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31 / 12 / 2019 | 71 vues
Jean Paul Segade / Abonné
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En santé, qui décide ?

La réforme Juppé de 1996, jamais remise en cause, avait fait du Parlement, par le vote de la loi annuelle du PLFSS, la clef de voûte d’un schéma très colbertiste. Partant d’une volonté générale édictée par la loi, réglementée par le ministère et traduite en opérations par les ARS se matérialisant en théorie en interne par l’action d’un directeur s’appuyant sur son directoire, supervisé par le conseil de surveillance.

 

La réalité est plus complexe comme le démontrent les difficultés de fermer des activités trop réduites pour être efficaces ou par le malaise interne des hôpitaux. Cette problématique de la gouvernance prend ses racines dans quatre mouvements profonds de la gouvernance publique en France :
 

  • la politique des conseils ou « comment ne pas décider » : l ’éternelle hésitation entre le pouvoir d’un patron et la polysynodie. Entre le conseil de pôle, le directoire, le CHSCT, la CME, le CLIN et le CTE, où la décision est-elle prise ? Avec le GHT on rajoute un échelon multiplié par les instances propres ;
  • les difficultés de préciser qui fait quoi, à l’exemple des rapports entre la CNAM et le Ministère de la Santé ou en interne, entre la communauté médicale et la direction. Entre les services du Ministère de la Santé, du budget, l’INCA, la CNAM, l’IGAS, l’UNCAM, l’URCAM, l’ANAP, la CNSA qui prétendent gérer la santé. Qui décide ?
  • la propension à vouloir tout gérer dans un cadre unique avec des textes uniformes entre AP-HP et les petits CH sur la base d’un principe égalitaire posé en dogme, ne favorisant l’adaptation de la gouvernance ni aux réalités de terrain ni aux hommes ;
  • le dernier est l’oubli des cadres intermédiaires (notamment les élus) mais également, à l’hôpital, les cadres médicaux et soignants qui, en l’absence d’association à la décision, sont des acteurs bloquants d’une évolution pourtant inévitable.

 

Dans ce contexte, le risque est grand qu’à l’exemple de « l’huître et les plaideurs » de Jean de La Fontaine une autorité externe confisque le débat à son profit. En l’espèce, il ne s’agira pas du juge mais de la technostructure qui, selon l’auteur, tirera le sac et les quilles.
 

Le danger d’une confiscation technocratique de la décision est réel et touche autant le volet national que le local. La réaction du Sénat de rejeter le projet de loi sur la Sécurité sociale traduit cette évolution technocratique d’un débat qui doit rester législatif.
 

La santé n’est ni un marché ni une administration, à l’exemple de la Justice ou de la police. Sa gouvernance s’inscrit dans un modèle social qui repose sur une volonté générale de s’associer collectivement pour se protéger individuellement des risques de la vie. Elle suppose une adhésion des acteurs, qu’ils soient médecins soignants ou malades car elle est d’abord une affaire de gens qui en ont la charge, des compétences qui le composent plus que des structures qui l’organisent.

 

Les évolutions démographiques comme le progrès médical et les TIC sont en train de modifier les données de son organisation mais n’en changent pas les principes : la santé et plus généralement la protection sociale font partie du volet social du pacte républicain. L’aspiration des citoyens et des malades à être associés au processus de décision est légitime.

 

Il ne s’agit pas de rechercher un consensus absolu mais de s’assurer d’une participation effective afin de mieux faire comprendre la décision.

 

  • Le Club de réflexion sur l'avenir de la protection sociale (CRAPS), fidèle à sa mission d’une protection sociale garante d’un équilibre social dynamique, peut être le cadre d’une réflexion sur la gouvernance éclairée de notre système de santé qui reposerait sur les fondamentaux de toute action publique : l’information, la participation, la responsabilisation et le respect du principe de subsidiarité allié à un État qui fait confiance aux acteurs pour rendre des principes d’organisation définis au niveau national opérationnels...
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