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03 / 04 / 2017 | 1 vue
Hervé Jégouzo / Membre
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La CFDT est devant mais le chantier des relations sociales aussi

Les organisations syndicales attendaient le vendredi 31 mars depuis 2008, pour l'annonce du gagnant de la course à la représentativité dans le secteur privé. La CFDT est la grande gagnante puisqu'elle met fin à une suprématie historique de la CGT et aussi à un système qui n'ancrait pas suffisamment cette représentativité dans les entreprises.

Il faut se souvenir qu'avec cette réforme du quinquennat, Nicolas Sarkozy a mis fin à un système de représentativité qui datait de 1945, un monde du travail qui n'avait rien à voir avec celui d'aujourd'hui, ni avec celui de demain.

Or, au-delà des expressions de satisfaction (et de déception) qui sont totalement légitimes, force est de constater que nous ne sommes qu'au tout début de la rénovation du dialogue entre salariés et directions dans les entreprise, quelques mois après les lois Rebsamen et El Khomri et avant, sans doute, quelques innovations complémentaires mais pas essentielles après la prochaine élection présidentielle.

Le chantier est immense

Les organisations syndicales seront désormais jugées pas seulement en fonction de la nouvelle représentativité nationale mais essentiellement par le travail qu'elles vont faire (ou pas) au plus près de la vie au travail de tous les salariés.

Comme les autres, les « idéologies syndicales » sont mortes et ce qui va naître sera un système WISIWIG (« what I see is what I get »). En l'occurence, cette formule appliquée au syndicalisme pourrait se traduire par : « je veux avoir ce que vous me promettez, ce que vous négociez ».

Les organisations syndicales et les directions vont avoir à faire vivre concrètement les accords d'entreprise de la loi El Khomri et la nouvelle hiérarchie des normes qu'elle instaure (principes généraux, accords de branche et accords d'entreprise).

Un défi pour les organisations syndicales

Les directions des entreprises sont en droit d'avoir face à elles des interlocuteurs formés (à défaut au début d'être rompus) à la négociation et au dialogue, en un mot d'avoir des partenaires crédibles capables de s'engager intelligemment et efficacement (en amenant avec eux les salariés) sur des sujets affectant les performances de l'entreprise, c'est-à-dire à peu près tous les sujets (réorganisation, conditions de travail, emploi, égalité hommes-femmes etc.).

À ce jour (c'est un sujet un peu tabou), trop peu de fédérations syndicales (tous syndicats confondus) encadrent, forment et accompagnent leurs mandatés et les élus sous leurs couleurs. Ces derniers vivent souvent leur « propre vie » pour le meilleur ou pour le pire et la plupart du temps dans un entre-deux qui ne peut satisfaire ni les entreprises et leurs directions, ni les salariés.

Un défi pour les directions

Les directions ne sont pas non plus quittes, même si elles peuvent trop souvent déplorer la faiblesse des partenaires. En effet, dans une partie importante des entreprises privées, le dialogue social se réduit soit à un dialogue dans l'entre-soi avec les élus, soit à des affrontements larvés dans un bord-à-bord de régate où l'on essaie de « déventer » l'autre, soit le plus souvent à rien car on ne sait pas faire...

On ne reparlera pas ici du trop fréquent abandon du sujet aux DRH (« vois ça avec tes syndicats ») car la question du dialogue social doit être un sujet central des directions générales et des actionnaires : un accord d'entreprise qui affecte les performances (en les développant et en les préservant) relève bien des décisions stratégiques de l'entreprise.

Cette journée du 31 mars est donc importante mais « l'arbre de la victoire CFDT » ne doit pas « cacher la forêt » ou plutôt le maquis à débroussailler qu'est aujourd'hui le dialogue social au sein des entreprises de notre pays.

Hervé Jégouzo, consultant en relations sociales et ancien syndicaliste (CFDT).
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