Participatif
ACCÈS PUBLIC
04 / 11 / 2011 | 15 vues
Claude Pichot / Membre
Articles : 6
Inscrit(e) le 07 / 02 / 2008

La responsabilité des régions dans des formations technologiques sans référence au réel

Il y a des paradoxes qui tuent. Censée renforcer l'attractivité de la filière sciences et technologies de l'industrie et du développement durable (STI2D), la réforme consacre de fait l'abandon pur et simple de l'enseignement des technologies de base et des techniques industrielles. Un fait particulièrement préoccupant car cette filière constitue le socle du recrutement des BTS, des IUT et d'une partie des écoles d'ingénieurs. Ainsi, dans 3 ans, des élèves qui n'auront jamais approché ou travaillé avec des machines-outils seront admis dans ces cycles post-bac.

  • Il paraît difficile de croire qu'un jeune diplômé pourra dialoguer efficacement et de façon crédible avec des ouvriers et des techniciens de l'industrie, alors qu'il n'aura jamais eu de contact avec la réalité mécanique, sinon par l'intermédiaire d'un écran d'ordinateur.


Progresser dans le domaine des technologies exige de les maîtriser d'abord pour pouvoir ensuite prétendre les perfectionner.

La réforme de la filière des baccalauréats technologiques est entrée en application. Les régions contribuent à sa mise en œuvre par les compétences qui leur sont dévolues, car elles financent les moyens techniques nécessaires à son déploiement dans les établissements d'enseignement.

Dans les lycées, la réforme se traduit par la conversion d'ateliers en laboratoires et par le remplacement des machines-outils par des moyens légers de prototypage, des outils de simulation et de « réalité virtuelle ».

Ainsi, par l'obligation réglementaire qui leur incombe, les régions et leurs élus, en attribuant les budgets d'équipement aux établissements d'enseignement de leur compétence, contribuent à la disparition de l'enseignement technologique au sein de la filière STI2D.

  • Ces budgets votés donnent en effet aux établissements les moyens de remplacer des ateliers équipés de machines-outils par des laboratoires de 150 m2 dotés de consoles de simulation sur écrans plats.


Dans cette réforme, les machines-outils et ceux qui en maîtrisent le fonctionnement disparaissent au profit de la « réalité virtuelle ». Pourtant, un simple exemple en illustre le danger. Si les éoliennes produisent de l'électricité à partir d'une énergie renouvelable, les roulements qui permettent la rotation des pales relèvent des technologies de fabrication que la réforme STI2D élimine des cursus de formation. Est-il raisonnable de croire que les fabricants de roulements pourront fabriquer ces pièces essentielles sans machines-outils (des tours) et sans tourneurs, sans machines de traitement thermique et sans rectifieuses ?

En éliminant le caractère industriel des matériels destinés aux enseignements « car les équipements nécessaires au fonctionnement du nouveau Bac STI 2D ne font pas appel à des matériels professionnels industriels », la réforme consacre ce point de vue.

Le bien fondé de cette réforme doit être très sérieusement interrogé quant à ses effets sur le plan de l'efficacité industrielle, de la maîtrise technologique, de l'innovation et de l'emploi. Elle conduit à notre sens à deux impasses graves en matière de ressources humaines : la certification de compétences de haut niveau non employables faute de référence au réel, et le manque de compétences technologiques indispensables à l'industrie, car non formées. Il nous paraît gravement dommageable vis-à-vis de l'avenir des sciences et de la technologie de poursuivre cette réforme.


Toutes les voies pour faire entendre les points de vue des ingénieurs, des techniciens, des enseignants et de l'AFIM, ont échoué.

  • C'est pourquoi nous en appelons aux élus des régions. Ils sont les seuls, en refusant de voter les budgets associés à la réforme, à disposer du pouvoir de ramener le Ministère à la raison en imposant un moratoire de fait.

Une prise de distance s'impose pour réfléchir rationnellement et remettre les fondamentaux de la mécanique et des technologies au cœur des sciences et technologies de l'industrie et du développement durable.

Pas encore de commentaires