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02 / 10 / 2017 | 6 vues
Martini Franck / Membre
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Ordonnances, expertise et santé au travail

Nous avons très récemment produit deux rapports d’expertise dont la presse et la télévision se sont fait l’écho. La confidentialité attachée à ce genre de travaux et la déontologie du cabinet interdisent de reprendre des éléments de contenu de ces rapports si ce n'est pour dire qu’ils contiennent des éléments d’analyse de l’effet des évolutions d’organisation en cours et des risques induits en termes de fonctionnement, ainsi que des données relatives aux problématiques managériales.

Si ces cas particuliers sont évoqués ici, c’est notamment en raison de l’actualité. En effet, si les ordonnances relatives à l’expertise devaient rester en l’état, il serait probable que ce type de rapport, indépendant et destiné à être utilisé dans le champ de la santé et de la sécurité au travail par l’ensemble des acteurs internes de l’entreprise, serait largement entravé.

Il faut rappeler que les principales thématiques émergentes en santé au travail ont été en premier lieu mises en lumière par les expertises diligentées par les CHSCT (qu’il s’agisse des RPS mais aussi d’autres risques, tels que les TMS ou les cancers d’origine professionnelle). On peut imaginer que si les préventeurs (entendus au sens large) n’avaient pas eu accès à cet outil et à ses résultats, c’est l’ensemble de la prévention qui en aurait pâti et, par incidence, la santé des salariés.

Nous nous préparons de ce fait à une régression importante dans un domaine pourtant essentiel et aux enjeux extrêmement forts pour la population salariée. Pour pouvoir jouer leur rôle et assumer leurs prérogatives, les CHSCT ont trouvé dans l’expertise un moyen parfois nécessaire pour comprendre les causes profondes des dysfonctionnements qu’ils constataient et mieux apprécier l’effet des projets qu’on leur présentait sur les conditions de travail. De ce point de vue, l’expertise a significativement renforcé les compétences et la capacité d’action des représentants du personnel. Dans la durée, elle a également été un vecteur de progrès dans la qualité des projets d’organisation et de restructuration, notamment en les amenant à intégrer dès en amont la question des conditions de travail (qu’il s’agisse de la charge, de l’environnement physique, de la régulation de l’activité etc.). Le concours de l’expertise à l’évolution des méthodologies de prévention est de ce fait incontestable, notamment au regard des situations de changements constants vécus au sein des entreprises.

Comment imaginer que la disparition des CHSCT, la réduction significative du rôle des représentants du personnel dans le domaine de la santé, de la sécurité et des conditions de travail puisse être sans effet ? Comment imaginer que la limitation de leurs marges de manœuvre, la perte de proximité avec les salariés et les situations réelles de travail n’aient pas des conséquences sur le travail, l’exposition aux risques et les relations professionnelles ?

A-t-on déjà vu que dans le domaine de la prévention, des progrès significatifs se soient accomplis sans une intervention extérieure à l’entreprise, qu’elle relève de la contrainte (comme les règlementations) ou de l’appui aux acteurs internes ? Mais il y a plus encore. À l’heure où l’on veut promouvoir le dialogue social au sein des entreprises (sans dire d’ailleurs comment on aidera les partenaires sociaux à s’outiller et à se former sur des sujets très techniques et complexes), réalise-t-on que les échanges autour des résultats d’une expertise (qu’ils soient vifs ou non) constituaient une base solide pour parler des questions de fond ? Que cela évitait même des conflits et des ruptures plus lourds que l’accord ou le désaccord sur telle ou telle partie d’un diagnostic ? La recherche de petits profits à court terme n’ont jamais fondé de bonne politique et ce que certains croient gagner aujourd’hui, ils risquent demain de le regretter. Ce sera alors et malheureusement, pour tout le monde, perdant-perdant.

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