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01 / 06 / 2020 | 383 vues
Eric Peres / Abonné
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Les cadres ne seront pas épargnés par la crise

La France va connaître une récession inédite depuis 1945. Tout laisse penser que la reprise qui s’esquisse sera anormale et lente, sans rebond immédiat. Beaucoup de secteurs auront du mal à récupérer ce qui a été perdu et l’État devra continuer d'accompagner beaucoup d’entreprises.

 

Impact sur l’économie

 

Si beaucoup pensait que seulement l’économie chinoise ne se remettrait pas rapidement de l’impact de la crise sanitaire, certaines économies développées sont déjà fortement touchées et vraisemblablement durablement. Les États-Unis et l’Europe sont aujourd’hui en première ligne et pourraient mettre longtemps à s’en remettre, selon certains économises qui font le parallèle avec la crise des années 1920. La manière, dont les États coordonneront leur réponse à la crise sanitaire actuelle et les décisions prises vont conditionner leur santé financière, économique et sociale pendant des années ainsi que le temps nécessaire pour retrouver les conditions de marché d’avant la crise sanitaire. Au niveau européen, l'accord du 9 avril 2020 entre les 27 ministres des finances sur 500 milliards d'euros disponibles immédiatement et un fonds de relance à venir est une première réponse économique face à la crise. En France, la reprise variera selon les secteurs d’activité et les tailles d’entreprise.

 

Dans certains secteurs, les entreprises ne pourront pas récupérer le chiffre d’affaires perdu durant les mois de confinement et les pertes pourraient être plus importantes que prévues. Les mesures gouvernementales mises en place en faveur des entreprises (allégement et report de charges et de prélèvements…) pourraient ne pas suffire pour préserver les emplois et limiter l’augmentation du taux de chômage ainsi que le coût social et économique, concomitamment à une diminution des recettes (fiscales, sociales…).

 

Impact sur les emplois et le marché du travail

 

Selon l’Organisation Internationale du Travail (OIT), la crise sanitaire due au covid-19 pourrait entraîner une destruction bien supérieure aux 25 millions d’emplois précédemment annoncés, tout en engendrant une perte de revenus à hauteur de 3 400 milliards de dollars. Dans son scénario extrême, l’OIT prévoit une augmentation pérenne de 5,3 millions du nombre de chômeurs mais une action forte des États sur leur économie pourrait réduire cette conséquence. Sous l’effet de la pandémie, des entreprises de toutes tailles ont déjà cessé de produire, en réduisant les horaires de travail et en licenciant du personnel et beaucoup pourraient faire faillite, notamment dans les services à la personne. Par ailleurs, les premiers salariés à perdre leur emploi sont ceux dont le travail était déjà précaire (vendeurs, serveurs, employés de nettoyage…). Aussi, les salariés, sur lesquels la société compte désormais, sont contraints de continuer de travailler au péril de leur santé (soignants, aides à domicile, livreurs…).

 

Par voie de conséquence, ces situations pourraient aggraver les inégalités et augmenter la précarité pendant et après la crise sanitaire. La France est confrontée à une situation comme jamais rencontrée, avec 8 millions de salariés mis en chômage partiel depuis le début du confinement par plus de 700 000 entreprises et associations (soit plus d’un salarié du secteur privé sur trois). Le recours intensif au chômage partiel devrait permettre aux entreprises de repartir plus rapidement et de limiter la destruction d’emplois, à l’instar de l’Allemagne qui avait stabilisé son marché du travail lors de la période de crise 2008-2009. À cette même période, il est important de rappeler que le secteur marchand français avait perdu 600 000 emplois, dont 240 000 emplois dans l’industrie (hors intérim) et 180 000 emplois intérimaires, principalement dans l’industrie.

 

Comme en 2008-2009, l’activité de l’intérim est aujourd’hui très affectée, beaucoup d’entreprises de l’industrie et de la construction ayant annulé des missions d’intérim dès le début du confinement. Certains employeurs ont même cessé des périodes d’essai de missions en cours. La forte demande dans certaines activités (industries agroalimentaire et pharmaceutique, grande distribution…) ne suffira pas à pallier la baisse d’activité globale de l’intérim. S’agissant des effectifs cadres du privé, si la crise de 2008-2009 n’avait entraîné aucune destruction d’emplois, la France pourrait connaître des destructions d’emplois cadres en 2020, ce qui n’est plus arrivé depuis 1993.

