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11 / 06 / 2019 | 257 vues
Olivier Sévéon / Membre
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Quelle analyse des comptes de l’entreprise pour mettre les élus du CSE en capacité d’agir ?

CSE : comprendre les comptes de l'entreprise et leurs enjeux, mon dernier livre, co-écrit avec Jérôme Szlifke du cabinet Progexa, est sorti en librairie le 6 juin dernier. À cette occasion, le lecteur potentiel peut se poser diverses questions auxquelles le présent article apporte des précisions...     
 

Pourquoi un livre sur la compréhension des comptes ?
 

Les ordonnances Macron de septembre 2017 complexifient singulièrement la tâche des représentants du personnel. Alors qu’ils sont moins nombreux qu’avant, ils exercent désormais des fonctions pluridisciplinaires. L’objet central du livre est de faciliter leurs interventions au plan économique, en leur donnant des repères qui leur permettront d’aller à l’essentiel et de gagner du temps. L’ouvrage les invite à ne pas se surinvestir inutilement dans une analyse chronophage de tous les documents qui leur sont remis. Certaines informations seront donc écartées dans un premier temps et examinées uniquement s’il leur reste du temps disponible.


Quelles informations comptables doivent en priorité être analysées ?
 

L’analyse du compte de résultat de la comptabilité générale, et sa recomposition en « soldes intermédiaires de gestion », sont prioritaires : ces documents répondent aux principales interrogations du CSE, et donnent notamment accès aux charges, qu’elles soient de personnel ou autres.


D’aucuns pourraient objecter que le bilan est prioritaire si entreprise connaît des difficultés financières. En fait, il n’en est rien : les frais financiers du compte de résultat informent parfaitement sur l’évolution de la santé financière, d’autant que le bilan est une photographie à la clôture de l’exercice et n’est pas forcément représentatif de la situation financière en moyenne annuelle.

 

Et la comptabilité analytique ?
 

La comptabilité générale doit être analysée en premier parce qu’elle constitue une excellente introduction aux tableaux (parfois complexes) de la comptabilité analytique. En outre, connaître les résultats de la comptabilité générale facilite la détection des divergences éventuelles entre les deux systèmes d’informations.


Rappelons que la comptabilité analytique est destinée aux dirigeants et sert au pilotage de l’entreprise. Elle permet rarement une lecture directe des frais de personnel. De plus, elle n’est pas soumise à un contrôle de l’administration fiscale : pour vérifier sa fiabilité, et mieux comprendre les documents présentés, le CSE doit donc impérativement demander à l’employeur les informations détaillées permettant de raccorder les résultats analytiques à ceux de la comptabilité générale.

 

Quels sont les enjeux auxquels fait allusion le titre du livre ?
 

Le champ de l’analyse comptable, économique et financière est vaste. Avant de se lancer dans l’acquisition de connaissances, il est indispensable de savoir ce que l’on recherche et à quelles fins. Le livre fait ainsi place à des explications sur la nature et le dimensionnement des prérogatives économiques des représentants du personnel. Il approfondit les circonstances dans lesquelles le CSE sera amené à s’intéresser aux comptes de l’entreprise : consultations périodiques, projets de la direction (réorganisation, licenciements économiques, opération de croissance externe...), droit d’alerte économique, contrôle de l’intéressement et de la participation, etc. Il indique par ailleurs le cadre légal et les principes de fonctionnement sur lesquels les élus s’appuieront pour exercer au mieux leurs missions.


Comment le livre prend-il en compte les préoccupations sociales du CSE ?


Un chapitre complet est consacré au thème « Analyse financière et indicateurs sociaux ». En effet, le CSE ne doit pas dissocier analyse économique et analyse sociale : le rapprochement de ces deux domaines aide à problématiser, à enrichir les angles d’analyse et à argumenter face à l’employeur.
 

L’analyse des comptes de l’entreprise devient primordiale à une époque où la répartition des richesses créées par les salariés bénéficie de plus en plus aux actionnaires, alors que la part du personnel est parallèlement réduite à la portion congrue. Le CSE aborde ces problématiques avec un regard qui lui est propre : il a pour première mission de défendre les intérêts des salariés, en particulier en termes d’emplois et de rémunérations. Dès lors, ce livre prend soin de coupler analyses financières et sociales, sachant que l’important est au final de mettre les élus du personnel en capacité d’agir.
 

L’intervention dans la gestion  des représentants du personnel est-elle légitime ?
 

Les dirigeants des entreprises considèrent trop souvent que la gestion est leur domaine réservé : selon eux, les salariés sont de simples exécutants qui n’ont pas à être associés aux décisions importantes. Pourtant, la Constitution française leur reconnaît comme droit fondamental de « participer à la gestion de l’entreprise, par l’intermédiaire de leurs représentants ». Le CSE est donc parfaitement légitime pour occuper ce terrain : cette mission est au cœur du mandat d’ordre public dont il est porteur et est rappelée dans l’article L2312-8 du Code du travail.
 

La légitimité du CSE s’appuie par ailleurs sur une connaissance du travail réel à laquelle les dirigeants ne peuvent prétendre. La commande par la SNCF de trains trop larges pour entrer dans les gares donne à réfléchir sur l’éloignement du terrain des décideurs. Cet exemple, malheureusement loin de constituer une exception, devrait inciter les dirigeants à ne pas réduire le CSE à un coût qu’il convient de comprimer. Dans ce cadre, il n’est pas inutile de rappeler les propos du ministre du Travail Jean Auroux, dans un rapport de septembre 1981 : « Les travailleurs dans l'entreprise constituent un potentiel souvent mal utilisé de compétences, d'innovations et de talents : il s'agit là d'un gisement précieux non encore mis en valeur ». Cette phrase garde toute son actualité en 2019.
 

 

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