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22 / 01 / 2015 | 4 vues
Chantal Guiolet / Membre
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Dialogue social : le choc des maux, le poids des propositions du MEDEF

Je me souviens d’un leitmotiv de notre dernier Ministre du redressement productif qui n’hésitait pas à mouiller sa chemise pour le « Made in France » et qui disait à qui veut l’entendre que la France est combattante, innovante… Dans la même veine, ce Ministre était pour la VIème République : à lui seul je réponds, oui Monsieur Arnaud Montebourg, nous allons vers une VIème République mais avec le passage de l’innovation et la modernisation du dialogue social, il va falloir diviser par deux pour obtenir un modernisme inespéré : la IIIème République refondée.

Mais pour ce faire, revoyons ensemble le socle des propositions


Sur la partie préliminaire, tout est dit : «… l’accord ne modifie que les dispositions légales et réglementaires » si je prends mon code du travail, je constate que les propositions mettent à mal le préambule de notre constitution de 1946 (article 8), l’intégralité du code du travail et notamment les chapitres portant sur le comité d’entreprise et ses déclinaisons (comité central, comité de groupe et comité d’entreprise européen), les IRP, le CHSCT, soit le socle de base depuis 1945 année de création du comité d’entreprise issu des propositions du programme du CNR (Conseil National de la Résistance).

Rappelons tout de même que depuis plus de 70 ans, les salariés sont intervenus pour défendre leurs acquis et notamment préserver leur CE, personnalité morale reconnue devant la justice. Malgré ce beau bilan, aujourd’hui plus que jamais dans un contexte de mondialisation où chaque entreprise peut être rachetée au niveau européen ou international, alors que les délais d’instructions ne cessent d’augmenter (cf. référé « heure à heure » de 8 jours à un mois) par manque flagrant de moyens humains, le patronat veut tuer le CE (sa personnalité morale) et de ce fait supprimer d’un coup de crayon les années de bilan positif qu’affichent la gestion des CE tant sur l’aspect de leurs prérogatives économiques (signatures d’accords d’entreprise, restructuration, PSE, PDV, etc) que de leurs réalisations sociales et culturelles (seuls liens qui permettent de diminuer les « clivages » de classes sociales). Le CE qui est une grande conquête sociale -si ce n’est la seule -  directement utile aux salariés hier comme aujourd’hui, demain disparaîtra d’un clic par la touche ERASME/DELETE  ou SUPPRIM.

Mais me direz-vous, OUI les TPE doivent avoir les mêmes moyens que les « grandes »


Je suis pour un conseil d’entreprise régional qui se chargera de représenter à part égal les salariés et les employeurs dans une instance régionale pouvant être déclinée par département et ce afin de faciliter le rapprochement avec le bassin d’emploi (GPEC Territoriale) où seront abordés : la prévention des risques, santé sécurité au travail, les emplois prioritaires (métiers en tension), conseil et assistance des salariés (via les Conseillers des salariés ou organisations syndicales), conseil aux entreprises (plateforme RH) avec la présence des membres de l’Unité Territoriale, CARSAT, CPAM, CRAMIF, URSSAF. Ce conseil d’entreprise régional pourra intégrer les décisions prises par les CPRIA et les axes d’orientations sur la formation professionnelle continue au niveau des branches ou de la Région.

Pour les entreprises de 11-49 salariés : je suis aussi favorable à la création d’un conseil d’entreprise qui regroupera les prérogatives de la DUP et du CHSCT. Néanmoins, les accords d’entreprises devront être soumis pour validation à la commission paritaire de validation de branche pour les entreprises de moins de 200 salariés. Les élus désignés pourront participer à la négociation d’un accord d’entreprise (cf. dispositions actuelles dans le code du travail).  Les prérogatives du CHSCT doit et devra rester de plein droit dans ledit conseil d’entreprise. La formation des élus (économique et sociale) sera du ressort du conseil d’entreprise.

La mise en place de commission paritaire régionale interprofessionnelle mais seulement à partir du 1er juillet 2016 : mais la Terre ne s’arrêtant pas de tourner, y a-t-il un dispositif intermédiaire proposé : eh non, il faudra attendre ou légiférer, sur la base, de quoi ?

Mais me voilà, partie pour être un professionnel du Conseil mais n’intervenant surtout pas dans les entreprises. C’est en sorte une prestation délocalisée, à distance et donc loin des salariés qui émet des recommandations sur la bonne foi des doléances, requêtes ou données de l’entreprise. C’est une nouvelle forme de rapprochement du dialogue social : à distance mais pas trop prêt !

