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07 / 09 / 2021 | 408 vues
Jean Marie Pernot / Membre
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Le syndicalisme face à un avenir incertain

Les interrogations sur l’avenir du syndicalisme s’inscrivent dans une sortie du paradigme de « la crise » du syndicalisme longtemps évoqué dans les années 1990 et 2000 pour entrer dans une caractérisation plus structurelle et continue d’a-syndicalisation d’une large partie du monde du travail. Elle s’accompagne d’une mise en doute profonde de la légitimité du syndicalisme à parler au nom de celui-ci. L’état de faiblesse syndicale est devenu tel que les pouvoirs publics peuvent sans retenue ignorer superbement un point de vue unanime des confédérations syndicales, par exemple sur la réforme de l’assurance chômage au début de 2021. Cette situation doit être placée dans une double perspective : d’une part un déclin général de la puissance syndicale en Europe, d’autre part, pour la France, le maintien d’une certaine disposition à se mobiliser comme l’ont montré de nombreuses mobilisations collectives ces dernières années, y compris dans le nouveau contexte sanitaire.

 

Le syndicalisme est un acteur des évolutions de la société mais sa légitimité première est de permettre aux travailleurs et travailleuses, salariés (salariées) ou autres, de gagner en reconnaissance et considération, que ce soit vis-à-vis de leur employeur ou de la société dans son ensemble. Le salaire, la dignité des conditions de vie et de travail en sont des traductions, la possibilité d’exercer les libertés démocratiques en sont la condition. Cette première tâche du syndicalisme est un impératif pour regagner la confiance, construire un acteur collectif capable d’imprimer une marque sur le réel. Sans cette puissance d’agir, il lui est difficile de donner corps aux projets d’émancipation qui le traversent. On s’arrêtera ici sur quelques questions sur l’état actuel du syndicalisme. Il ne s’agit pas d’un « programme » mais de quelques réflexions ouvertes en partant du syndicalisme réellement existant.

 

Trois changements fondamentaux

 

En une vingtaine d’années, parfois moins, quelques vecteurs de transformations majeurs se sont imposés qui existaient auparavant mais avec une position beaucoup moins centrale dans l’espace public : les questions dites « environnementales » qui ne concernent pas l’environnement d’ailleurs, mais les conditions mêmes de reproduction de l’existence humaine ; l’exigence féministe, qui monte partout et sous toutes ses formes dans le monde. Le troisième domaine concerne directement le champ d’exercice traditionnel de l’activité syndicale : les changements dans le travail. On commencera par là.

 

Les transformations du travail

 

La pandémie de Covid 19 laissera des traces dans le travail, sur les modalités et les sociabilités liées à celui-ci. Souvent contraintes et forcées, nombre d’entreprises ont dû expérimenter des modalités de mise au travail inconnues ou marginales jusque-là : le télétravail, le travail de plate-forme, qui peuvent très bien, une fois la pandémie maitrisée, trouver une place importante dans les relations de travail. Nombre d’entreprises ont déjà rendu des m2 de bureaux et prévoient de remplacer le présentiel classique par des journées alternantes sur place : la notion de collectif de travail risque de connaître des bouleversements importants sans parler des communautés d’action collectives passablement étirées dans l’espace.

 

Ces fenêtres d’opportunité s’ouvrent à un moment où bien d’autres évolutions planent sur les conditions d’exercice du travail : ainsi l’évolution du numérique dopé par l’intelligence artificielle est porteuse d’évolutions majeures dans les façons de travailler.

 

Aux revendications « classiques », salaires, temps de travail et conditions de travail qui n’ont pas fini d’occuper l’agenda syndical, il convient également d’ajouter les aspirations montantes bien avant la crise : l’intervention sur le contenu du travail, dans le secteur privé comme dans les fonctions publiques, car ceux qui travaillent en ont assez d’être actionnés comme des marionnettes dans le grand guignol néolibéral.

 

L’emprise du capital sur le travail s’est accentuée au cours des dernières années : la dictature des indicateurs, les méthodes managériales du type Lean management et ou le New public management dans le secteur public sont omniprésentes ; le pilotage par les algorithmes propres au travail de plateforme est amené à s’étendre. Mais il est important d’observer que cette nouvelle forme d’extraction du travailleur de ses œuvres (pour reprendre une formule ancienne) fait l’objet de contestations croissantes, « la gouvernance par les nombres » (Alain Supiot) connait une forte délégitimation parmi les salariés. Avoir son mot à dire, intervenir sur le contenu du travail, dénoncer l’absurdité des indicateurs ou la politique du chiffre, légitimer le regard critique sur les missions pour les agents publics, remettre en cause les productions ou les services non éthiques, c’est mettre un coin dans la société de surveillance qui commence dans le travail.

