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23 / 09 / 2022 | 81 vues
Theuret Johan / Membre
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Plan de sobriété dans les administrations : un sujet central, qui doit être engagé dans l’urgence au regard du contexte, mais pensé sur le long terme

La guerre en Ukraine, et ses conséquences sur l’approvisionnement de l’Europe en gaz, conjuguée aux difficultés du parc nucléaire et au retard pris par la France en matière d’énergies renouvelables, créent une situation de tension inédite sur l’approvisionnement énergétique dans les semaines et mois à venir. Dans ce contexte, le Gouvernement a adressé un appel à tous pour engager sans tarder des mesures
de sobriété permettant d’éviter des interruptions d’activités trop importantes au cours de l’hiver.


Nous considérons au sein du think tank Le Sens du Service Public qu’il s’agit là d’un sujet central, qui doit être engagé dans l’urgence au regard du contexte, mais pensé sur le long terme car il est central également dans la politique d’atténuation du changement climatique dans laquelle la France s’est engagée.


La diminution des consommations d’énergie de l’État, et plus globalement des opérateurs publics, revêt une double importance : premièrement en ce qu’elle contribue directement à l’objectif national ; deuxièmement car il se doit d’être exemplaire à l’heure où des efforts de sobriété seront demandés à l’ensemble de la société : ménages, entreprises, etc...


L’État n’est pas un tout unifié : il est composé d’administrations et d’opérateurs aux caractéristiques spécifiques, en raison des politiques publiques ou des services qu’ils sont chargés d’assurer. De même, les collectivités locales, selon leur situation propre, leur taille, leurs compétences, ne sont pas exposées de façon uniforme aux tensions actuelles en matière énergétique. Dès lors, notre propos se concentrera sur quelques mesures générales de nature à engager l’ensemble du service public dans un effort inédit.


Notre conviction centrale est qu’avant de réduire le service rendu ou de fermer un équipement public, il est du devoir de toutes les administrations d’apporter aux citoyens la démonstration que toutes les autres options d’économies d’énergie ont été mises en œuvre.


C'est pourquoi, le think tank Le Sens du Service Public ne privilégie pas les mesures radicales visant à fermer des services publics aux usagers. Il incite plutôt sur des mesures d'adaptation des fonctionnements des administrations qui ont non seulement l'intérêt de ne pas pénaliser lourdement les usagers et ont la vertu de faire évoluer les pratiques dans le temps.


1- La priorité absolue doit être donnée aux économies d’énergies dans les bâtiments publics afin de rénover pour faire des économies.


À court terme, nous soutenons toutes les mesures de réduction de la température des locaux à 19°C, qu'il s'agisse des locaux administratifs ou des locaux à destination des usagers des services publics (hormis les hôpitaux, les crèches, les EHPAD). Sans dégrader les conditions de travail des agents, les ateliers et lieux de stockage doivent être chauffés à 16°C maximum. De plus, autant que possible, il convient de limiter l'eau chaude pour les lave-mains.


Nous préconisons le déploiement du télétravail de façon beaucoup plus massive qu’aujourd’hui, en particulier quand il permettra de maintenir fermés des bureaux (ex. télétravail obligatoire le vendredi ou des semaines banalisées de télétravail entre Noël et Jour de l'An, selon la nature des activités et les modes d’organisation du travail).


Nous appelons l’ensemble des administrations à chercher à optimiser les espaces et à mutualiser les locaux pour diminuer les surfaces utilisées et à diminuer les surfaces chauffées.


À moyen et long terme, nous renouvelons notre appel à donner une priorité absolue à la rénovation thermique des bâtiments publics dans les investissements de l’État et des collectivités, en commençant par ceux qui reçoivent du public. Les bâtiments publics étant responsables d'environ 1/3 des émissions de gaz à effet de serre et de 50% de la consommation d'énergie en France, leur rénovation est indispensable pour respecter les Accords de Paris. Il s'agit donc de se conformer à l'esprit de la loi de transition énergétique d'août 2015, qui prévoit de développer, à chaque fois que c'est possible, des constructions neuves publiques à énergie positive et à haute performance énergétique. Ce qui est une nécessité énergétique et climatique devient également une nécessité économique au regard de l’explosion des factures d’énergie dans le secteur public.
 

Des fonds dédiés et des outils de financement innovants (ex. avances remboursables à taux fixe, prêts à taux variable évoluant inversement aux prix de l'énergie...) doivent être créés pour accélérer les investissements de l’État sur le sujet, en lien avec le renforcement de l’ingénierie territoriale.


2- Nous appelons à transformer le quotidien de l’administration pour diminuer son empreinte carbone.


*Dans le domaine des déplacements professionnels


Quand on parle de sobriété énergétique, la mobilité et les déplacements sont des sujets essentiels. C'est pourquoi, les administrations publiques doivent encourager les modalités durables et moins énergivores des agents publics.


Selon nous, cela passe par des mesures ambitieuses comme :


*suppression des véhicules de fonction ;
*renforcement de flottes de vélos achetés par les employeurs et électrification
des flottes automobiles ;
*remplacement des déplacements métropolitains en avion par le train dans
toutes les administrations ;
*limitation et optimisation des déplacements carbonés superflus.


*Dans le domaine des outils et des usages numériques


Le numérique, qui représente 4% des émissions de gaz à effet de serre, doit lui aussi s'inscrire dans des démarches de sobriété énergétique. Il s'agit de limiter à la fois l'énergie grise (dépensée en dehors de la phase d'utilisation notamment lors de la fabrication des appareils) et la production de l'électricité consommée lors de l'utilisation.


Chaque administration peut facilement mettre en place des plans de sobriété numérique invitant :

 

  • d'une part, au travers de recommandations précises et efficaces, à la responsabilisation des utilisateurs (extinction des ordinateurs, imprimantes et autres périphériques en cas de non usage prolongé, recharge non prolongée des téléphones portables, limitation de l'usage du streaming, incitation à utiliser le Wifi plutôt que la 4G, allongement de la durée de vie des matériels...) ;
     

 

  • d'autre part, à la rationalisation des infrastructures numériques (coupure centralisée des réseaux partout où c’est possible la nuit, optimisation des capacités des serveurs, des baies informatiques et des "dark datas" via le nettoyage des données conservées...).


3- Nous soutenons le renforcement des critères environnementaux dans la commande publique.


Avec la réforme de la commande publique en avril 2016, les acheteurs publics peuvent instaurer davantage de critères environnementaux ou de clauses sociales dans leurs marchés. Il convient donc de davantage instituer dans les critères de sélection une pondération plus favorable à un critère environnemental.


Cela permet de soutenir les entreprises qui innovent en la matière, par exemple dans les achats liés à la restauration collective et au reconditionnement du matériel informatique.


4- Nous souhaitons que soit rétablie à l’échelle départementale une ingénierie territoriale au service des collectivités, établissements publics et directions territoriales de l’État afin de renforcer la capacité des acteurs publics à conduire les indispensables travaux de rénovation de leur patrimoine, notamment.


Cette ingénierie sera indispensable pour aider l’ensemble des acteurs à décliner la stratégie nationale bas carbone et les politiques d’adaptation aux conséquences déjà tangibles du réchauffement climatique.


Par ailleurs, les pouvoirs de police de plusieurs acteurs publics (les Maires notamment) doivent être utilisés pleinement pour interdire les consommations inutiles (enseignes lumineuses, terrasses chauffées...) et pour veiller à la bonne application de la loi.


5- Nous appelons à la création d’une nouvelle règle d’or des finances publiques.


Dans tous les documents budgétaires de l’État, sera intégrée la conformité de l’action de l’administration avec la feuille de route de sobriété qui permet de respecter l’accord de Paris. Les contrôleurs budgétaires des ministères verront leur mission enrichie par un rôle de contrôleur des engagements climat, qui sera mis à égalité de priorité.


6- Un sujet majeur est enfin d’améliorer et systématiser la formation des acteurs publics aux enjeux de transition écologique et énergétique.


La sensibilisation et la formation du maximum d'agents publics aux enjeux du réchauffement climatique et à la sobriété énergétique semblent déterminantes.


L'annonce gouvernementale va dans le bon sens, encore faut-il que des moyens financiers soient dédiés à cette priorité dès le projet de loi de finances 2023.


Au plus près du terrain, les responsables de sites et d'équipements publics doivent être systématiquement formés aux “éco-gestes” du quotidien (“gestes barrières contre la pénurie”) afin de veiller à la rationalisation des consommations énergétiques et à la chasse aux consommations inutiles.

 

Cet hiver, des mesures exceptionnelles pour une situation exceptionnelle
 


Pour faire face à la pénurie d’énergie annoncée cet hiver, nous appelons à l’exemplarité des administrations en préparant un plan de mesure à même d’effacer les pics de charges. Ces plans doivent permettre la continuité d’activité des services publics tout en réduisant drastiquement les consommations d’énergie.

Avant de fermer des services publics aux usagers, nous réaffirmons le besoin de rationaliser drastiquement les usagers et fonctionnement des administrations publiques.


1/ Nous préconisons d’autoriser les agents volontaires à augmenter le nombre de jours par semaine de télétravail pour réaliser des économies de carburants sur les trajets domicile-travail. Cette piste doit être encore plus encouragée si elle permet de fermer des bâtiments publics pendant les périodes de chauffe. Ainsi, il semble pertinent d'inciter au télétravail massif pendant la seconde semaine de vacances des fêtes de fin d'année, voire de l'imposer sur les périodes de grand froid quand cela est possible.


2/ Afin de compenser le chauffage à domicile des agents en télétravail, les administrations devront regrouper les agents présents sur site pour réduire le chauffage sur des bâtiments fermés.


3/ Annuler tous les déplacements professionnels sur une période d’au moins une semaine et préférer autant que possible la visioconférence.


4/ Réduire l’usage des outils numériques : report des traitements sur serveurs, établir des heures de déconnexion en fin de journée, extinction centralisée des ordinateurs après une certaine heure le soir.


5/ Reporter l'activation du chauffage des bâtiments publics administratifs après les vacances de la Toussaint et éteindre avant les vacances de printemps (afin d'éviter de chauffer des bâtiments partiellement vides).


6/ Coupure, autant que possible en tenant compte des particularités locales, à partir de 22h30 de l'éclairage public des bâtiments et des rues. En parallèle, il s'agira de veiller au respect du sentiment de sécurité et ce, pour ne pas décourager les sorties nocturnes (ce qui peut inciter à privilégier la réduction de l'intensité lumineuse).


7/ Plutôt que de fermer des piscines, baisse des températures de l'eau à 25°C et de l'air à 26°C.
 

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