Quid du nombre d’heures de délégation ? Peut-on enfin espérer la reconnaissance des mandats externes (conseillers du salarié, administrateurs URSSAF, CARSAT, CPAM,…) et le petit dernier : la commission paritaire régionale interprofessionnelle. Car n’étant pas favorable aux cumuls de mandats, les futurs candidats devront en quelque sorte disposer de mandats suffisants pour pouvoir « honorer » leur nouveau mandat, à défaut de prendre une journée de congé ou « détourner leurs heures de délégué syndical » pour y faire face. Deux solutions s’offrent à nous : soit disposer d’un accord d’entreprise ou de branche sur l’exercice du droit syndical « refondé » (il en existe très peu dans les PME-PMI et rares sont les grandes entreprises de +300 disposant d’un tel accord), soit prévoir de nouvelles dispositions dans le Code du Travail. Ce dernier point me semble plus qu’essentiel pour mesurer l’efficacité et l’efficience même du niveau du dialogue social par le secteur ou la branche.

Mais plus que tout, le « MUST » c’est le conseil d’entreprise adapté pour les entreprises de 50 salariés et plus. Alors là je ne peux que reprendre l’article écrit par Me Gaillard : c’est l’hallali !


Disparition du CHSCT et surtout suppression de l’obligation de résultat en termes de santé, sécurité du salarié. Sur ce point nous touchons au Code Civil et voire le Code de Procédure Civile, Code du Travail, Code de la Sécurité Sociale et Code Pénal. Alors que nous avons signé pour Maastricht, la hiérarchie des normes s’imposant à nous, nous voilà grâce au MEDEF entrain de balayer d’un coup de vent les directives européennes (donc les lois) et nous trouver même en total désaccord avec la Charte Sociale Européenne ( CSE) ainsi que la Charte Sociale des Droits de l’Homme (CSDH). Pourtant, le gouvernement ne cesse d’œuvrer pour l’Europe et les entreprises ne cessent de vouloir récupérer des fonds européens (FSE).

    Quid de la convention 87 de l’OIT de 1948 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical reprenant les valeurs ou principes proclamés dans la Constitution de l’OIT (1919), la Déclaration de Philadelphie (1944), la Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail de l’OIT (1998) et  la Déclaration universelle des droits de l’Homme (Art 23 – Alinea 4 - 1948) ? Le patronat et les organisations syndicales qui se disent responsables sont- ils prêts à tout simplifier sans en mesurer les conséquences au préalable sur les salariés mais surtout pour les entreprises ?

    N’y a-t-il pas dans les propositions du MEDEF, une remise en cause de la loi du 20 août 2008 portant sur la représentativité syndicale (calcul de la représentativité, notion de seuils, nouvelles conditions d’éligibilité de DS (obtenir 10% des voix en son nom propre aux dernières élections professionnelles) ?

    Dans le même prolongement, n’y a-t-il pas  remise en cause de la loi du 25 juin 2008 portant sur la modernisation du marché du travail (nouveau dispositif sur le licenciement et renforcement de l’information du CE ou à défaut les DP pour le CDD et l’intérim) ?

    La fin du principe de séparation du budget du CE entre œuvre sociale et fonctionnement. Alors que des règles strictes sur l’utilisation du budget fonctionnent est écrit dans le marbre, nous voilà au gré du bon vouloir ou par accord basculer le budget au gré de nos besoins. Quid de la réglementation fiscale ? En cas de grosse dépense liée à une éventuelle expertise, la dotation pour les œuvres sociales pourra être amputée : me voilà devenu marchand de tapis !

Le problème de cette proposition voit totalement son absurdité notamment lors de fusion, acquisition ou absorption. Les consultations du CE et comité central d’entreprise (+300 salariés) est plus que nécessaire et même dans certains grands groupes l’information et la consultation du comité d’entreprise européen - qui a totalement disparu dans les propositions du MEDEF- est indispensable. La phase d’information et de consultation telle que prévue dans le Code du Travail et en parallèle le rôle que joue le CHSCT est plus que nécessaire pour préparer le nouvel environnement de travail avec l’aide de l’expert dûment mandaté. Quid des 33 propositions du rapport de Pierre-Yves Verkindt d’avril dernier commandé par Michel Sapin alors Ministre du Travail à l’époque ? Faut-il le mettre à la poubelle ? Je dis que le CHSCT doit conserver de plein droit ses prérogatives et surtout sa personnalité morale pour ester en justice le cas échéant.

