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20 / 10 / 2012 | 2 vues
Denis Maillard / Membre
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Reconnaître le burn-out comme maladie professionnelle

« Entre le constat d’une dépression et le constat d’un épuisement professionnel, il y a un monde. Le burn-out n’est pas lié à un tempérament prédisposé, c’est le résultat d’une certaine organisation du travail ». Tel est le constat de Jean-Frédéric Poisson, député UMP des Yvelines, en ouvrant la matinée de réflexion consacrée au burn-out et organisée par Technologia le 26 septembre 2012. Pour le parlementaire, ancien rapporteur de la mission d’information sur les risques psychosociaux à l’Assemblée nationale, « la seule manière, au fond, d’avoir une influence sur les entreprises viendra de l’impact qu’aura la déclaration en tant que maladie professionnelle sur les cotisations versées ». Il faut reconnaître le burn-out comme maladie professionnelle. Voilà la conclusion à laquelle arrive la plupart des participants ce jour-là.

Un 99ème tableau des maladies professionnelles

« Le coût du burn-out est supporté par la Sécurité sociale et non par la branche accidents du travail-maladie professionnelle », souligne Jean-Claude Delgènes directeur général de Technologia. Il plaide donc pour l’inscription du syndrome d’épuisement professionnel dans les tableaux des maladies professionnelles, avec la présomption d’imputabilité qui l’accompagne. Ce serait ainsi le 99ème tableau.

Pour le Dr Agnès Martineau-Arbes, médecin du travail et consultante pour Technologia, les signes cliniques de la maladie, qu’il faut bien distinguer de la dépression, sont connus : « Il s’agit d’une spirale ascendante dont les premiers signes apparaissent au bout de 6 mois de stress professionnel. Il y a d’abord une phase de résistance, puis arrive la rupture, suivie de l’épuisement » explique-t-elle. Le terme burn-out signifie l’épuisement en raison d’une demande excessive de forces ou d’énergie. On utilise souvent la métaphore d’une bougie qui, après avoir éclairé de longues heures, n’offrirait plus qu’une légère flamme. Comme le dit l’expression convenue : « Pour être consumé (burn-out), il faut avoir été enflammé ».

« L’inscription d’une maladie professionnelle au tableau ne résulte jamais d’un processus 100 % scientifique. C’est un compromis politique avec des employeurs qui raisonnent par rapport à ce que cela va leur coûter », estime pour sa part Henri Forest, secrétaire confédéral CFDT, qui défend la logique d’une inscription du burn-out au tableau tout en précisant la nécessité de prendre en compte tant les conséquences psychologiques que physiques (AVC, infarctus). « Mais nous avons d’énormes difficultés à avoir des médecins experts qui acceptent d’intervenir, la caisse freine des quatre fers, de même que les employeurs » rajoute-t-il. « Les informations ne font que commencer à remonter », précise le Dr Martine Keryer, déléguée nationale CFE-CGC, qui participe au réseau sentinelles des médecins du travail. En matière de burn-out, en effet, aucune donnée scientifique n’est encore disponible en France. « Il existe pourtant bien le questionnaire Duwas. Il est à la disposition des médecins du travail pour mesurer le niveau de sur-engament en distinguant la part professionnelle de la part personnelle », explique le Dr Martineau.

Dialogue professionnel

Dans ces conditions, il est indispensable de s’en remettre aux retours du terrain et aux enquêtes menées dans les entreprises. « Dans une SSII, nous comptons 2 AVC et un infarctus en 6 mois, qui se sont soldés par deux morts », raconte Sébastien Busiris, secrétaire national de la fédération FO banques. De son côté, la CFDT-cadres a mené une étude concernant les équilibres de vie dont Monique Boutrand, l’une de ses secrétaires nationales, livre en exclusivité les premiers résultats : si près de 45 % des cadres interrogés disent se sentir bien au travail, ils reconnaissent en revanche que leur situation professionnelle pèse sur leurs proches. Mais ce qui est paradoxal, c’est que les résultats s’inversent dans les situations les plus dégradées : pour ceux qui avouent travailler énormément (au point, pour 15 % d’entre eux, ne jamais prendre en charge leurs enfants), l’impression de leurs proches est inversée, comme si l’entourage lâchait la personne qui ne va pas bien : en s’abîmant dans le travail, celle-ci ne donne plus prise à une perception correcte de son état réel. L’étude retrouve ici le tableau clinique établi par le Dr Martineau.

Pour Monique Boutrand, l’urgence est de reconnaître, en amont, les organisations du travail susceptibles d’engendrer des situations de burn-out et de pouvoir débattre de l’organisation du travail. Mais la difficulté vient de ce que les canaux habituels d’expression des problèmes ne sont pas suffisants pour permettre une expression sur le travail ; qu’il s’agisse des managers de proximité, des médecins du travail, des délégués syndicaux ou des IRP. À côté du dialogue social institué, le burn-out pose, pour elle, la question des lieux de « dialogue professionnel ».

De son côté, le Dr Keryer s’interroge sur les limites de la reconnaissance du burn-out comme maladie professionnelle : « Bien sûr, cette reconnaissance sera une aide importante pour les instances, notamment le CHSCT qui pourra mener des expertises sur cette question », admet-elle. La reconnaissance permettra aussi de faire payer à l’employeur ce qui est actuellement supporté par la collectivité. En effet, la branche AT-MP ne reverse aujourd’hui que 80 millions d’euros à la Sécurité sociale au titre des conséquences non qualifiées comme telles et donc évaluées de façon empirique, des conditions de travail sur la santé publique. Mais, cela sera-t-il suffisant ? « L’entreprise paye mais ne change pas ! Cela ne lui coûte pas assez cher », estime-t-elle. Il faut donc une autre approche construite à partir du concept de bien-être au travail. « 1 euros investi dans le bien-être génère 4 euros », rapporte Martine Keryer qui oppose, en revanche, les 15 000 euros par personne et par an que coûteraient, selon elle, au secteur bancaire l’absentéisme, le turn-over, les prud’hommes.

En attendant une reconnaissance comme maladie professionnelle au travers d’un tableau,  les salariés victimes de burn-out doivent justifier d’un taux d’incapacité provisoire de 25 %, au moment des faits, en passant par le CRRMP (Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles). Une procédure contradictoire compliquée qui explique pourquoi le contournement par une reconnaissance en accident du travail est plus souvent utilisée. La démarche n’est pourtant pas beaucoup plus simple. « Cela peut durer plus d’un an et c’est très aléatoire. Si l’avis est défavorable, ce n’est pas un atout aux Prud’hommes », considère Maitre Samuel Gaillard, avocat en droit social. D’où l’intérêt de simplifier la présomption de maladie professionnelle.

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