 

L’écologie, une urgence, une ressource

 

Une observation rapide des rapports de forces constatés depuis trente ans inclinerait au pessimisme. Mais les contradictions et les dangers que font peser les chemins du capitalisme sur les sociétés et sur l’humanité entière ouvrent des espaces : la perception  croissante du dérèglement climatique, des effets de la réduction de la biodiversité et l’incapacité d’anticipation ou de réponse à la crise sanitaire entrainent progressivement une crise de légitimité du néolibéralisme. L’étendue des méfaits de celui-ci permet d’envisager la possibilité d’alliances larges pour combattre non seulement les effets mais aussi les causes du saccage des conditions de vie.

 

L’exigence féministe

 

Une autre perspective positive s’affirme avec « l’exigence féministe ». Si beaucoup reste à faire pour sortir des inégalités, des violences et des discriminations de toutes sortes, dans le travail comme en dehors de celui-ci, il suffit de regarder trente années en arrière pour mesurer le changement parcouru. Ces mobilisations féministes mettent en cause également le syndicalisme, lui-même interpellé dans son fonctionnement, ses coutumes, encore souvent marqués par la domination masculine. Mais si le mouvement syndical sait opérer sa nécessaire mutation, il y a là une réserve de combativité qui peut modifier en profondeur et en positif le rapport des forces. Ceci pose naturellement la question de l’articulation entre luttes féministes et luttes sociales, qui n’a rien de naturel.

 

Un état des forces préoccupantes, des stratégies épuisées

 

C’est un point qui rassemble les différents regards portés sur l’état des forces syndicales : sa faiblesse, devenue structurelle. Il y a des victoires ici ou là, on sent bien toutefois que le syndicalisme n’est pas assez puissant pour se rendre inévitable. Pour l’instant aucune des stratégies en cours dans le mouvement syndical ne semble trouver ce point d’impact. Ni le « participationnisme » de la CFDT ni la stratégie des manifestations à répétition de la CGT n’ont amélioré le rapport des forces. Patronat et gouvernements s’en moquent, toutes ces stratégies sont en échec, tout le monde s’est affaibli et ce n’est pas la course dérisoire à la « première place » dans les scrutins de représentativité qui masquera ce fait.

 

Toutes les incidences et conséquences de cette faiblesse ne sont pas tirées. On continue d’attendre le renforcement syndical pour les uns de la participation à un dialogue social largement pipé, pour les autres à une série de manifestations volontaristes ou se raccrochant même à des mouvements comme celui des gilets jaunes ou des « anti-passe sanitaire » au contenu quelque peu confus.

 

Il faut certainement viser juste, entre le discours radical renvoyant pour certains la solution du problème à une grève générale hors d’atteinte et l’exaltation d’un pragmatisme sans résultat, entre l’incantation et la résignation. Ces deux voies se confortent en se nourrissant réciproquement de leur caricature, le conformisme des uns justifiant le radicalisme des autres et inversement. Si le syndicalisme ne sort pas de cette opposition-connivence, la poursuite du déclin ne conduira qu’à une marginalisation progressive et un doute général sur la capacité des centrales syndicales à véritablement « représenter » les travailleurs.


Sortir de l’institutionnalisation ? 

 

Le constat d’une très forte institutionnalisation du syndicalisme est également largement partagé. De l’entreprise jusqu’au niveau confédéral en passant par la fonction publique ou les structures territoriales, les militants sont appelés à siéger dans de multiples lieux pour y exprimer la voix des salariés. La question de leur légitimité à les représenter se pose de plus en plus même si elle n’est pas nouvelle. Ce surinvestissement, dicté le plus souvent par l’agenda de la partie adverse, a creusé la distance entre les travailleurs et ceux qui sont supposés parler en leur nom. Au niveau national, la méthode Macron a dégagé le terrain : elle n’a que faire du point de vue syndical et, contrairement à celle de ses prédécesseurs, elle ne fait même plus semblant. Loin de la « refondation sociale » de la fin des années 1990, le Medef ne propose plus que des rencontres à objectifs limités. Il a relancé en mars 2021 un calendrier de « discussions » dont la portée est bien modeste. La solution est-elle de déserter ces lieux ? Evidemment non.

