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13 / 07 / 2021 | 805 vues
Jean-Christophe Lansac / Abonné
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Salaires : la Ministre de la Fonction publique raconte des carabistouilles

Le 6 juillet, sur une chaîne de télévision, la Ministre de la Transformation et de la Fonction publique, Amélie de Montchalin, a annoncé que seul le salaire des fonctionnaires de catégorie C allait augmenter.


« Je propose une enveloppe plus petite et plus ciblée [que l’augmentation générale de la valeur du point d’indice] pour proposer 40 à 100 euros net de plus par mois selon l’ancienneté pour [les agents de] la catégorie C, la plus basse », a déclaré la ministre.

 

Cette augmentation concernerait 1,2 million de fonctionnaires de cette catégorie la moins bien payée des trois fonctions publiques : État, collectivités locales et hôpitaux publics. Selon la ministre, cette augmentation représenterait un budget de deux milliards d’euros (en année pleine et par an ?).

 

Or, les syndicats réclament vainement depuis des années une revalorisation du pouvoir d’achat pour les 5,5 millions d’agents de la fonction publique.
 

Mais la ministre a ainsi justifié son refus d’augmenter le point d’indice : « Le point d’indice n’augmentera pas. L’augmenter de 1 %, ça coûte deux milliards d’euros aux finances publiques […]. L’augmenter, ça voudrait dire augmenter tout le monde du même pourcentage. Avec une augmentation de 1 %, ceux qui sont en bas de l’échelle aur[aient] entre 10 et 14 euros de plus par mois, quand ce serait des centaines d’euros pour les directeurs dans les ministères ».

 

Comme la ministre a fait de longues études supérieures, on peut partir du principe qu’elle maîtrise parfaitement les quatre opérations arithmétiques de base et qu’on peut donc exclure qu’elle ait commis une erreur de calcul.

 

Examinons alors ses déclarations ci-dessus en refaisant ses calculs :

  • un point d’indice majoré vaut, mensuellement, environ 4,686 € ;
  • au début de la grille de la catégorie C, à l’indice majoré 332 (grade d’agent administratif de premier échelon), une augmentation mensuelle de 40 €, c’est donc environ 10 points de plus en net, soit +3 % ;
  • au sommet de ladite grille, à l’indice majoré 473 (grade d’agent administratif principal de première classe dixième échelon), une augmentation mensuelle de 100 €, c’est environ 14 points de plus en net, soit également +3 % ;
  • « la catégorie C, la plus basse » ? C’est oublier qu’il faut atteindre les grades de contrôleur de deuxième classe douzième échelon, contrôleur de première classe onzième échelon, contrôleur principal sixème échelon ou Inspecteur de cinquième échelon pour avoir un traitement brut très légèrement supérieur à celui du dernier échelon de la catégorie C.


En fait, une bonne partie des échelons de la catégorie B ainsi que les quatre premiers échelons de la catégorie A se situent aussi au niveau de « la catégorie la plus basse ».
 

  • une augmentation générale de la valeur du point d’indice majoré de 1 % correspondrait à une augmentation mensuelle brute de 15,55 € pour le premier échelon de la catégorie C (à comparer aux « 10 à 14 euros de plus par mois » de la ministre) ;
  • « des centaines d’euros pour les directeurs dans les ministères » ? « Des » centaines, c’est au moins deux centaines, soit l’équivalent de 200 / 4,686 = 42,7 points de plus par mois… Or, si 42,7 points correspondent à 1 % d’augmentation, le traitement de base devrait être d’au moins 4 270 points et ça n’existe pas.


Rappelons que les indices majorés « numériques » s’arrêtent en dessous de 890 points et que l’échelle « lettre », qui se situe au-dessus et concerne une poignée de très hauts fonctionnaires, s’arrête à l’équivalent de l’indice majoré 1 510.


La ministre nous raconte donc des carabistouilles en cherchant à se donner le rôle, à contre-emploi, d’un Robin des Bois qui prendrait aux très hauts fonctionnaires pour donner aux très petits.
 

C’est oublier trop facilement une bonne partie des agents de la catégorie B et quasiment tous ceux de la catégorie A qui subissent aussi une perte régulière de leur pouvoir d’achat depuis des années. Évidemment, il n’est pas question de nier la nécessité de revaloriser les salaires des agents de catégorie C pour éviter qu’ils soient régulièrement rattrapés par la revalorisation du salaire minimum, le SMIC, induite par chaque poussée de l’inflation, alors qu’ils sont tous des fonctionnaires qualifiés. Mais la seule revalorisation proposée par Amélie de Montchalin n’aura que deux effets principaux :

  • écraser encore un peu plus les grilles de rémunérations entre les agents de catégorie C et ceux des catégories B et A ;
  • laisser de côté de très nombreux fonctionnaires dont le pouvoir d’achat est rongé par l’inflation depuis de nombreuses années et qui ne gagnent pas plus ou à peine plus que leurs collègues de catégorie C.
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