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28 / 11 / 2018 | 11 vues
Michel Debout / Membre
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Vous mettrez du « jaune » au ciel...

Beaucoup de commentateurs s’interrogent sur les débouchés politiques du mouvement « gilets jaunes », comme s’il s’agissait là d’un mouvement social comme un autre, c’est-à-dire porteur d’une revendication centrale dans le cadre d’une politique sectorielle (SNCF, par exemple). Penser cela revient à passer à côté de cette colère qui monte et qui questionne non seulement les dirigeants, les corps intermédiaires et les partis politiques mais la société elle-même : et l’humain dans tout ça ?

Les citoyens qui manifestent en jaune au nom du peuple ne sont pas plus insensibles à l’avenir de la planète et de son climat que beaucoup de responsables qui peignent leurs discours en vert, en appelant chacun (c’est-à-dire tous les autres sauf eux) à la retenue dans leurs dépenses énergétiques.

Il est clair que la hausse des taxes sur les carburants a été le déclencheur du ras-le-bol exprimé par ce mouvement, mais dire qu’il pose d’abord le problème du pouvoir d’achat ne prend pas en compte la revendication majeure, celle de disposer d’un salaire qui permette de mener une vie décente et tenant compte des différents impôts et taxes que tout citoyen doit payer à l’État. Le salaire est la première reconnaissance de la valeur du travail accompli et de l’investissement du salarié.

Les revenus du travail (ou les retraites qui en sont les revenus différés) ne permettent plus à un très grand nombre de citoyens de vivre dignement ; c’est la dénonciation radicale que porte ce mouvement.

Cette situation atteint le travailleur non seulement dans sa vie quotidienne (les fins de mois difficiles) mais par la représentation qu’il se fait de sa place dans l’entreprise ou l’administration qui l’emploie et, au-delà, de sa place dans la société elle-même. Chaque travailleur a besoin de reconnaissance pour être bien à son travail, ce qui n’est pas possible s’il se sent mal payé en retour.

Depuis le début du siècle, on assiste à une croissance vertigineuse des salaires et autres revenus des dirigeants des grandes sociétés internationales, du CAC40 et les inégalités salariales n’ont jamais été aussi injustes. À celles-là s’ajoute l’inégalité face à l’impôt : jamais depuis les années 1980 la fiscalité voulue par Emmanuel Macron et sa majorité n’a été aussi favorable aux plus riches.

Cette politique doublement inégalitaire creuse le fossé entre le peuple, ses dirigeants et ceux qui détiennent le pouvoir financier et économique, comme s’ils vivaient dans deux mondes différents voire opposés.

La démocratie est justement faite pour que chaque citoyen se sente à sa place et égal à tous les autres en droit et en libertés. Quant à la République, elle ajoute ses valeurs d’égalité et de fraternité à la démocratie. Mais la Ve République telle qu’elle fonctionne depuis l’instauration du quinquennat et l’inversion du calendrier électoral, n’a jamais concentré autant de pouvoirs entre les mains d’un seul homme, le Président de la République. Il est désormais à la fois le véritable chef du parti majoritaire, du groupe parlementaire, du gouvernement et de l’État. Aucune autre démocratie ne connaît une telle situation qu’ Emmanuel Macron veut encore aggraver par la réforme institutionnelle qu’il prépare, qui affaiblira le rôle du Parlement et la place des corps intermédiaires par la remise en cause des moyens et du fonctionnement du CESE.

Même le Président des États-Unis ne dispose pas de tels pouvoirs ; il n’est élu que pour quatre ans et le « midterm » constitue un véritable « stop ou encore » de sa politique, au bout seulement de deux années de mandat.

Le mouvement des « gilets jaunes » n’a rien de surprenant puisque le peuple a peu à peu perdu son véritable pouvoir, pour l’abandonner aux mains d’un seul homme qui reconnaît lui-même qu’il n’a pas su rapprocher « les classes laborieuses et les classes moyennes de leurs dirigeants ». 

Il  n’y a rien de surprenant à cela puisque c’est la conséquence directe de la politique menée par le Président de la République dite du «premier de cordée », ceux qui sont inclus dans la start-up nationale et qui laissent tous les autres sur le bord du chemin (au sens premier du terme par l’exclusion des territoires).

La revalorisation du SMIC et des salaires, la justice fiscale et environnementale par la création d’un impôt de solidarité écologique (remplaçant l’ISF) et la réforme constitutionnelle renouvelant la démocratie française *, éviteront que les démagogues et les nationalistes  ne l’emportent lors des prochaines échéances électorales.

Titre se référant à François Mitterrand s’adressant à Pierre Mauroy : « Vous mettrez du bleu au ciel ».
* Voir l’ouvrage Le renouveau démocratique : mettre la santé au cœur du projet politique, éditions de l’Atelier/ Fondation Jean Jaurès.

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