Participatif
ACCÈS PUBLIC
10 / 10 / 2014
Didier Cozin / Membre
Articles : 167
Inscrit(e) le 23 / 07 / 2012

Le DIF des chômeurs ne sera pas porté sur le compte personnel de formation

Le CPF des chômeurs a été oublié pas le ministère du Travail.

Ceux qui ont cru en 2013 se débarrasser des droits à la formation des salariés en France dans un « réceptacle » appelé CPF et qui recueillerait et capitaliserait toutes les heures de formation des travailleurs de France (« une grande idée si simple »), ceux-là n’auront sans doute pas fini de déchanter au cours des prochaines années.

Le décret est enfin arrivé le 4 octobre

Le 4 octobre 2014, plus de 8 mois après le vote de la loi réformant la formation, le ministère du Travail a enfin publié le fameux décret qui devrait conter par le menu comment cette grande et simple idée qu’est le compte personnel de formation allait se décliner, dès janvier, pour 20 millions de salariés (et même 40 millions de titulaires tant les ambitions de la Caisse des Dépôts semblent démesurées en la matière).

Ce décret de loi qui comporte 4 pages de textes plus ou moins techniques (et parfois confus)  a le mérite (limité) de mettre quelques points sur les  i.

  • C’est l’entreprise (ou son OPCA) qui, en plus de la cotisation de 0,2 % de la masse salariale, paiera pour les heures de CPF prises par les salariés sur une base minimale de 13 euros par heure (on est enfin sorti des 9,15 euros par heure, 60 Francs des années 90 !).
  • La pénalité payée par l’employeur en cas d’absence de formation ou de tous les entretiens professionnels s’élèvera à 30 euros par heure, soit 3 000 à 3 900 euros par salarié non formé.
  • Les « détails » comme les calculs (très complexes) des heures de CPF en cas de temps partiel ou d’année de travail incomplète sont clarifiés.       

Même si certains points sont donc enfin clarifiiés (on a pu avoir l’impression d’une loi totalement improvisée où l'on était resté sur des principes consensuels et flous), nous sommes encore très loin du compte et la centaine de paramètres à vérifier pour un calcul fiable du CPF n’ont toujours pas été clarifiés.

Examinons justement l’un de ces détails, celui en fin de décret qui concerne le transfert des droits individuels à la formation des chômeurs.

Les chômeurs sont oubliés, ils perdent leur DIF portable !

Rappelons quel était le mécanisme du DIF portable, inventé en 2009 par les partenaires sociaux, sous forme de texte de loi en novembre 2009 et applicable depuis le 1er janvier 2010.

Chaque salarié perdant son emploi (sauf en cas de faute lourde) bénéficiait des ses heures de DIF portées soit chez Pôle Emploi (pour une durée illimitée), soit chez le nouvel employeur (si le salarié avait la chance de retrouver un emploi). Les heures étaient portées sur le certificat de travail et utilisables donc sans limite de temps chez Pôle Emploi (avec le financement obligatoire de l’OPCA de l’ex-employeur) et chez le nouvel employeur pendant 2 années après l’embauche (avec le financement cette fois de l’OPCA du nouvel employeur).

En quatre années (de 2010 à fin 2014), le DIF portable aura permis à peut-être un million de salariés changeant de travail ou le perdant de porter une centaine d’heures de DIF en moyenne.

Cela représente donc 100 millions d’heures de DIF portées (c’est une approximation puisque personne ne s’est donné la peine de les comptabiliser).

Le court article du décret mentionnant le transfert du solde des heures de DIF n’entre pas dans les détails et liquide le problème de la transférabilité vers le CPF en quelques lignes (« art. R. 6323-7. : Afin de permettre l’utilisation du droit individuel à la formation, les employeurs doivent informer par écrit, avant le 31 janvier 2015, chaque salarié du nombre total d’heures acquises et non utilisées au titre du droit individuel à la formation au 31 décembre 2014 »).

Étant donné que les chômeurs n’ont plus d’employeur, ils perdent donc toutes leurs heures de DIF (ainsi que les salariés dans un nouveau poste depuis 2010).

Selon le décret, les employeurs doivent informer les salariés de leurs heures de DIF acquises au 31 décembre 2014. Il s’agit donc bien des seules heures que gèrent les employeurs en direct, en aucun cas des heures de DIF portées chez Pôle Emploi ou chez un second (ou un troisième) employeur depuis 2010.

Remarquons au passage (mais c’est un « détail ») que dans ce décret, le mécanisme (mystérieux) qui permettra le transfert du milliard d’heures de DIF vers la Caisse des Dépôts en janvier 2015 n’est pas toujours pas expliqué.

Environ 3,6 millions d’entreprises en France (plus quelques centaines de milliers d'associations) utilisent des systèmes totalement divers et variés pour gérer la paie mais aussi les droits sociaux de leurs salariés (parfois ce peut être un simple cahier où l’on notait manuellement les heures de DIF du salarié). 

Ces 3 à 4 millions d’organisations vont devoir transférer vers la Caisse des Dépôts (ou vers leur OPCA, si jamais les entreprises en ont un) environ 1 milliard d’heures de DIF par un mécanisme totalement mystérieux et encore à inventer.

Si le transfert ne se fait pas (ou si on persiste dans cette plaisanterie d'un salarié transférant lui-même et en ligne, sans aucun contrôle ni garantie que tous pourront le faire, ses heures sur son CPF) le milliard d’heures de DIF partira sans doute dans la stratosphère et ne retombera plus jamais sur terre.

Pour tous ceux qui avaient décidé de mettre à la poubelle le droit à la formation des salariés, la bataille aura été gagnée.

Pour les chômeurs en tout cas, la messe est dite : le DIF est perdu et leur compteur CPF affichera durablement 0 heure de formation.

Pas encore de commentaires