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15 / 09 / 2014 | 9 vues
Louis De Fouchier / Membre
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Inscrit(e) le 17 / 04 / 2014

La vraie prévention des risques psychosociaux : le dialogue entre les acteurs ?

Le paradoxe est connu ; il a été maintes fois commenté : les Français sont parmi les salariés d’Europe les plus heureux dans leur travail mais aussi de ceux qui s’en désengagent le plus. À cela une raison simple : le travail, pour eux, n’est pas seulement alimentaire ou contractuel. Il est aussi un terrain essentiel de leur réalisation et de leur accomplissement. Ils y jouent rien de moins qu’une part de leur personne et de leur identité.

Ce rapport au travail est un véritable atout pour l’entreprise car il signifie que les salariés aspirent à être pleinement reconnus comme partie prenante de ses résultats et de ses performances. Que tel soit le cas, et l’entreprise en tirera des gains de compétitivité en même temps qu’elle résoudra, indissociablement, ses problématiques de santé au travail.

Aussi, cette reconnaissance, si elle veut être sincère, implique de structurer l’entreprise autour d’une possibilité véritable d’expression dans son travail et de dialogue entre tous ses acteurs (direction, management, salariés et leurs représentants).

Conjuguer santé et compétitivité

Le paradoxe selon lequel coexistent bonheur au travail et désengagement tient au fait que les salariés souhaitent pouvoir exprimer leur vision propre d’un travail « bien fait » et le traduire dans leur réalité. En clair, ils veulent pouvoir apporter leur contribution active au développement et au devenir de leur entreprise.

Mais qu’ils soient placés devant l'impossibilité de le faire et ils se trouveront dans une situation génératrice de désengagement et de risques de souffrance au travail. Tel sera l’effet produit, notamment, de leur relégation au rang d'exécutants, enserrés dans l’étau des contrôles et des prescriptions décidées sans eux.

Aussi, la vraie prévention des risques psychosociaux passe par la qualité du dialogue entre tous les acteurs de l'entreprise. En effet, elle permet, à la fois :

  • à une direction de faire des choix, stratégiques ou organisationnels, qui n’attentent pas aux potentiels et capacités des salariés mais au contraire prennent appui sur eux ;
  • à des salariés de faire face à leur tâche, forts d’une latitude et de ressources collectives propices à leur accomplissement et qui évitent tout isolement ;
  • à l’ensemble des acteurs, décideur ou salarié, de voir ses enjeux et difficultés considérés comme l’affaire de tous.

Il est donc temps de considérer les problèmes de santé au travail comme des symptômes, ceux d’un mal à situer dans la difficulté de l’entreprise à fonder sa compétitivité sur un dialogue entre tous ses acteurs, du dirigeant à l’ouvrier.

Les conditions de ce dialogue et d’expression dans son travail seront réunies si l'organisation est structurée autour de 6 valeurs interdépendantes : la confiance dans les relations ; l’autonomie ; mais aussi la reconnaissance d’une responsabilité personnelle ; l’inscription de chacun dans un collectif de travail ; un management doté de vrais leviers, pour décider et expliquer ; enfin, une direction qui exprime clairement et simplement sa vision.

Dans ce cas, alors, les conditions organisationnelles et managériales d’un cadre de travail propice à la préservation de la santé seront réunies. En outre, l’entreprise en tirera des gains de compétitivité, car elle libèrera et favorisera la rencontre de toutes ses intelligences, stratégique de sa direction et opérationnelle de son management et de ses salariés. En effet, dans ce modèle d’organisation, la décision stratégique n’en est que plus juste, efficace et légitime ; le travail est plus créatif et de qualité ; la cohésion est renforcée entre services et entre base et sommet.

Le tiers n’a pas à se substituer aux acteurs

En conséquence, une démarche consacrée à la qualité de vie au travail (ou qui prétend apporter une réponse de fond aux risques psychosociaux) ne devrait en aucune manière se donner pour dessein l’émission de préconisations venues de l’extérieur, émises par de prétendus « experts » du sujet, souvent chèrement mandatés pour cela.

Elle doit avoir pour objet d’accompagner les acteurs de l’entreprise dans la voie du renforcement de leur dialogue et donc d’accompagner les évolutions de l'entreprise vers un modèle d’organisation favorable à celui-ci. Or, cette vision de l’intervention, qui se confond avec une vision du dialogue en entreprise, demeure encore peu répandue, parmi les directions, représentants des salariés et tiers intervenants.

Pour ceux qui souhaiteraient innover dans cette voie, il conviendra de prendre acte qu’une intervention requiert, en préalable, une vision commune entre ceux qui vont en décider le principe et leurs partenaires (direction et représentants des salariés essentiellement). Cette vision commune de l’intervention tient en 4 idées :

  • l’intervention procède d’une volonté vraie de dialogue entre les acteurs et a pour visée de renforcer la dynamique de ce dialogue ;
  • elle repose sur une vision du tiers comme un opérateur de dialogue social et professionnel, qui accompagne cette volonté de dialogue ; non comme un expert qui serait là pour enseigner ses vérités sur le stress et la qualité de vie au travail ;
  • elle est perçue comme nécessaire quand l’entreprise se porte bien, avant la survenue d’une crise car, bien souvent, celle-ci transforme un dialogue coopératif en une situation d’affrontement conflictuel ;
  • elle permet de passer d’une perception de l’obligation légale comme une contrainte à celle d’une opportunité d’innover et d'améliorer la compétitivité de l'entreprise par la possibilité donnée aux salariés de prendre leur travail à cœur.

Qu’il y ait accord sur ces 4 idées et l’intervention pourra réellement aider ses parties prenantes à développer des possibilités nouvelles de dialogue sur le travail, et à les ancrer de manière structurelle dans le réel du travail.

Au contraire, qu’il n’y ait pas accord et l’intervention aura, au mieux, une vertu palliative. En fait, elle permettra, sous couvert d’afficher la prise en compte par l’entreprise des enjeux de santé au travail et par le biais d’un prestataire, de ne rien remettre en cause des conditions qui la dégradent.

Aussi, la vraie réponse aux risques psychosociaux est bien entre les mains des acteurs de l’entreprise. Elle dépend avant tout de leur volonté de dialoguer de manière constructive sur les ressorts humainement vertueux de sa compétitivité : ce n’est qu’à eux qu’il incombe de trouver les voies d’amélioration à introduire dans le réel du travail. Consultants et médiateurs les accompagnent dans ce cheminement qui n’a rien d’évident, et ce, dès l’apparition d’un besoin ou d’une difficulté sur laquelle des mots semblent, de prime abord, difficiles à poser. Mais il ne leur appartient en aucune manière de se substituer à eux.

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Merci pour cet article très éclairant ! Finalement, des travaux de Hans Selye, la plupart a retenu sa définition du stress, alors que ses travaux les plus intéressants portaient à mon sens sur l'analogie qu'il a décrite entre l'"altruisme intercellulaire" et l'harmonie sociale. Une fois de plus, tout est question d'équilibre, et pas seulement sur la balance des RPS, dans les relations entre les différents acteurs clés des entreprises également.