 

C’est un dilemme et même une contrainte paradoxale : ces institutions, en particulier celles de la négociation collective, sont des acquis des périodes antérieures, elles ont été imposées par des rapports de force ; ceux-ci faiblissant, ces institutions sont remises en cause dans le sens d’une réduction des droits des représentants des travailleurs. Les ordonnances Macron de 2017, après la loi El Khomri, cherchent à adapter les modes de confrontation aux rapports de force actuels, beaucoup plus favorables aux employeurs. La défense de la négociation de branche contre l’assignation à l’entreprise, la défense des CHS-CT, ont pris en compte cette volonté des gouvernements successifs d’abaisser l’intervention des représentants des travailleurs dans la vie des entreprises. Le paradoxe est donc qu’il faut à la fois défendre les institutions utiles et, « en même temps », se défier de leurs effets dissolvant de la pratique syndicale. La remarque vaut également pour les fonctions publiques au moment où le recul des pouvoirs des commissions paritaires réduit le rôle syndical de médiation entre les agents et l’arbitraire administratif.

 

Il serait bien inconséquent de faciliter le travail des employeurs en désertant par principe ces lieux, sans alternative sérieuse et sans rapport de force. Il y a, à l’évidence, un risque d’enlisement dans l’institution mais qui ne doit pas ouvrir la voie à une politique de l’absence qui n’est pas davantage un signe de la puissance. Lutter, négocier… Les problèmes que posent les institutions de la négociation collective ne sont pas simplement qu’elles absorbent trop d’activité des militants. C’est qu’elles les absorbent souvent en vain, c'est-à-dire qu’elles sont pour nombre d’entre elles aujourd’hui, décalées des enjeux de lutte et de solidarité entre les travailleurs. Si on met de côté le niveau confédéral, les lieux principaux de négociation sont la branche et l’entreprise. Ces lieux correspondaient à peu près, jusqu’aux années 1980, aux espaces de production de la norme sociale : sans être homogène, la branche regroupait des métiers identiques ou comparables ou des qualifications équivalentes et l’entreprise était un lieu à peu près homogène en termes de relation d’emploi.

 

Tout cela a disparu : la branche n’est plus un découpage pertinent de l’activité économique, l’entreprise est devenue un palais des courants d’air. Les branches ont des contenus très inégaux, il ne faut pas généraliser mais nombre d’entre elles et, en particulier les plus grandes (ou les plus anciennes), ont vu se réduire considérablement leur rôle normatif : nombre de règles se sont déplacées vers l’entreprise, d’autres vers le code du travail. Quant à la négociation d’entreprise, elle assure la défense des travailleurs en CDI dépendant par contrat de travail de l’entreprise, c'est-à-dire qu’elle délaisse l’ensemble de ceux et celles qui y interviennent en dépendant d’une autre entreprise (personnel en régie, prestataires, intérimaires, etc.) qui constituent le plus souvent une partie appréciable du personnel quand ce n’est pas la majorité. Par ailleurs l’ample mouvement d’externalisation et de sous-traitance qui a affecté l’activité économique en une trentaine d’années a déplacé les lieux de production de la norme : plus que la branche, c’est bien souvent le donneur d’ordre qui détermine la relation d’emploi.

 

Cela signifie que les lieux où se définissent les conditions d’emploi ne sont plus logés aux lieux de la négociation collective. C’est un problème très important, curieusement délaissé car aucune organisation syndicale n’a mis en avant les réponses adéquates à cette évolution majeure.

 

On ne négocie pas pour occuper son temps mais pour deux raisons essentielles : faire valoir les revendications, construire la solidarité entre les travailleurs. Il faut bien sûr continuer à défendre le niveau de la branche, réellement normatif dans certains cas (nettoyage, télécommunications et d’autres), mais le véritable lieu de production des normes en matière de conditions d’emploi (salaires, conditions de travail, statut d’emploi), est moins déterminé par l’appartenance à une branche que par la place occupée dans la chaîne de valeur, c'est-à-dire l’ensemble des rapports d’externalisation et de soustraitance qui tisse une trame de relations plus ou moins serrée entre les entreprises. C’est le long de cette chaine que se constitue le drainage du profit (le plus souvent vers le haut), c’est là aussi que peut se reconstituer une solidarité entre travailleurs. Ce modèle semble se référer à l’industrie mais le problème est de même nature dans les activités du commerce ou des services. Le travail de plateforme n’est rien d’autre qu’une forme d’externalisation ou de sous-traitance appliquée à d’autres activités et appuyée sur d’autres moyens (les algorithmes). Il est connu aussi à l’hôpital qui a depuis longtemps externalisé toutes les activités dites « hôtelières » mais aussi dans nombre de collectivités territoriales ; une note d’un collectif de hauts fonctionnaires « Nos services publiques », parue en mars 2021, établit à 160 milliards d’euros, soit l’équivalent du quart du budget de l’État, le coût de la soustraitance et de l’externalisation qui ne cesse de croître dans l’action publique, au détriment de sa qualité, auquel il faut ajouter le recours croissant aux emplois de contractuels au sein même de chacune des fonctions publiques.

