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08 / 06 / 2015 | 6 vues
Philippe Deslande / Membre
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« Burn-out » : peut-être aussi dangeureux qu'utile de faire payer l'employeur

L'expérience menée 1998 par Gneezy et Rustichini est restée célèbre : faire payer une amende aux parents en retard pour reprendre leur enfant à l'école. Résultat attendu ? Diminution du nombre de retards. Résultat obtenu ? Doublement du nombre de retards. Pourquoi ?  L'amende tranforme une question morale en question seulement financière et ceux qui en ont les moyens ne se retiennent plus.

En étendant cette observation aux entreprises et pas seulement aux personnes, ne risque-t-on pas de voir le même phénomène en « financiarisant » en partie l'épuisement professionnel (« burn-out ») ? Après tout, sur la base de ce qui s'observe depuis un certain temps, il n'est pas non plus déraisonnable d'envisager que l'obligation (morale) de payer des cabinets de replacement (souvent malheureusement sans résultats au final) libère en partie l'employeur, qui en a les moyens financiers, d'une certaine retenue dans le nombre et la nature des licenciements. Le même mécanisme peut menacer. Même sans cela, pour en rester à une grande entreprise bien connue pour avoir vécu (et vivre encore ?) une épidémie d'épuisement professionels, qui croit qu'elle aurait procédé autrement si elle avait dû payer ?

Bien sûr, il ne faut pas négliger le fait que pénaliser l'employeur ouvre la possibilité de commanditer une expertise (aux frais de celui-ci, une autre façon de lui faire payer une « amende »).Mais que peut-on en attendre ? Souvent mettre un nom sur un bourreau, ce qui est nécessaire pour la victime, exonera en partie le système en l'accusant surtout de ne pas avoir détecté le coupable.

Considèrons un sujet en rapport indirect avec l'épuisement prfessionnel : les négociation en cours sur les technologies de l'information et de la communication (TIC), dans lesquelles certains réclament de façon préventive une fermeture autoritaire des courriels et autres serveurs informatiques de l'entreprise à heures fixes.

Ne vaudrait-il pas mieux tenter de penser que la demande d'autonomie formulée il y a 50 ans a été exausée par l'employeur en la portant au bout de ses conséquences ?

Que, d'une certaine façon, le salarié soit maintenant le seul à devoir et même pouvoir rendre compte de sa charge de travail ? Autonomie à la fois souhaitable (et source de reconnaissance) qui se paye aussi dans certaines situations d'un risque extrème. Dans cette hypothèse d'une autonomie rendue dangereuse, il n'est pas très efficace de tarifer les drames en espérant ainsi en éviter.

Cette autonomie tant réclamée par le salarié a déjà produit par la lecture qu'en font les grandes entreprises, entre autres, le management par objectif et ses conséquences de plus en plus négatives.

Une analyse de l'évolution du travail ces 50 dernières années nous semble inévitable pour résoudre la tension croissante entre les deux compréhensions (salarié/employeur) de la pourtant indispensable autonomie. Sans cette analyse, les effets négatifs s'étendront et dialogue social et consultation des salariés restent encore les meilleurs moyens d'arriver à restreindre « les effets de bord » de l'autonomie en approfondissant la demande des salariés.

Il y a urgence de débattre de cela car la génération Y est maintenant en entreprise, elle n'attendra pas une trop longue délibération collective : c'est-à-dire qu'il en va un peu de l'avenir du syndicalisme. Financiariser est malheureusement parfois nécessaire mais ce n'est qu'une tactique pour que l'on avance plus qu'une stratégie pour gagner. En rester là serait aussi dangeureux qu'utile.

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