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16 / 03 / 2011 | 6 vues
Rémi Aufrere-Privel / Membre
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Recomposition syndicale à la SNCF : de l’explosion à la dislocation-création

Le grand film de la recomposition syndicale à la SNCF et dans les transports se poursuit avec de nouveaux rebondissements.

Le 21 décembre dernier, le Tribunal d’Instance de Paris (XIVème) rendait son jugement indiquant que « la fédération générale CFTC des transports est seule habilitée à exercer les prérogatives attachées à l’exercice du droit syndical et notamment à participer à la négociation des protocoles d’accords préélectoraux et à présenter des listes de candidats au premier tour de scrutin des élections professionnelles au sein de la SNCF ».

Ce jugement faisait suite à une saisine de la direction de la SNCF qui s’interrogeait sur les deux interlocuteurs CFTC revendiquant le droit de déposer des listes pour le syndicat chrétien, à savoir la CFTC cheminots et la fédération CFTC des transports (avec le soutien de la confédération CFTC).

Il faut rappeler que la confédération CFTC avait placé sous tutelle (en septembre 2009) la CFTC cheminots dirigée par Bernard Aubin, puis le retrait provisoire des mandats des dirigeants cheminots.

  • Ce conflit avait pour origine la conclusion d’un accord de partenariat électoral CFTC-FO particulièrement favorable à l’organisation de Jean-Claude Mailly, accordant l’intégralité des voix pour FO en contrepartie de moyens syndicaux (permanents et chèques congés). Cela pour permettre d’atteindre les 10 % (seuil de représentativité légal défini par les élections dans les CE régionaux de la SNCF).


En novembre 2010, une manifestation inédite et violente avait eu lieu au siège de la confédération CFTC, avec une délégation de cheminots CFTC protestant contre le refus confédéral de l’accord conclu.

La première réaction à cette décision judiciaire le 22 décembre 2010 a été celle de la méthode Coué puisque les deux dirigeants Bernard Aubin (secrétaire général) et George Nowak (président) ont répliqué que « cette décision n’altère en rien les effets du protocole national qui s’appliquera en l’état, du fait de la signature par une majorité des organisations syndicales… », tout en précisant que « … la fédération CFTC des cheminots (…) se réserve le droit d’effectuer un recours… ».

Le 13 janvier dernier, les trois dirigeants de la CFTC cheminots furent dûment convoqués au siège de la confédération pour s’expliquer.

Après cette audition, ils ont précisé à la presse qu’une réunion des militants de la CFTC cheminots serait programmée et que la question du ralliement à un autre syndicat où la désaffiliation de la CFTC seraient discutés.

Alors qu’ils étaient sous la menace d’une décision confédérale d’exclusion, le 19 janvier, les responsables de la CFTC cheminots indiquaient alors vouloir se « désaffilier » de la confédération CFTC et appeler tous les syndicats CFTC cheminots à voter en ce sens.

  • Simultanément, ils ont décidé de créer une nouvelle organisation syndicale dénommée FIRST (fédération indépendante du rail et des syndicats du transport). Tout en confirmant leur « volonté de travailler avec FO et la CFE-CGC ».


La confédération CFTC a jugée « aberrante » cette décision car « ils ne pourront pas déposer de listes aux prochaines élections… », en confirmant « soit un syndicat est dissous, soit il reste CFTC ». Il semblerait que l’idée de « désaffiliation » ait été soufflée par certains responsables syndicaux extérieurs à la CFTC.

  • Enfin, la CFTC (listes déposées par la fédération des transports CFTC) sera présente dans 5 régions SNCF, dont les deux plus emblématiques pour le syndicalisme chrétien (Strasbourg et Metz-Nancy).
Ces différents épisodes constituent le plus mauvais coup sur l’accord de partenariat électoral CFTC-FO-CFE-CGC qui apparaît encore comme un accord d’appareil syndical sans corpus idéologique quand on connait les principes guidant ces trois organisations syndicales très différentes dans leurs approches.

Avec environ 1 500 adhérents aujourd’hui, la nouvelle scission entre CFTC cheminots maintenue (liste FGT CFTC) et la création de FIRST, il est fort probable que les 5,4 % obtenus en mars 2009 soient aujourd’hui largement disséminés. Et qu’ajoutés aux départs de nombreux militants et responsables CFTC cheminots en 2009 et 2010 à la CFDT et à l’UNSA, il ne soit plus possible pour FO (qui avait trouvé ce moyen judicieux) de franchir les 10 % pour être nationalement représentatif.

Cela peut  assurer une modeste représentativité régionale à la CFTC « maintenue » sur deux régions potentielles et historiques, en excluant FO sur l’une, voire les deux.

  • Quant au syndicat CFE-CGC (SNCF), celui-ci ayant confédéralement gagné le principe juridique de la représentativité dans l’encadrement, il a décidé de prendre de la distance avec FO en démarchant la CFDT cheminote et l’UNSA, en vue d’un éventuel accord électoral.Ces deux syndicats n’ayant pas donné suite devant les nombreuses exigences de cette modeste organisation à la SNCF (moins d’une centaine d’adhérents selon un ex-responsable), le syndicat CGC partira seul sous sa bannière aux élections.


En biologie comme dans le monde syndical, « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ». La recomposition se poursuit avec des effets importants, surtout chez les organisations syndicales les plus modestes numériquement.

Devant la formidable complexité pour créer une organisation et la réticence des salariés à un pluralisme éclaté, les fondateurs de « FIRST » (acronyme signifiant « premier » en langue anglaise) pourront bien apprendre à leurs dépens que les premiers risquent forts d’être les derniers pour l’élection professionnelle du 24 mars 2011 à la SNCF.

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