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15 / 01 / 2019 | 43 vues
Antonio Fernandes / Membre
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Souffrance au travail : N’y a-t-il rien à faire du point de vue syndical ?

Les symptômes d’un mal-être au travail, de souffrances sont de plus en plus nombreux et perceptibles : tentatives de suicides, dépressions graves, consommation de médicaments sont à ce point inquiétants que tous les médias s’en font écho, que des ouvrages récents paraissent sur le sujet pour faire état de la situation, tenter d’expliquer les problèmes, apporter des éléments de résilience.


Si aujourd’hui la presse se focalise sur les suicides à France Telecom, d’autres secteurs professionnels sont également concernés : tentative de suicide de la directrice départementale de la Protection judiciaire de la Jeunesse de Paris par défenestration, plusieurs gardiens de prisons se sont donnés la mort sur leur lieu de travail avec leur arme de service, au moins 11 suicides à Pôle Emploi depuis 18 mois, plusieurs suicides d’enseignants sont également à déplorer… Il y a quelques années en arrière, on parlait de suicides chez Renault, EDF et déjà en 2003 à France Telecom... Tous les domaines d’activité sont touchés, les entreprises privées comme le secteur public.


Ces actes ultimes, les lettres qui les ont accompagnés, mettent en cause l’évolution des conditions de travail et parfois nominativement leurs dirigeants. Que se passe t-il pour que la souffrance soit à ce point importante que son dépassement passe par des actes irréparables ? Comment se fait-il que le travail, qui peut être opérateur de santé, devienne destructeur ? Quels sont ces conflits internes qui écartèlent les salariés, les détruisent dans leur corps, dans leur intégrité mentale, dans leur insertion sociale ? Car les suicides ne sont que la face émergée de l’iceberg !
 

Les changements dans le travail sont en cause


Cela nous renvoie aux changements profonds qui ont touché le monde du travail depuis plusieurs années : restructurations et réorganisations se sont accélérées, mues par des stratégies financières ou politiques visant à optimiser la rentabilité en rationalisant la production, à partir de certains présupposés simplistes sur ce qui fait la productivité. Managés de manière verticale, ces changements sont souvent élaborés de manière unilatérale par les conseils d’administration et les directions, voire les ministères. Les suicides feraient-ils partie des dégâts collatéraux de ces changements imposés, ce que De Terssac (2009) appelle les "accidents d’organisation" ?


Axés sur une amélioration de la productivité, vers la qualité totale au service des clients, sur la recherche d’un maximum de flexibilité pour répondre aux exigences du marché, ces changements participent à une intensification globale du travail. Celle-ci peut prendre des formes complexes et combinées : l’imbrication de plus en plus fréquente et forte de contraintes industrielles et marchandes, la surdétermination par des critères quantitatifs y compris dans les secteurs publics de relation au public jusque là épargnés (Pôle Emploi, La Poste, les banques…), l’étalement des périodes travaillées avec des horaires atypiques plus fréquents, le soir ou de nuit. Le temps de travail est de plus en plus confisqué : les contraintes temporelles se durcissent, l’activité est morcelée et la planification de l’activité devient incertaine. Une combinaison de contraintes positionnant souvent les salariés face à des injonctions contradictoires intenables telles que assurer une relation de service de qualité et traiter un nombre de clients très important, tenir à fois des cadences élevées et des normes qualité exigeantes…
 

Le coût de tenir coûte que coûte


Les salariés sont pris dans l’urgence de tenir coûte que coûte les objectifs inatteignables qui leur sont fixés, avec de moins en moins de moyens pour y répondre. Des contraintes qui réduisent les marges de manœuvre et suppriment les moments où on peut réfléchir sur son expérience passée, s’informer des changements à venir, les anticiper et s’organiser en conséquence. Des organisations qui ne permettent plus aux salariés de penser le travail.

Des situations qui se soldent par l’éclatement des collectifs de travail, d’autant que le compteur du nombre de pièces produites, de personnes reçues ou même d’appels perdus est parfois à la vue de tous, mettant en concurrence les salariés, les équipes ou différents sites d’une entreprise. Les nouvelles formes d’organisation tendent à monter les salariés les uns contre les autres dans la course aux chiffres plutôt que d’encourager les solidarités qui pourraient être un support de régulations des systèmes.
 

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