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07 / 01 / 2015 | 22 vues
Didier Cozin / Membre
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Le CPF est-il l'avenir de la formation professionnelle ?

Ce qui est extraordinaire avec cette trouvaille sociale qu'est le Compte Personnel de Formation (un Compte utilisé à peu près nul part en Europe ou avec des résultats  médiocres) c'est que tout le monde aujourd'hui semble surpris et découvrir après 2 années que:

 - Le CPF n'est pas financé (moins de 40 euros par an et par titulaire pour se former sur des formations prétendument qualifiantes et longues)

- Le CPF sera bien plus compliqué à activer que le défunt DIF (défunt dans le secteur privé puisqu'il continue son existence pour 5,5 millions de fonctionnaires)

 - Le CPF ne permettra guère  aux chômeurs de se former, ni d'acquérir des heures de formation, ni même d'accéder à des formations sur des métiers en tension (on a privilégié des formations longues à bac + 3 minimum alors qu'il y a déjà pléthore de diplômés de ce type sur le marché du travail).

 - Le CPF se réalise en majorité hors temps de travail, une modalité qui n'est pas dans les moeurs sociales et professionnelles françaises

- Le CPF est  un sous-CIF (même taux de cotisation, mêmes formations qualifiantes). Un CIF pour tous certes mais qui n'aurait pas les moyens (pas d'argent, pas de temps, pas de conseil sauf cet illusoire CEP).

 Tout cela ne devrait pas être une découverte puisque les mécanismes du CPF, sa faible cotisation (que ne paie pas les PME pour des raisons inconnues), sa complexité, tout cela était connu et prévu dans tous les Accords sociaux de janvier à décembre 2013, accords qui ont donc précédé le vote de la Loi et de la réforme.

Le ministère du Travail a peut-être sauvé quelques meubles

Pour une fois, adressons quelques louanges au Ministère du Travail qui a repris le texte inabouti et maladroit des partenaires sociaux en l'agrémentant de quelques mesures susceptibles de faire évoluer une formation en France

 La pénalisation de l'employeur en cas de non formation va bouleverser les services formation

la pénalisation (importante, se chiffrant à plusieurs millions d'euros pour les entreprises au delà de 1 000 salariés) des employeurs qui n'auraient pas, sur 6 années, organisé les entretiens professionnels ou formé (ou encore promu) 100 % de leurs effectifs, cette pénalisation qui se substitue à l'obligation de payer une cotisation, est une trouvaille inédite.

Dans le système français où les entreprises ne mettent en oeuvre que si des sanctions financières automatiques sont prévues, ne pas menacer de sanctions si les salariés ne se forment pas tous (ou s'en remettre aux seuls prud'hommes) aurait été une erreur.

Il faut savoir que dans les grandes entreprises (plus de 500 salariés) ce sont les directions financières qui ont la main sur tous les budgets. L'objectif d'une direction financière est donc de faire baisser les coûts et diminuer les (invisibles) budgets formation.

Depuis les années 2000 en France, dans les grandes entreprises, on a donc souvent

- réduit les moyens humains des services formation et RH (le ratio de 2 personnes administrant la formation pour 5 000 salariés n'est pas exceptionnel)

 - recruté des administratifs qui sont d'abord là pour mettre en oeuvre un budget minimaliste sans le pouvoir d'obtenir des moyens pour former tous les salariés qui devraient l'être (le directeur de la formation d'une des plus grandes entreprises de services en France nous avouait récemment qu'il ne pouvait même pas former chacun des ses dizaines de milliers de salariés une journée par an !)

-  travaillé exclusivement sur le quantitatif ("le grain à moudre" ou le net à payer) en négligeant la qualité du travail, les parcours professionnels, les évolutions et adaptations des travailleurs

 Bref et comme l'a révéle une étude conjointe de la Dares et de l'Insee en 2010, les entreprises françaises(toute taille confondue) ne sont que 10 % environ à avoir une réelle et sincère politique de développement des compétences pour leurs personnels.

Dans ce contexte bien peu stimulant d'une formation éternelle cinquième roue du carrosse, il était indispensable de sortir des faux semblant en mettant l'accent sur l'urgence vitale pour les individus, les organisations et le pays de former tous les salariés, y compris (et surtout) ceux qui dans la société de la connaissance et de l'information risquent de perdre leur place tout comme tout avenir social. 

bien évidemment une sanction financière de 3 000 euros (ou 3 900 euros) par salarié non formé est très lourde en ces temps de crise et de disette budgétaire.

Cette sanction de 3 500 euros en moyenne doit être dissuasive, comme l'arme nucléaire française, elle ne devrait pas être utilisée  mais elle doit démontrer que:

- ne pas qualifier et former ses salariés estcoûteux  pour la collectivité et que ce coût doit aussi être supporté par l'employeur qui ne peut se décharger de ses responsabilités éducative

- que la formation ne peut pas rester le parent pauvre des entreprises en France, une prestation luxueuse réservée à une élite ou un service déclassé pour les chômeurs ou jeunes sans travail

- qu'il n'est plus possible de se satifaire, lors des négociations sociales, de déclarations généreuses sur la formation et de reprendre sa parole (comme avec le défunt DIF) dès que l'encre des accords a séché.

Si donc un jour, en 2017 ou 2018 le Compte Personnel de Formation et la réforme de la formation devaient être réajustés (et le CPF devrait être mieux doté financièrement, plus simple à mettre en oeuvre), notre pays, les pouvoirs publics  et le monde du travail perdraient toute crédibilité s'ils décidaient de supprimer la pénalisation des employeurs en cas de non formation.

La sanction financière en cas de non formation devrait être étendue à toutes les entreprises, quelque soit leur taille

Si la loi doit être reprise ce devrait être en fixant une généralisation de la sanction financière en cas de non formation, il est aberrant que les PME ne soient pas sanctionnées si elles ne forment pas ou n'organisent pas les entretiens professionnels.

On ne peut prétendre développer la formation dans les petites structures et donner ce signal négatif aux petites structures. Les 35 heures sont appliquées par toutes les entreprises (et dans les PME les dégats organisionnationnels furent importants) on ne voit pas pourquoi une loi censée développer la formation laisseraient sur le bas côté les TPE/PME au prétexte qu'elles emploient moins de salariés.

La réforme du 5 mars 2014 peut sur ce point constituer une réelle avancée de notre pays, elle doit responsabiliser le corps social en lui faisant comprendre que de la formation et de la qualité du travail dépendront désormais les rémunérations, les promotions et même le maintien du lien salarial.

C'est une révolution qui tourne le dos à la société industrielle telle qu'elle s'est bâtie depuis 150 ans.

Pour gagner plus il va falloir apprendre plus (et mieux).

 

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