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19 / 03 / 2015 | 2 vues
Sémaphores (Groupe Alpha) / Membre
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Le grand chambardement des nouvelles obligations comptables des CE : entre interrogations et inquiétudes

Avec la loi du 5 mars 2014, les comités d’entreprise sont désormais soumis à des règles inédites, obligatoires depuis le 1er janvier 2015. Pour beaucoup, cela peut s’avérer compliqué à mettre en œuvre. Pour les comités d’entreprise dits « grands CE » car répondant à au moins deux des trois critères suivants 50 salariés en ETP, 1,55 million d'euros de bilan et 3,1 millions d'euros de ressources, la loi fixe une obligation de faire certifier leurs comptes par un commissaire aux comptes et l’obligation d’appliquer une comptabilité de droit commun. Comment se préparer ? Quelles décisions prendre au plus vite ? Quels enjeux anticiper ?

Les recommandations de Guillaume Sauvage, expert-comptable et commissaire aux comptes, Sémaphores.

Fin 2014, Sémaphores a organisé deux journées d’information sur les nouvelles obligations comptables. Quel bilan en tirez-vous ?

Guillaume Sauvage
: Pour certains grands CE présents, ces journées ont permis de prendre conscience du chemin à parcourir pour leur organisation afin d’être pleinement en conformité avec la loi. Nos deux journées ne s’adressaient qu’aux grands CE, pour lesquels les obligations sont les plus fortes. En règle générale, naturellement, certains dispositifs, déjà en vigueur, sont connus. Il leur a nénamoins semblé important d’être présents lors de nos journées d’information & d’échanges pour prendre la pleine mesure des nouvelles dispositions et pour vérifier que, concernant les dispositifs qu’ils appliquaient déjà, tout était bien conforme. Le document qui a récemment été rendu public, à l’issue de ces deux journées et de nos débats, en atteste. Il illustre combien les échanges ont été féconds car beaucoup des questions des élus portaient sur l’interprétation de la loi : est-ce que le trésorier est membre titulaire ou non ? Quelles vont être les sanctions en cas de non-approbation des comptes ? Quel sera le seuil minima au-dessus duquel la commission des marchés doit se prononcer etc. ? Certes, nul n’est censé ignorer la loi mais être accompagné pour en percevoir toute la dimension est plus qu’utile. Surtout lorsque l’on est en attente des décrets.

Lors de ces débats avec les élus, notre objectif était donc de bien cerner toutes leurs problématiques et de leur apporter les réponses. Nous étions en terrain bien connu, ayant anticipé ces évolutions depuis plusieurs mois.

Alors, justement, quelles sont les principales préoccupations des grands CE ?

Guillaume Sauvage : Le plus grand changement, c’est indéniablement l’arrivée du commissaire aux comptes, dans les conditions décrites par Cyril Merlin lors de l’interview réalisée en septembre 2014 : « C’est une « petite révolution », car beaucoup de comités d’entreprise ne présentent pas d’états financiers normalisés, ni de contrôle interne formalisé. C’est pourtant le préalable à toute intervention d’un commissaire aux comptes car nous avons besoin d’un référentiel et d’un environnement identifiés comptable et financier, permettant de garantir la conformité, la sincérité, la fiabilité et la traçabilité des opérations. Sans cela, le commissaire aux comptes ne pourra pas certifier les comptes dudit comité d’entreprise ». Or, ce qui peut paraître compliqué à assimiler, c’est que le commissaire aux comptes intervient en dernière ligne : il ne participe en rien aux opérations mentionnées. C’est au comité d’entreprise d’effectuer, avant sa venue, toutes les opérations attestant de la transparence de son organisation, de sa gestion, de ses comptes. Le commissaire ne s’acquittera nullement de ces tâches.

Comme les fonctions et missions de l’expert-comptable et du commissariat sont bien séparées, nous avons voulu anticiper les nouvelles obligations comptables et la venue du commissaire aux comptes en proposant aux grands CE des audits à blanc. Ces simulations des contrôles à venir constituent une sécurisation forte pour les élus, placés en situation, étape par étape, et à même de rectifier toute erreur, avant donc le « vrai » contrôle.

Quelles sont les étapes à suivre et les priorités d’action ?

