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02 / 03 / 2017 | 10 vues
Didier Forno / Membre
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Le droit à la déconnexion est-elle une loi virtuelle ?

Les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) ont bouleversé notre quotidien. Dans l’entreprise, les NTIC ont profondément modifié les conditions de travail. Pour la première, la loi sur le travail du 8 août 2016 instaure un droit à la déconnexion. La nécessité de légiférer s’explique par l'effet négatif que peuvent avoir les NTIC utilisées dans l’entreprise sur la santé du salarié.

Avant l’aborder les points négatifs des NTIC et le droit à la déconnexion, analysons les points positifs des NTIC sur les conditions de vie au travail, qui sont au nombre de six :

  • réduction des risques professionnels et des accidents de travail ;
  • recentrage de l’entreprise sur les activités à forte valeur ajoutée (suppression des tâches répétitives) ;
  • professionnalisation (montée en compétence des salariés, partage des bonnes pratiques) ;
  • conciliation vie privée / vie professionnelle (télétravail et planification du travail) ;
  • renforcement du travail collectif (travail en mode projet) ;
  • et développement de l’intelligence collective (réseaux sociaux).

Mais l’utilisation excessive de ces nouvelles technologies peut avoir des conséquences néfastes sur la santé des salariés.

Augmentation des rythmes de travail
L’augmentation de la productivité générée par les NTIC entraîne un surcroît d’activités. La multiplication des flux d’information en temps réel, provoque une réponse immédiate. Le salarié travaille dans l’urgence ; il n’y a plus de hiérarchisation des tâches. Toute information a la même valeur.

Surcharge informelle

Les NTIC génèrent de la surinformation qui fait perdre beaucoup de temps au salarié.

Renforcement des contrôles
Les NTIC, dont l’objectif est d’améliorer la productivité, mettent le salarié sous contrôle. Chaque action est analysée et pistée. Ce renforcement du contrôle provoque du stress.

Effacement de la frontière entre vie professionnelle et vie privée
Avec les nouveaux outils de communication, les salariés travaillent de plus en plus en « débordement », c’est-à-dire hors des heures de travail (soirée et week-end). Certains se sentent « obligés » ou sont « obligés » d’être joignables à toute heure. La difficulté de « couper » peut mener au surmenage.

Sentiment d’isolement
Les NTIC peuvent contribuer à isoler les salariés en réduisant les contacts directs avec les collègues, les clients et les fournisseurs (communication par courriels). Le nomadisme et le télétravail peuvent accentuer ce phénomène.

Ces informations sont tirées de l’étude réalisée par Capgemini consulting : conséquences des nouvelles technologies de l’information et de la communication sur la qualité de vie et la santé au travail.
Deux facteurs expliquent en grande partie les effets néfastes des NTIC : une maîtrise insuffisante des compétences liées aux NTIC, ne permettant pas au salarié de mettre « à distance » la technologie et une organisation du travail, autour des NTIC, réduisant la marge de manœuvre laissée au salarié, dans l’exécution de son travail.

L’objectif du droit à la déconnexion est de permettre aux salariés de mieux concilier vie professionnelle et vie privée.

Depuis le 1er janvier 2017, la négociation annuelle sur l’égalité professionnelle entre hommes et femmes et la qualité de vie au travail doit porter sur « les modalités du plein exercice par le salarié de son droit à la déconnexion et la mise ne place par l’entreprise de dispositifs de régulation de l’utilisation des outils numériques, en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que la vie personnelle et familiale ».

À défaut d’accord collectif signé avec les organisations syndicales représentatives, l’employeur établit une charte après avis du comité d’entreprise.

L’accord collectif ou la charte doit aborder les modalités du droit à la déconnexion, la mise en place d’outils de régulation et d’utilisation des outils numériques et la mise en place d’actions de formation et de sensibilisation du personnel d’encadrement, à un usage raisonnable desdits outils.

Si l’employeur ne prend pas l’initiative de la négociation, il s’expose à une amende. S'il n’établit pas la charte, la loi n’a pas prévu de sanction. Mais attention : si un salarié était victime (par exemple d’un épuisement professionnel), la responsabilité de l’employeur pourrait être engagée. En effet, l’employeur a une obligation de résultat en matière santé et de sécurité au travail.

Pour les salariés au forfait-jours, si l’accord collectif ne contient pas de disposition relative aux modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son droit à la déconnexion, l’employeur peut unilatéralement définir ces modalités et les communiquer au salarié par tous les moyens.

Cette prise de conscience du législateur et des organisations syndicales fera-t-elle évoluer les pratiques dans les entreprises ? Rien n’est moins sûr. Dans un monde du travail soumis à la mondialisation, où la productivité règne souvent en maîtresse, les changements de comportement seront difficiles à faire accepter par les managers et par une partie des exécutants.

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