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26 / 03 / 2021 | 272 vues
Christine Fourage / Abonné
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Déconstruction de l’engagement syndical désintéressé : rien de nouveau sous le soleil

 

Qu'il y ait une part de contre-don dans tout engagement, c'est vieux comme le monde, comme dirait Marcel Mauss, et qu'il n'y ait pas d'engagement sans rétribution à tout le moins symbolique, semble parfaitement évident. Mais, comme dans tout engagement, qui égale toute chose par ailleurs, produit des savoir-faire, des savoir-être, des compétences, une reconnaissance sociale, contribuer à tisser un réseau etc. Que ces compétences soient reconnues dans des champs spécifiques (professionnels, universitaires via la VAE de l'expérience syndicale ou autres), c'est le jeu.


D'ailleurs, ceux qui s'en tirent le mieux dans le jeu de la validation des acquis de l'expérience syndicale sont ceux qui sont déjà « scolairement dotés » (à préférer à « instruits »).

 

L’engagement syndical est un parcours  

Mais en faire le moteur de l'engagement syndical, en citant parfois les sources d'une manière partielle, est plus que discutable. Rares sont les salariés qui se syndiquent pour des valeurs, un principe ou une idéologie : c'est d'abord et avant tout pour être défendu et protégé.
 

En tant qu'institution représentative du personnel, le syndicat a justement cette fonction : rétablir la partie faible au contrat dans un rapport plus équilibré avec son employeur sans lequel le pouvoir de direction n'aurait que les limites que lui donne le code du travail. C'est-à-dire bien peu...
 

Extrapoler à partir de la situation d'Édouard Martin, leader syndical médiatique (et en grande partie créé par la presse) qui a vendu ses camarades pour un plat de lentilles, semble également assez discutable.
 

La réalité est autre : on n'est pas élu ou mandaté en se syndiquant et là, invoquons Simone de Beauvoir : on le devient. Le parcours militant peut ou non trouver à s'employer socialement, professionnellement, économiquement et symboliquement. Ici, il faut davantage convoquer la sociologie américaine pour le comprendre ou encore la sociologie clinique. 

 

Les dangers de la représentation

Mais tout le monde ne fait pas carrière. Bien des représentants syndicaux sont bloqués dans la leur, subissent pressions, harcèlement, discriminations, licenciements abusifs et épuisement professionnel puis jettent l'éponge.
 

Sans avoir fait d'enquête, à ce sujet (à ce propos, vous affirmez beaucoup sans montrer à voir), je ne m'aventurerai pas à dire de façon péremptoire beaucoup, la plupart, pour « les moins instruits » (votre remarque sur les moins instruits fleure bon une vision auto-centrée de classe), la logique libérale coût-bénéfice que vous empruntez semble pouvoir être grandement nuancée en examinant toutes les situations dans lesquelles être représentant syndical revient à se mettre en danger.

 

On ne devient pas conseiller prud’homme par ennui

Enfin, à titre d'exemple (mais un cas personnel ne vaut pas démonstration), j'ai longtemps été conseillère prud'homale et n'ai pas rencontré ceux que vous décrivez parmi les conseillers salariés que je côtoyais (ceux qui exercent cette fonction pour se donner une image de marque, une carte de visite, un CV, une notabilité sociale ou par ennui). Du côté des patrons peut être ?
 

D'une part, vous ne dites pas de quels conseillers prud'homaux il s'agit. D'autre part, lorsque l'on connaît l'exercice de la fonction prud’homale, les connaissances que l'on doit acquérir pour s'en acquitter de manière satisfaisante et le temps à y consacrer qui dépasse de loin le temps alloué par le code du travail, votre appréciation paraît plus que légère et semble accréditer l'idée que les conseillers prud'homaux n'auraient pas de rendre le droit pour motivation, à l’instar de tout magistrat.
 

Là encore, c'est une façon de reprendre un discours convenu sur l'amateurisme supposé des conseillers prud'homaux et de tous les mettre dans le même sac. Donc forcément réducteur ou, selon Bourdieu, « prendre des artefacts pour des faits ».

 

Et si l'on analysait aussi les déterminants sociaux ?

Enfin, il manque une dimension à cette démonstration, celle qui consiste à intégrer les effets de position (déterminants sociaux) car tout n'est d'ailleurs justement pas égal.
 

On ne peut pas parler des représentants syndicaux comme d'un groupe homogène avant de l'avoir décrit. C'est le fondement de la sociologie qui postule au contraire que les jeunes, les ouvriers et les femmes n'existent pas mais qui mentionne par exemple des jeunes ruraux entre 15 et 25 ans ayant tel capital scolaire, social ou économique... Il serait donc nécessaire de comprendre si le rendement syndical, que vous supposez univoque est le même quand on est un homme ou une femme, un cadre ou un ouvrier, appartenant à telle organisation ou telle autre ou avec tel ou tel niveau de diplôme.

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