Guillaume Sauvage : Tout d’abord, il convient de s’assurer que la comptabilité fournit une information sincère, régulière et en conformité avec le règlement de l’Autorité des normes comptables. Cette « image fidèle » des comptes n’est possible que par la mise en place d’une pluralité de processus et contrôles sous-jacents. Il ne faut pas attendre l’arrivée du commissaire aux comptes pour détecter les failles dans l’organisation administrative et comptable de son comité d’entreprise.

Lorsque certaines activités sont déléguées à un comité central d’entreprise, une convention avec chaque comité d’établissement doit être établie et comporter des clauses-types. La rédaction de cette convention est urgente pour les comités d’entreprise pressentis « grand CE » car le calcul du montant des ressources, permettant de qualifier la taille du CE, n’intègre pas les subventions reversées au CCE. Ne pas les qualifier à temps dans des conventions ad hoc peut revenir à vous faire passer dans la catégorie supérieure. Ensuite, il importe de mettre à jour le règlement intérieur. On donnera priorité aux dispositifs pointés par la loi du 5 mars 2014, notamment ceux concernant les élus en charge d’arrêter les comptes. Enfin, il faudra veiller à préparer l’arrivée du commissaire aux comptes, selon plusieurs étapes : formaliser les procédures, évaluer le niveau de contrôle interne, s’assurer de la conformité du plan comptable et du respect des règles légales et d’URSSAF etc.

D’où l’intérêt d’un exercice à blanc qui va porter sur l’analyse des principaux postes de dépenses et recettes du comité d’entreprise. Il s’agira d’analyser les procédures en place, leurs forces et faiblesses et les recommandations qui en découlent. Cette analyse devra intégrer la création du nouvel organe décisionnel des grands CE, la commission des marchés. Il est certain que, lors des journées Sémaphores, on a senti un découragement ou un agacement face à toutes les étapes et procédures à mettre en place ou à renforcer. D’autant plus, quand il s’agit de le faire à moyens constants !


Les nouvelles obligations des comités d’entreprise selon la loi du 5 mars 2014 : revue de détail juridique


Des règles communes à tous les CE, quelle que soit leur taille, ce, depuis le 1er janvier 2015 :

  • soumission aux obligations comptables, telles que définies à l’article L.123-12 du Code du commerce (article L.2325-45), dont l’obligation de tenir une comptabilité, même simplifiée, ainsi qu’un rapport de gestion, même simplifié, présentant des informations qualitatives sur leurs activités et sur leur gestion financière ;
  • nomination d’un trésorier obligatoire ;
  • obligation de conserver, pendant dix ans, l’ensemble des pièces justificatives, à compter de la date de clôture de l’exercice auquel elles se rapportent.
Les comptes et rapports de gestion simplifiés seront arrêtés selon des modalités prévues par le règlement intérieur, par certains élus du comité d’entreprise désignés par lui. Ces documents simplifiés seront approuvés par les membres élus du CE, réunis en séance plénière, réunion portant sur un seul sujet et faisant l’objet d’un procès-verbal spécifique.

Des dispositions spécifiques selon la taille de votre CE
  • Pour les moyens CE, c’est-à-dire ceux disposant de ressources annuelles excédant le seuil des petits CE (153 000 €) mais n’atteignant pas celles des grands CE (cf ci-dessous), nécessité, entre autres et outre les obligations énumérées ci-dessus, de confier la mission de présentation de leurs comptes annuels à un expert-comptable.
  • Pour les grands CE, c’est-à-dire ceux remplissant deux des trois critères suivants : effectifs du CE supérieurs à 50, ressources supérieures à 3,1 millions d'euros, bilan supérieur à 1,55 million d'euros, nécessité, entre autres et outre les obligations énumérées ci-dessus, de :
    • présenter une comptabilité de droit commun ;
    • nommer un commissaire aux comptes et un suppléant, distincts de ceux de l’entreprise (mission financée sur le budget de fonctionnement du CE) ;
    • présenter un rapport rédigé par le commissaire aux comptes sur les conventions passées entre le CE et l’un de ses membres ;
    • créer une commission des marchés parmi les membres titulaires, chargée de choisir les fournisseurs et les prestataires du CE ;
    • établir des comptes consolidés.
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