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03 / 09 / 2012 | 5 vues
Michel Augras / Membre
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L'ordonnance relative à la médiation serait-elle caduque ?

L’ordonnance n° 2011-1540 du 16 novembre 2011 portant transposition de la directive européenne du 21 mai 2008 sur la médiation et le décret n° 2012-66 du 20 janvier 2012 relatif à la résolution amiable des différends, ont suscité de nombreux commentaires (voire des critiques) mettant en cause le caractère anticonstitutionnel de certaines dispositions. Les différents acteurs de la médiation conventionnelle et judiciaire, qu’ils appartiennent à la justice ou qu’ils soient auxiliaires de justice ou médiateurs professionnels, ont mis en exergue que ces dispositions relèvent davantage d’une adaptation de l’organisation des juridictions, sans pour autant instituer la médiation comme mode alternatif de règlement des différends, tel que le prévoit l’Europe.

Ces dispositions présentent une distanciation, si ce n’est à la lettre mais au moins dans l’esprit, avec le droit européen, qui introduit la notion d’accès à des procédures alternatives de résolution des litiges en encourageant le recours à la médiation et en garantissant une articulation satisfaisante entre la médiation et les procédures judiciaires.

Sur le fond, la loi française ne reconnaît pas explicitement la médiation comme un élément faisant partie intégrante des droits des justiciables de recourir à ce mode de règlement alternatif des litiges. Elle n’a en outre pris aucune disposition pour la promouvoir. L’État français, comme tous les États membres, en a l’obligation.

De nombreuses interrogations subsistent sur le contenu des textes pris. C’est le cas, notamment, pour les différends internes qui s’élèvent à l’occasion d’un contrat de travail, ou pour l’homologation des accords, mais aussi à l’égard des dispositions transfrontalières qui alimentent un débat constitutionnel sur les différends qui s’élèvent à l’occasion d’un contrat de travail ou d’un différend qui relève de la compétence du juge administratif.

Ces critiques formulées pendant la campagne électorale présidentielle on faiblement mobilisé ou pas les organisations pour en demander soit l'abrogation, soit la révision. Pour leur part, les praticiens auraient plutôt tendance à s’accorder sur la nécessité d’introduire des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) dès que l’opportunité se présente, à défaut de pouvoir mobiliser les parlementaires sur ce sujet pour une saisine du Conseil constitutionnel.

Un vide juridique


Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le gouvernement a été autorisé par la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit (article 198) à prendre par voie d’ordonnance les dispositions de nature législative propres à transposer la directive 2008/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation civile et commerciale.

Selon la Constitution, une ordonnance entre en vigueur dès sa publication, mais elle devient caduque si un projet de loi de ratification n’est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d’habilitation.

La loi d’habilitation du 17 mai 2011 prévoit que le projet de loi de ratification devait être déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du sixième mois suivant sa publication. Celle-ci ayant été faite le 17 novembre 2011, le Parlement aurait dû la ratifier au plus tard le dernier jour du mois de mai 2012. Or, tel n'a pas été le cas. De ce fait, l’ordonnance du 16 novembre 2011 et le décret d’application du 20 janvier 2012 sont caduques.

Une caducité pénalisante pour la France


Les États membres avaient pour obligation de mettre en vigueur les dispositions législatives, réglementaires, administratives nécessaires pour se conformer à la directive européenne avant le 21 mai 2011. En procédant tardivement par voie d’ordonnance, l’État français n’a pas été en capacité dans les délais impartis de communiquer à la Commission européenne, les dispositions essentielles de droit interne résultant de la mise en œuvre de la directive. Le droit européen en l’état demeure donc seul applicable.

L’urgence d’une concertation


Les enseignements de cette situation doivent rapidement, mais sans précipitation, être tirés. Nos dirigeants doivent avoir conscience que la médiation constitue un débat de société majeur pour faire que les différends soient résolus par les parties elles-mêmes dans un climat d’altérité plutôt que d’adversité. Ce débat de société n’a pas eu lieu, y compris avec les représentants du peuple. De même, conviendrait-il de mener une concertation approfondie avec l’ensemble des protagonistes de la médiation et expliquer aux différents corps constitués la portée culturelle véhiculée par la directive européenne qu’il conviendra quoiqu’il en soit de transposer.

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