 

Revendiquer un droit à la négociation collective hors des convenances patronales est important : c’est autour d’enjeux concrets de ce type qu’on peut insérer les travailleurs des PME ou les pseudo-indépendants dans une dynamique d’action collective. Revendiquer un droit de regard syndical sur toute forme de sous-traitance dans la fonction publique est aussi une façon d’intégrer les personnels concernés, au sein et en dehors des administrations.

 

Il faut un changement systémique des institutions de la négociation collective : c’est donc moins la question de la présence dans les institutions qu’il s’agit que du besoin de transformer celles-ci en outil au service de l’unité des travailleurs alors qu’elles sont aujourd’hui un outil de gestion managériale et un instrument de découpage des collectifs de travail.

 

Travailler l’outil syndical

 

Le syndicalisme ne sera légitime à parler au nom des travailleurs que s’il parvient à reconstituer une communauté réelle ou imaginaire (c'est-à-dire vécue dans la conscience même si la relation n’est qu’à distance) autour des enjeux du travail et de la société.

 

Les « communs » syndicaux sont connus : salaires, qualifications, conditions de travail, protection sociale, services publics, etc. Mais ces communs ne font sens que s’ils s’accompagnent de pratiques inclusives qui ne laissent personne au bord du chemin sous prétexte qu’il ou elle ne travaille pas dans la bonne entreprise ou n’a pas le bon employeur, c'est-à-dire celui que la structure syndicale est capable d’atteindre. Le syndicalisme « d’entreprise » tel qu’il s’est constitué au fil du XX° siècle reste adapté à une partie du champ de syndicalisation mais dans bien des cas, il recoupe et renforce aujourd’hui la séparation entre les travailleurs.

 

Renouveler le syndicalisme, ce n’est pas seulement le doter d’objectifs adaptés aux questions de notre temps, c’est aussi en faire un outil pratique capable de saisir les formes et les statuts de travail réellement existants. Si l’objectif est de mobiliser les communautés de travail, alors il faut largement déborder les frontières dites « professionnelles » qui constituent souvent aujourd’hui autant de modes de séparation des travailleurs.

 

Cela oblige à repenser les organisations, du syndicat de base jusqu’aux structures internes des centrales syndicales, ce qui remet en cause une partie de l’architecture des fédérations professionnelles qui constituent encore, bien que fragilisées, les poutres maitresses des édifices confédéraux.

 

Il s’agit de permettre la syndicalisation de toutes et tous c'est-à-dire la réappropriation du syndicalisme par cette grande majorité de travailleurs (souvent les plus jeunes) qui travaillent en dehors de la grande entreprise du sommet de la chaîne de valeur. La dimension interprofessionnelle est un axer majeure de reconstitution de la puissance syndicale

 

L’unité syndicale, c’est quoi déjà ?

 

Le syndicalisme français est fragmenté, ce n’est pas nouveau mais le processus s’aggrave. Si elle reste la plus capable de mobiliser ses membres, la CGT a perdu sa position hégémonique, que ce soit en termes de nombre d’adhérents, d’implantations ou de résultats électoraux. Mais cette hégémonie n’est remplacée par aucune autre. C’est plutôt un processus de fragmentation qui prend le relai.

 

Le résultat des élections sociales 2017-2020 jette un regard cru sur l’état des forces syndicales. La participation globale (38,25 %) est en baisse de 4,5 points par rapport à la période 2013-2016. La CFDT consolide sa première place, non pas parce qu’elle progresse, elle perd environ 39 000 suffrages, mais parce que la CGT en perd trois fois plus (environ 150 000). FO et CFTC en perdent également (respectivement 53 000 et 7 21 000), Solidaires reste stable avec un gain de 3000 voix. Seules les confédérations les plus petites progressent, en particulier l’Unsa (+ 20 000 suffrages) et surtout la CFE-CGC (+ 39 000).