Comment le salarié pourrait-il se défendre en cas de faute inexcusable de l’employeur en l’absence de CHSCT ? C’est le pot de terre contre le pot de fer !!! Alors qu’on ne cesse de parler ces jours derniers de « burn-out » et de la reconnaissance éventuelle en maladie professionnelle, sommes-nous prêts à laisser perdurer cet état de fait et contribuer à creuser le trou de la Sécurité Sociale ? Les tensions au travail sont telles, les enjeux aussi, le CHSCT est le seul recours pour défendre les intérêts des salariés (conformément aux législations européenne et française).

A la proposition du patronat, je réponds : aucun changement. Le CE, DP, CHSCT perdurent dans les entreprises de +300 salariés. Les accords d’entreprises peuvent être signés par les DS conformément aux dispositions de la loi du 20 août 2008. Je n’ose faire le lien avec la dernière loi de juillet 2014 qui tend sur l’égalité réelle entre les hommes et les femmes dans  le but de supprimer toutes formes de discrimination. A cela je réponds : nous faisons plus de trois pas en arrière puisque nous ne pourrons plus avoir d’éléments de comparaisons (commissions obligatoires CE, NAO, mesures prises pour les femmes en retour de congé maternité via le CHSCT, etc).

Enfin, je dis OUI à la reconnaissance d’un parcours syndical (VAE ou VAP) pour le porteur de mandats d’au moins trois ans, à condition que l’entreprise dispose d’un accord d’entreprise ou de branche permettant sa reconversion. En ne laissant rien passer des propositions, je dis OUI à la représentation des salariés dans la gouvernance des grands groupes par le biais des administrateurs salariés. Ma préférence est pour une nomination par voie élective et non désignative par le CE en conservant les mêmes restrictions d’incompatibilité avec un mandat désignatif ou électif de représentant du personnel.

A cela, je lance un avis à notre Ministre du Travail Monsieur François Rebsamen : si vous souhaitez alléger le Code du Travail, alors prenez vos responsabilités. Ne transposez pas votre responsabilité aux organisations syndicales et patronales dans le seul but de vouloir « marquer » l’histoire de votre nom. Car, je peux vous assurer, rien de bien en sortira et de ce fait remettra la France sur les bons rails de la compétitivité.

Qui serait prêt à poser ses « Roros » sur la table et penser que sa signature pourrait faire pencher la balance et par cet élan de générosité, modifier le Code du Travail par simple clic « rechercher » comité d’entreprise » par « remplacer » conseil d’entreprise sans une remise à plat total du Code du Travail. Alors, le réveil risquera d’être difficile pour l’éventuel signataire et pour les acteurs de la commission de transposition qui s’acharnera tant bien que vaille à essayer de modifier au moins un tiers des pans dudit Code du Travail version 2015. Et surtout, n’oublions pas que pour les contentieux en cours, il faudra au moins deux Codes du Travail : la version 2015 et la version à venir rééditée 2016 si tenté qu’elle vaille la peine d’un investissement en temps, pour réécriture. La question se pose : le gouvernement a-t-il le budget nécessaire pour le faire ?

Avis à notre Garde de Sceaux, ma très estimée Christiane Taubira, femme tête et de cœur, je vous dirais simplement ceci : prévoyez un budget conséquent destiné au recrutement dans la magistrature, car le charge de travail pour les contentieux à venir ne fera qu’augmenter. Proposez des passerelles aux porteurs de mandats disposant du socle nécessaire en Droit pour candidater, car le temps est venu pour les ex élus de trouver rapidement une porte de sortie quand bien même après leur période de protection, ils se verront débarquer de leur entreprise manu militari. C’est pourquoi une reconversion dans le secteur privé sera difficile voire quasi exceptionnelle du fait du passif de représentant du personnel (source d’innombrables discriminations) si ce n’est en se construisant une « virginité » sur la toile ! Mais pour ce faire, va falloir faire appel au grisbi.

A trop vouloir simplifier sans vouloir appliquer une méthode ou du moins de la Méthodologie comme dirait mon estimé professeur émérite de droit social RBH (Université Paris I), je vous lance le défi Monsieur le Ministre de demander de l’aide à tous vous éminents non moins brillants, universitaires spécialistes en droit social, qui nous ont si bien formé et qui désespèrent chaque jour de vous voir piller le Code du Travail à défaut d’une réelle simplification.

C’était les maux du cœur qui prennent au corps.

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