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01 / 09 / 2015
Didier Cozin / Membre
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Bientôt quatre ministres du travail pour une piètre réforme de la formation (II)

La formation professionnelle continue (FPC), comme on l'a vu dans un précédent billet, est au plus mal depuis janvier 2015.

Improvisant la réforme sur un terrain précaire, fragile et bien mal développé (un homme ouvrier non qualifié se forme en moyenne 1 minute par jour) les pouvoirs publics se sont servis de la formation pour organiser depuis 2013 leur propre communication sociale, oubliant les travailleurs et leurs employeurs laissés seuls face à des textes inaboutis ou déconnectés de la réalité. 

Au ministère du Travail, c'est désormais sauve qui peut...

Au milieu du mois d'août, le ministre du Travail, en pleine déroute sociale (réforme ratée de la formation et chômage impossible à endiguer), a annoncé son départ.

Pire encore, une dépêche AEF nous apprend que la seule personne un peu stable au ministère du Travail depuis 2013, la déléguée à la formation professionnelle démissionne et quitte elle aussi son poste dans quelques jours (en rejoignant une entreprise du secteur privé).

La réforme est donc au point mort, abandonnée de tous, sans pilote, sans responsable, résultat logique d'insignes calculs politiciens.

En cette période de rentrée, alors que l'année de formation 2016 est en préparation dans les entreprises, la situation pourrait encore être rétablie (il serait irresponsable de prétendre que les choses pourraient s'arranger toutes seules).

  1. Cesser de contorsionner le statistiques en avançant des chiffres ridicules de quelques centaines (ou milliers) de personnes formées avec le CPF dans un pays de 20 millions de salariés (dont 5 millions sont au chômage).
    Non, il faut clairement l'avouer : la formation est arrêtée en France, elle est durablement bloquée et rien ne sert de laisser croire qu'elle pourra naturellement reprendre son cours normal après le coup de Trafalgar qui lui a été porté en 2014.
  2. Prendre (enfin) conscience que le signal donné aux entreprises était délétère (déresponsabilisation de l'employeur sur le développement des compétences, baisse de 60 % des cotisations obligatoires et pas de sanction pour les entreprises de moins de 50 salariés ne formant pas).
  3. Intégrer que les organismes publics de formation ne peuvent se substituer aux milliers d'organismes de formation privés qui, loin des contraintes et des pesanteurs de l'administration, peuvent travailler et former au plus près des besoins du travail et des salariés.
  4. Cesser de croire que des commissions administratives ont la capacité de dicter les thèmes et les modalités de formation aux 3 millions d'entreprises privées en France. Cette idée de formations certifiantes éligibles au CPF est un non-sens éducatif au XXIème siècle.
  5. Remettre à sa (très modeste) place le compte personnel de formation : un simple compteur d'heures qui ne servira réllement que lors d'un changement d'employeur ou de la perte d'emploi.
  6. Intégrer que le conseil en évolution professionnelle n'a aucun sens pour un salarié en poste, concentrer les moyens sur l'orientation des chômeurs et laisser les employeurs dialoguer avec leurs salariés via l'entretien professionnel.

Puisque les pouvoirs publics n'en sont pas à un revirement près, nous leur suggérons (toute honte bue) de prendre avant la fin septembre 3 mesures susceptibles de « sauver les meubles » de la formation.

A- Cesser de compter les heures de formations des salariés (en oubliant au passage les 10 milions d'indépendants ou non salariés). La formation, ce n'est pas les congés payés ou les RTT : celui qui en a besoin ne doit pas avoir à justifier d'une quelconque réserve d'heures. La formation dans certains cas est indispensable, elle peut être longue et coûteuse (ou courte et bon marché) mais elle n'obéit en rien à cette logique de comptabilisation d'heures digne des années 1970.

B- Rétablir un droit à la formation (DIF) bis des salariés en responsabilisant autant l'employeur que son salarié via une cotisation d'un montant fixe permettant de se former 24 heures chaque année (perdue si non utilisée et non capitalisable, ce qui évitera cette stupide rétention d'heures dont on ne faisait rien comme avec le DIF première version).

C -Impliquer fortement l'Éducation nationale et son personnel dans la formation des chômeurs avec un service de formation dans les établissements publics pendant les congés scolaires.

En guise de conclusion, alors que dans quelques mois nous entrerons en période pré-électorale, on peut espérer que la leçon actuelle portera et que la formation et l'éducation sortiront définitivement des enjeux et calculs politiciens ou syndicaux.

La compétitivité de notre pays et l'avenir social et professionnel de ses 30 millions d'actifs méritent mieux que des calculs politiciens ou une communication ministérielle sans aucun résultat avéré sur le terrain social ou professionnel.

La formation a désormais besoin de se débarrasser des scories qui l'ont mise à terre depuis 2013 ; elle a besoin de vérité et de clarté basées sur des principes partagés par tous :

  • oui, la formation et l'éducation sont indispensables à tous ;
  • oui, l'Éducation nationale doit être remise au travail et cesser d'être une garderie sociale ;
  • oui, les entreprises privées et les organismes de formation sont les moteurs de l'activité et de notre futur développement économique et social.

Si le nouveau (et infortuné) ministre du Travail, qui sera nommé dans quelques jours, ne rétablit pas les apprentissages professionnels dans les prochaines semaines, notre pays offrira à ses travailleurs un cadre dégradé où seuls sans doute les plus qualifiés surnageront.

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