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03 / 05 / 2012 | 4 vues
François Dubreuil / Membre
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La régulation sociale aujourd’hui (2/3)

Le constat de l’affaiblissement des corps intermédiaires pourrait donner l’impression d’une sorte d’anomie sociale. Les évolutions économique et technologique se déploieraient en quelque sorte de manière autonome et anonyme, sans que personne n’ait compétence pour réguler leur déploiement en tenant compte de leurs conséquences sociales ou pour mobiliser le corps social afin d’influer sur leur déploiement.

Comment comprendre la nouvelle configuration des rapports sociaux en entreprise ? Comment réguler le social dans le contexte actuel ? Comment progresser vers plus d’équilibre et d’harmonie dans les relations sociales ? Telles sont les questions qui ont émergé des diagnostics récents en entreprise, en particulier lorsque nous les regardions avec la distance que peut offrir un peu de profondeur historique.

L’entreprise saisie par les indicateurs, processus et chartes

 
Un regard plus attentif nous a conduits à mieux faire la distinction entre l’encadrement opérationnel, aux prérogatives désormais effectivement réduites et deux leviers de régulation employés de plus en plus par les sièges sociaux : la rationalisation de l’organisation du travail et des procédures et la fixation d’objectifs stratégiques à atteindre.

Les quinze dernières années ont été l’occasion d’un retour en force de la rationalisation du travail, avec le regroupement des métiers de soutien opérationnel aux hiérarchiques de proximité, dans des centres de services partagés, avec le redécoupage d’activités unifiées dans les années 1980-1990 (exemple : traitement intégral d’un dossier client) entre activités simples et complexes avec en ligne de mire la réalisation de gains de productivité sur les opérations simples (par automatisation, mutualisation et sous-traitance). Les démarches de rationalisation du travail sont fréquemment conduites dans des démarches de projets séparées nationales, européennes, voire mondiales, avec une intégration souvent difficile dans les établissements locaux.

Parallèlement, les directions générales assurent un suivi de plus en plus précis et immédiat des résultats opérationnels et de la progression des démarches de changement. Les établissements et les équipes sont mis en concurrence sur leurs résultats de façon plus lisible et sur un rythme accéléré. Ce pilotage à distance des résultats est de plus en plus distinct du pilotage technique du métier dans le cadre d’organisations fréquemment matricielles.


L’organisation médiatisée succède à l’entreprise communauté et son organisation qualifiante qui constituait le modèle de référence des années 1980-1990. Ce mode de fonctionnement désormais dominant au sein des entreprises est marqué par le poids des prescriptions du travail (informatique/qualité/direction métier) et des demandes de comptes rendus (reporting) par le siège, l’entreprise est davantage interpellée par des parties prenantes externes. Par rapport à l’organisation divisée qui était le propre des grands groupes américains des années 1970 (graphique en petit à gauche), le poids de l’encadrement s’est considérablement réduit. Les managers sont moins nombreux, moins impliqués dans le travail et la relation managériale directe, ils pilotent via des indicateurs des process managériaux largement automatisés.

La régulation sociale historique opposait deux groupes sociaux cohérents, l’entreprise et le groupe social des ouvriers, s’affrontant au sein de conflits collectifs internes, médiatisés par l’État visant le contrôle des moyens de production et l’attribution des gains de productivité.

  • Dans le nouveau contexte socio-organisationnel, les parties prenantes susceptibles d’entrer en conflit ou de coopérer avec l’entreprise sont plus nombreuses et plus poreuses (collectivités publiques à différentes échelles, ONG/associations de défense des Droits de l’Homme, de l’environnement, de minorités, de consommateurs, sous-traitants, syndicats à différentes échelles). Les actions de ces parties prenantes visent fréquemment à engager la responsabilité de l’entreprise pour des dommages subis par des parties prenantes.
 
Face à l’action de ces parties prenantes, l’entreprise a également perdu en unité (management company, groupe, filiales de premier rang, fournisseurs, sous-traitants, franchisés…), ce qui contribue d’ailleurs à rendre l’attribution des responsabilités plus difficile. Cette difficulté d’attribution est encore accrue par le caractère transverse des enjeux d’employabilité, d’équité et de santé.

L’affrontement entre ces deux groupes d’acteurs porte sur l’imputabilité des risques entraînés par l’activité productive et notamment sur la responsabilité des détenteurs de la propriété intellectuelle (marques, brevets) dans l’épuisement des ressources (naturelles ou humaines). Dans cette nouvelle économie, les enjeux réputationnels sont croissants et l’entreprise est constamment observée dans ses décisions, ses actions.
 
Cette situation ouvre la voie à des démarches de mise en scène et d’objectivation de la performance sociale de l’entreprise.

  « De la régulation sociale à la performance sociale ? » : L’étude complète est téléchargeable ici (accès réservé à nos adhérents).

À suivre dans le 3ème billet « l’alpha et l’oméga de la performance sociale ».

Le 31 mai, journée d'études E&P sur le thème « l'équité est-elle de rigueur ? ».
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