 

Le syndicalisme est donc de plus en plus divisé et, plus grave encore, les relations intersyndicales sont au plus mal. Il existe deux camps, irréconciliables selon les tenants de l’un ou de l’autre. De part et d’autre, on voit se durcir les références à « l’identité » comme si les organisations syndicales étaient des invariants historiques ! Les divergences existent, c’est un fait incontestable. Elles sont inscrites dans des visions du monde social très différentes. Ce n’est pas nouveau. Les divergences empêchent-elles toute unité ? Cela dépend des choix : « Là où il y a une volonté, il existe un chemin ». Il faut constater que cette volonté n’existe pas et même qu’il existe une volonté explicite de ne pas la rechercher.

 

FO n’a toujours pensé l’unité que comme un élément occasionnel. La CFDT n’a jamais fait de l’unité une question centrale. La CGT en revanche l’a toujours mise en avant selon une conception qui n’a pas toujours facilité les rapprochements. Dès lors qu’elle se considérait comme garante de l’unité et de la conscience de la classe ouvrière, elle ne pouvait concevoir l’unité qu’autour d’elle-même. Il lui revenait donc « naturellement » de dicter les mots d’ordre et de décider les modalités de l’unité, plaçant souvent ses partenaires dans l’obligation de souscrire à ses décisions ou de refuser l’unité.


C’est avec cela, entre autres, que voulait répondre la notion de « syndicalisme rassemblé », un abandon par la CGT de la prétention à dire le juste en toute circonstance, l’acceptation de la discussion et de la négociation des « communs syndicaux » mais cette stratégie a rapidement fait long feu. Reste un fait notable, on l’oublie trop souvent, les années 1990 ont vu Force ouvrière lever son véto à toute relation avec la CGT, règle qui avait cours depuis 1948. La notion de syndicalisme rassemblée devrait être approfondie et mise en débat car sortir de la guerre de tous contre tous est une autre condition, probablement préjudicielle d’un regain d’intérêt des travailleurs pour le syndicalisme.

 

  • Comme l’a écrit Hegel, s’il y a une leçon à tirer de l’histoire, c’est que personne ne tire les leçons de l’histoire.


Et les mêmes travers réapparaissent, produisant les mêmes résultats : les guerres de tranchées intra syndicales n’ont d’autre résultat que la destruction du syndicalisme par lui-même. Comme si l’environnement ne constituait pas déjà une menace majeure : des organisations patronales arrogantes, un gouvernement de hiérarques imprégnés d’idéaux éculés, il serait temps, plus que temps peut-être, de sortir de l’ère glaciaire.

 

Aucun miracle ne viendra rétablir des relations civilisées entre les organisations : aussi ne rêverons-nous pas mais des propositions existent, des chemins sont possibles. Pourquoi ne pas suggérer des confrontations publiques et/ou moins publiques (une convention citoyenne ?), avec l’impératif de dégager des positions communes au moins sur les sujets qui ne font pas blocage immédiat ?

 

Certes, il ne faudra pas commencer par les retraites, mais des campagnes communes sont envisageables, tous syndicats réunis, pour la défense des services publics, la rénovation du système de santé ou pour la reconquête d’une assurance chômage décente.

 

Personne ne peut croire qu’il n’existe aucun commun syndical : c’est une affaire de volonté. Louis Althusser publia quatre articles dans le journal « le Monde » en avril 1978. La série s’intitulait « Ce qui ne peut plus durer dans le Parti communiste français », texte prémonitoire même s’il n’inspira guère de changement. Peut-être faut-il affirmer avec force et en espérant davantage d’effets qu’il y a des choses qui ne peuvent plus durer dans le syndicalisme français ? Reste à trouver celles et ceux qui pourraient, avec quelque légitimité, porter une telle interpellation dans l’espace public. Le chercheur ne peut que soulever des questions, les réponses appartiennent aux acteurs. septembre 2021


 

NB :
 

  • Ce texte est le condensé d’un document plus long consultable sur le site Syndicollectif 
    Ce texte est un texte d’engagement : il est dépourvu de caractère académique et représente un point de vue engagé. C’est pourquoi il ne comporte aucune note ni référence même s’il repose sur un rapport scientifique à une matière fréquentée de longue date.
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