 

Impact sur les recrutements de cadres en France

 

L’entrée en récession de la France aura un impact important sur la croissance et les investissements des entreprises, et, par voie de conséquence, sur les recrutements. S’agissant des cadres du privé, la dernière grande crise avait fait chuter les recrutements de 28 % au global en 2009 (et de 35 % dans l’industrie) ; il a fallu sept ans pour retrouver un niveau de recrutements similaire à celui d’avant la crise.

 

S’il est prématuré de précisément prévoir les conséquences de la crise actuelle sur le tissu économique hexagonal et a fortiori sur les recrutements de cadres, il est certain que de nombreux secteurs d’activité seront fortement touchés, notamment dans les services à la personne (tourisme, hôtellerie, restauration…) mais aussi dans l’industrie, voire dans la construction. Au premier trimestre 2020, la volumétrie des offres d'emploi cadre publiées a baissé de 19 % par rapport à la même période il y a un an et la baisse s’élevait à 36 % sur le seul mois de mars par rapport à mars 2019. Les trois premiers secteurs recruteurs de cadres (activités informatiques, ingénierie R&D et conseil et gestion des entreprises) font partie des activités les plus fortement touchées, de même que les trois premières fonctions recruteuses de cadres (informatique, commercial, études R&D) ainsi que l’Île-de-France, qui concentre un recrutement de cadre sur deux.

 

Impact sur les cadres et les jeunes diplômés

 

L’arrêt brutal de la dynamique du marché de l’emploi cadre (observée jusqu’à l’année dernière) et une reprise progressive des recrutements de cadres en sortie de crise auront pour conséquence de fragiliser deux catégories de personnes, comme cela se passe lors de tout retournement conjoncturel. D’une part, les cadres séniors pourraient être moins courtisés par les recruteurs, notamment ceux à la recherche d’un emploi.
 

D’autre part, les jeunes diplômés de l’enseignement supérieur, qui arriveront sur le marché du travail, pourraient rencontrer des difficultés dans leur première insertion professionnelle, notamment pour ceux dans les disciplines les plus éloignées de l’emploi. Les cadres en poste, eux, seront proportionnellement moins nombreux à souhaiter changer d’entreprise, tandis que les cadres chômeurs seront plus nombreux, sous l’effet de la crise et de l’augmentation du taux de chômage cadre, à souhaiter être accompagnés pour revenir à un emploi, notamment parmi ceux les plus fragilisés.
 

La relation des cadres au travail et à l’entreprise : vers un nouveau paradigme ?

 

Sous l’effet de la crise actuelle et grâce aux nouvelles technologies, le télétravail aura offert de nouvelles possibilités aux cadres pour continuer de travailler tout en permettant aux employeurs de partiellement ou totalement poursuivre leur activité.
 

Ce mode d’organisation inédit à grande échelle pourrait faire voler en éclats les freins, les idées reçues mais aussi les discours que beaucoup de directions pouvaient avoir avant la crise et qu’elles pourraient plus difficilement tenir lors de la sortie de crise.


Pour autant, les cadres, qui revendiquent le télétravail, ne le souhaitent pour la plupart qu’un ou deux jours par semaine, afin de préserver le lien social dont tous les salariés ont besoin. La période de confinement pourrait ainsi laisser place à un besoin accru des cadres en matière de collectif et de plaisir à travailler ensemble.
 

Aussi, l’activité des cadres pourrait reprendre différemment lors de la sortie de crise, la période de confinement ayant été propice à la prise de recul mais aussi à de nouvelles manières de travailler collectivement et à de nouveaux modes de management où la relation manager-subordonnée est davantage basée sur la confiance.
 

L’équilibre entre vie professionnelle et vie privée devrait sortir renforcé de la crise sanitaire, les cadres s’étant concentrés sur ce qui était vraiment important pour eux durant la période confinement et souhaitant désormais se recentrer sur l’essentiel et une forme d’épanouissement dans leur vie et leur travail.

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