’importance de disposer d’indicateurs pertinents sur ce point pour construire une loi pluriannuelle sur le financement du grand âge et de l’autonomie.


En matière de financement, rappelons que notre organisation syndicale  n’a de cesse de dénoncer l’insuffisance du financement de la branche Autonomie. L’objectif de dépenses de la branche Autonomie pour 2025 est de 42, 3 milliards d’euros, en hausse de 6 % par rapport à 2024, mais le solde pour 2025 sera d’ores et déjà déficitaire (-0,4 Md d’euros).

 

1) F.-X. DEVETTER, A. DUSSUET, E. PUISSANT, « Aide à domicile, un métier en
souffrance », Les Editions de l’Atelier, 2023.

2) I. ROGIER, « Le logement des personnes âgées »,Vie sociale 2016/3 n°
15, p. 117.
3) « Loger nos seniors : état des lieux d’un enjeu de société », cerema.fr

4)  Selon la Drees, elle a atteint en France 77 ans pour les femmes et 75,5 ans pour les hommes pour 2023, ce qui est un peu mieux que la moyenne  européenne.

Afficher les commentaires

 

La France, comme nombre de pays développés, va être confrontée à une accélération inédite du vieillissement de sa population (les plus de 75 ans représenteront 16,4% de la population en 2050 contre 10,4% en 2024), ainsi qu’à une hausse du nombre de personnes en perte d’autonomie (4 millions en 2050 contre 2,5 millions en 2015 ).(1)

 

La question de l’instauration d’un risque « dépendance » a fait l’objet de nombreux rapports au cours des dernières décennies, mais c’est au moment de la pandémie qu’elle s’est véritablement invitée sur le devant de la scène.

 

Partant du constat de la complexité du système, la loi du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie a chargé le gouvernement de remettre rapidement au Parlement un rapport « sur les conditions de création d’un nouveau risque ou d’une nouvelle branche de sécurité sociale relatifs à la perte d’autonomie (2) ».

 

C’est finalement le choix d’une nouvelle branche qui a été fait par le législateur avec un périmètre incluant les personnes âgées et celles en situation de handicap.

FO, qui revendiquait de longue date la prise en charge d’un risque dépendance, n’était pas favorable à l’instauration de cette cinquième branche, regrettant que la dépendance n’ait pas été rattachée à la branche Maladie. La CNSA3 est la caisse de la branche Autonomie.

 

Elle est dotée de missions multiples (assurer l’équilibre financier de la branche, le pilotage et le financement d’allocations, garantir la qualité de l’accompagnement des personnes concernées…), mais les organisations syndicales n’ont qu’un strapontin au sein de son conseil (forte présence de l’État et des associations).

 

Autre particularité, la CNSA ne dispose pas de caisses sur le territoire.

Elle entretient toutefois des liens avec de nombreux acteurs (ARS, conseils départementaux, MDPH…), appelés à se renforcer avec le déploiement du service public départemental de l’autonomie prévu pour 2025.

Les ressources de la branche Autonomie proviennent majoritairement de la CSG.

 

Notre organisation syndicale  n’a de cesse de dénoncer l’insuffisance de ses ressources, en dépit de la fraction supplémentaire de CSG qui lui est allouée depuis 2024 (+0,15 point). L’objectif de dépenses de la branche Autonomie pour 2025 est de 42,3 milliards d’euros, en hausse de 6% par rapport à 2024, mais le solde pour 2025 sera d’ores et déjà déficitaire (-0,4 milliard d’euros).

 

Les enjeux en matière d’autonomie sont nombreux : garantir des projets de vie aux personnes en perte d’autonomie ou en situation de handicap, quels que soient leurs revenus et le lieu où elles résident, renforcer l’attractivité des métiers, améliorer les droits des proches aidants, repenser le modèle des Ehpad à bout de souffle…

FO défend l’instauration d’un ratio d’un professionnel par résident dans les Ehpad.

 

L’annonce d’une augmentation de 50000 ETP à l’échéance 2030 (auparavant cet objectif était fixé pour la fin du quinquennat) est très insuffisante. La cinquième branche de la Sécurité sociale ne doit pas être la cinquième roue du carrosse! Plus que jamais, une loi pluriannuelle sur le grand âge et l’autonomie, maintes fois promise, maintes fois reportée par l’exécutif, est nécessaire.

 

1 Estimation INSEE.

2 Étude d’impact de la loi du 7 août 2020.

3 Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie