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21 / 01 / 2022 | 574 vues
Jacky Lesueur / Abonné
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La MMJ met fin à son partenariat avec le groupe AG2R La Mondiale : « Nous avions des ambitions pour le groupe mais le groupe n’en avait pas pour nous »

Ces derniers jours, la presse spécialisée a rapporté la décision de la Mutuelle des métiers de la Justice (MMJ) et de la sécurité de quitter le groupe AG2R La Mondiale. Élisabeth Chabot, présidente de la mutuelle, a bien voulu répondre à nos questions pour expliquer les raisons de ce choix et préciser son approche des choses.

 

Depuis près de dix ans, la MMJ était engagée dans un partenariat avec le groupe AG2R La Mondiale, acteur important du secteur de l’économie sociale, pourquoi cette décision?
 

Élisabeth Chabot : En engageant ce partenariat, la MMJ souhaitait, comme elle l'avait annoncé à l'époque, renforcer ses liens dans une logique de développement avec le groupe AG2R la Mondiale et conforter sa solidité financière. Mais cette dynamique commerciale ne s'est malheureusement pas matérialisée et nous le déplorons.
 

Nous avions des ambitions pour le groupe mais le groupe n’en avait pas pour nous. Un exemple suffit : il nous avait été promis que nous aurions accès à l’ensemble des agences d'AG2R La Mondiale. Sur une centaine d’agences, seules 4 ou 5 ont relayé nos offres et chez aucune d’entre elles la marque MMJ n’était exposée ni expliquée. Comment voulez-vous réussir votre développement si votre groupe ne vous donne pas les moyens de vous révéler et de vendre vos garanties ? Or, malgré les engagements pris par AG2R La Mondiale, la MMJ n’a pas été intégrée au réseau et n’a pas été soutenue. Dès lors, la question de rester dans une situation aussi inconfortable et aussi éloignée de ce qui était convenu s’est posée.

 

La décision de quitter AG2R La Mondiale n'est elle pas motivée aussi  par les discussions en cours sur l'arrivée d’Intériale au sein même du groupe?
 

É. C. : Non. Comme je viens de vous l’expliquer, nous quittons AG2R à cause d’AG2R et de cette dynamique commerciale dont nous avons besoin et qui ne nous a pas été apportée. Intériale n’est pas un sujet pour nous. Si Intériale est devenue la mutuelle référencée par le Ministère de la Justice, nous sommes bien placés pour savoir que cette position n’est pas immuable et que la concurrence existe de toute part. Vous ne prenez pas une décision à cause de l’arrivée d’une autre entité. La motivation de notre décision est l’intérêt de la MMJ et celui de ses adhérents. Intériale a son histoire et ses principes ; nous avons les nôtres. Notre histoire est différente ; notre avenir le sera aussi. Nous n’avons jamais communiqué sur Intériale depuis 2017 ; nous n’allons pas commencer aujourd’hui alors que nous nous préparons à quitter un groupe qu’ils veulent rejoindre.
 

Cette décision est donc murement réfléchie et  irrémédiable ?
 

É. C. : Elle a été prise par notre conseil d’administration le mardi 18 janvier. Dès le lendemain, j’en ai avisé la direction générale d’AG2R. Notre décision est soumise au processus habituel de notre démocratie mutualiste. Concrètement, une AGE sera organisée et c’est cette instance qui validera ou non la décision de notre conseil d’administration.

 

Dans le domaine de la santé et de la prévoyance, le contexte général actuel de concurrence accrue et les projets de réformes qui se dessinent pour la protection sociale des fonctionnaires, la MMJ est-elle suffisamment forte et peut-elle se priver d'un véritable partenariat avec un autre groupe mutualiste ?
 

É. C. : Tout d'abord laissez-moi apporter quelques précisions sur la MMJ, pour être très claire et couper court à certaines idées reçues. Nous sommes une mutuelle affinitaire très solide. La perte de référencement devait nous affaiblir. En réalité, non. Quatre ans après, 80 % de nos adhérents nous sont restés fidèles. La lame de fond annoncée n'a pas eu lieu. C’est la preuve que la MMJ est une mutuelle qui connaît bien son public et reste très appréciée de lui, grâce à des offres adaptées et une qualité de services reconnue.

Autre preuve que la MMJ est forte, nous avons gagné 2 000 nouveaux adhérents en 2021. Pourtant, contrairement à nos concurrents, nous ne sommes pas un acteur médiatique qui s’expose beaucoup. Notre sérieux, la rigueur de notre gestion et notre culture affinitaire restent nos atouts pour nous développer.

Notre marge de solvabilité est de 265 %. Comparez-nous avec d’autres mutuelles et vous verrez que certaines en sont bien éloignées et n’atteignent que les 150 %. Pour autant, si la MMJ est forte, il est important pour nous de la rendre plus forte. Nous pensons que nous y parviendrons avec un nouveau partenaire et un nouveau groupe.

 

Quelle sera votre approche pour  ce nouveau partenariat ?
 

É. C. : À ce stade, nous ne savons pas encore quel groupe nous rejoindrons mais nous savons déjà pourquoi et comment nous le ferons. Si nous ne pouvons pas prévoir l’avenir, nous pouvons le rendre possible et nous le ferons selon quatre principes qui ne sont pas négociables.

1 - Nous recherchons un partenaire qui contribuera à notre dynamique commerciale. Nous voulons renforcer nos positions, conserver la confiance du Ministère de la Justice auquel nous sommes très attachés et nous adresser à un nouveau public. Nous le ferons mieux à deux et nous donnerons la préférence à un partenaire qui en est convaincu et qui saura nous aider.

2- Nous voulons aussi contribuer à la dynamique du groupe que nous rejoindrons. Nous avons un rôle à jouer et nous voulons le jouer. Nous avons des expertises et des savoir-faire qui doivent apporter une valeur ajoutée au groupe que nous rejoindrons. Nous croyons et nous voulons développer une relation gagnant-gagnant.

3- Nous voulons rejoindre un groupe qui partage nos valeurs. Nous ne créerons pas de valeur sans valeurs. Nous sommes un acteur mutualiste, attaché à ses principes fondateurs. Nous aurons bientôt 80 ans (en 2024) et on se réinvente pas une personnalité à cet âge-là. Nous croyons aux valeurs et à la pertinence de l’économie sociale et solidaire. L’époque et nos citoyens en ont besoin. Nous ne ferons pas défaut. La MMJ restera la MMJ et elle doit trouver un groupe qui lui ressemble.

4- Nous refuserons une politique qui s’imposeraient à nous. Au contraire, nous voulons une alliance dans laquelle chaque acteur se respectera et s’apportera. Nous voulons une relation qui nous aidera à sortir du rang pour nous imposer sur de nouveaux marchés, avec de nouveaux services que nous n’avons pas forcément et que notre groupe pourra nous apporter.

 

Les profondes réformes annoncées par le gouvernement sur la protection sociale complémentaire des fonctionnaires de l'État entrent dans une phase de finalisation et les syndicats devant se prononcer sur un éventuel projet d'accord cadre fin janvier. Qu'en pense la MMJ ?


É. C. : Il est difficile d’avoir un avis sur un projet dont tous les aspects à court, moyen et long termes ne sont pas bouclés. Nous devons donc attendre pour formuler un avis critique sérieux. Cependant, nous pouvons éprouver un regret et une crainte. D'abord, le regret de constater que la Ministre de la Transformation et de la Fonction publique n’a pas pris la peine d’inviter les mutuelles de la fonction publique pour évoquer cette réforme. Comment peut-on éluder les premiers acteurs de ce sujet d'une réforme ? Ensuite, la crainte de voir détruire le principe de la cotisation unique pour une protection globale.


Si nous pouvons nous réjouir d'enfin voir l’employeur public prendre 50 % des cotisations de la garantie de santé de ses agents en charge (sujet que nous portons depuis de très longues années, à la MMJ avec les autres mutuelles réunies au sein de la MFP), nous nous inquiétons du nuage de fumée qui semble se dessiner. Celui-ci limiterait cet engagement aux seules questions de santé, probablement avec des garanties minimales et dégradées, alors que nos adhérents actuels profitent d’une garantie qui couvre également leur incapacité, leur invalidité, leur dépendance et leur décès. Sous prétexte d’un engagement financier de l’employeur public sur la santé, les agents devraient financer le reste. Où sera le gain pour le pouvoir d’achat des agents et pour leur protection globale ? Attendons de voir mais notre crainte est vive.

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