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20 / 08 / 2013 | 1 vue
Roman Bernier / Membre
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Chez Ryanair, les pilotes aussi ont leurs lanceurs d’alertes

La semaine dernière, la politique de carburant du transporteur Ryanair était mise en cause par une émission de télévision britannique. John Goss, pilote de la compagnie depuis 26 ans, y témoignait à visage découvert. Pour avoir lancé l’alerte sur des pratiques dangereuses, ce dernier a été licencié et encourt désormais des poursuites judiciaires.

Le paradoxe de la transparence : les pilotes de Ryanair peuvent-ils vraiment s’exprimer ?

Depuis sa création en 2012, le Ryanair Pilot Group (RPG), syndicat anonyme des pilotes de la compagnie aérienne la moins chère du monde, souffre d’une tare : celle de la représentativité. Malgré ses preuves irréfutables et ses déclarations très médiatisées, le groupe n’a jamais pu imposer au transporteur Ryanair des discussions d’égal à égal. Pour la direction, le principal motif de rejet des négociations résidait dans l’opacité de la structure du RPG. Ce dernier, représentatif de la moitié des pilotes de la compagnie, a toujours refusé de révéler le nom de ses adhérents.

Cette précaution a longtemps été tourné en dérision par la direction. Toutefois, elle semble aujourd’hui justifiée. En effet, John Goss, seul pilote de la compagnie ayant révélé son appartenance au RPG, a été licencié après avoir témoigné à la télévision pour avoir admis avoir reçu des pressions de la part de Ryanair.

Il serait pourtant doublement réducteur de crier à la calomnie ou à un licenciement légitime.

·         D’abord parce qu’en refusant net la discussion syndicale, Ryanair a rendu de fait impossible la remontée en interne des craintes de son personnel, instaurant dans le même temps un climat de défiance durable.

·    Ensuite parce que l’intimidation des employés et la destruction de boîtes noires lors d’incidents aériens ont étouffé d’éventuelles polémiques sur la sécurité, poussant les pilotes dans leurs derniers retranchements.

Dans ces conditions, quelle solution restait-il à John Goss ? Fallait-il s’exprimer au péril de sa carrière ou se taire et laisser courir ? Le commandant de bord a sondé son âme et a fait le premier choix. Comme Edward Snowden dans le cadre de l’affaire PRISM, il en paye désormais le prix fort. Car ce pilote n’appartient ni à la race des traîtres, ni à celle des démissionnaires.

John Goss, un lanceur d’alertes ?

Il est difficile de croire que le commandant John Goss ignorait les conséquences de son témoignage à visage découvert. Cependant, à quelques mois de la fin de son contrat, le pilote n’avait rien à perdre en dénonçant la pression subie par ses collègues. Ce choix courageux a été motivé par l’envie d’aboutir, enfin, à une politique transparente de sécurité et de dialogue entre les pilotes et la direction.

Une initiative très mal accueillie par la compagnie qui n’a pas hésité, en plus du licenciement de John Goss, à attaquer le fournisseur de contenu à l’origine de l’émission et deux quotidiens britanniques, tout en obtenant la fermeture temporaire des comptes Twitter et Facebook du Ryanair Pilot Group.

Ce matraquage juridique n’est qu’une manifestation supplémentaire de la volonté de censurer la liberté d’expression sur le web. C’est que la sécurité est son talon d’Achille et représente un danger important pour sa réputation : Ryanair souffrirait certainement plus que les autres d’un incident. Consciente du danger, la low-cost a toujours mis un point d’honneur à avoir une maintenance de qualité et de bonnes pratiques opérationnelles, politique de carburant mise à part… Pourtant, elle continue de fermer les yeux sur les risques sécuritaires qu’entraîne le management catastrophique de ses pilotes. Pire, elle dissimule parfois les preuves dans le but de préserver sa réputation, ce qui est répréhensible.

Un danger qui est pourtant bien réel, comme le montre l’analyse de David Learmount, l’un des plus grands experts britanniques sur la sécurité aérienne. En souhaitant attirer l’attention des médias sur ces dangers, John Goss s’est mué en un courageux lanceur d’alerte et en a payé le prix fort. Il mériterait peut-être une protection à la hauteur de son sacrifice.

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