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19 / 10 / 2010 | 5 vues
Jean-Benoit Cottin / Abonné
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CHSCT : quelles conditions d'éligibilité ?

Dans une série de cinq décisions (Cass. soc., 22 sept. 2010, n° 09-60.477, Cass. soc., 22 sept. 2010, n° 10-60.002, Cass. soc., 22 sept. 2010, n° 10-60.050, Cass. soc., 22 sept. 2010, n° 10-60.098, Cass. soc., 22 sept. 2010, n° 09-60.454) la Cour de Cassation a opéré un revirement de jurisprudence en décidant que les salariés temporaires sont éligibles au CHSCT de l'entreprise de travail temporaire.

L'occasion de revenir sur les conditions d'éligibilité au CHSCT.

Absence de conditions légales autres qu’être salarié

Ne peut être désigné comme représentant du personnel au CHSCT qu’un salarié ayant cette qualité à la date du scrutin prévu pour cette désignation. Une personne qui n'est plus, à cette date, salariée de l'entreprise, ne peut plus y être désignée. La condition de salariat n’est pas expressément visée par l’article L. 4613-1, mais résulte fort logiquement de ce que l’objet de la désignation est de choisir une « délégation du personnel » au comité, composée de « salariés ».

Plus généralement, le Code du Travail ne prévoit pas de condition de validité de candidature à la délégation du personnel au CHSCT. Aucune disposition légale n'a étendu à la désignation des membres de la délégation du personnel au comité le monopole dont bénéficient les organisations syndicales représentatives pour l'élection des délégués du personnel et des représentants du personnel au comité d'entreprise ou d'établissement.

Ainsi, tout salarié de l’établissement dans le cadre duquel est mis en place le comité a pour vocation d'en être membre, fût-il en fin de CDD, sans condition d’aptitude : ancienneté ou capacité électorale, telles qu’elles peuvent exister pour les délégués du personnel ou les membres du comité d’entreprise. Les dispositions légales ne font pas non plus état d’incompatibilités avec d’autres fonctions de représentation du personnel, comme celles de délégué syndical, de délégué du personnel ou de représentant syndical au CHSCT.

  • Impossibilité d’un encadrement jurisprudentiel. Les dispositions légales qui édictent des incapacités électorales, telles que celles applicables aux délégués syndicaux, aux délégués du personnel et aux membres du comité d’entreprise, « doivent être interprétées restrictivement en ce qu’elles trouvent leur source dans le Code électoral (…) et ne peuvent être étendues d’un cas à un autre par voie d’assimilation ou d’analogie ». L’absence de telles conditions d’éligibilité est sans doute le fait « d’un oubli du législateur, mais qui ne peut être comblé par le juge ».


La seule restriction légale tient à l’incompatibilité du mandat d'administrateur élu par les salariés avec tout mandat de délégué syndical, de membre du comité d'entreprise, de délégué du personnel ou de membre du CHSCT de la société. L'administrateur qui, lors de son élection, est titulaire d'un ou de plusieurs de ces mandats doit en effet s'en démettre dans les huit jours. À défaut, il est réputé démissionnaire de son mandat d'administrateur.

Inéligibilité du salarié assimilé à l’employeur


La Cour de Cassation ne s’en tient pas à une interprétation stricte de la qualité de salarié. Suivant une solution classique commune aux délégués du personnel, au comité d’entreprise ou encore au délégué syndical, un salarié détenant des pouvoirs permettant de l’assimiler à l’employeur n’est pas éligible au CHSCT. Représentation du personnel et assimilation au chef d’entreprise sont en effet antinomiques, par définition. Sont ici visés les seuls cadres détenant, sur un service, un département ou un établissement de l'entreprise, une délégation particulière d'autorité établie par écrit permettant de les assimiler à un chef d'entreprise. Cette assimilation devrait être caractérisée également en l’absence de délégation écrite si des éléments de fait (et particulièrement son rôle au sein des institutions représentatives) établissent que le salarié agit comme mandataire de l’employeur.

Une telle assimilation n’est donc pas caractérisée dans le cas d’un salarié ayant reçu un unique mandat pour représenter ou assister l'employeur lors d'une réunion des délégués du personnel.

Compétence technique du candidat indifférente


Dans le silence de la loi, la circulaire du 25 mars 1993 précise que les critères de désignation à privilégier sont assurément la bonne connaissance des travaux effectués dans l'entreprise, ainsi que l'aptitude à l'étude et l'analyse des problèmes de conditions de travail et de prévention des risques professionnels.

  • Importance dans la pratique ? – De fait, plusieurs fois au cours des débats parlementaires, la question de la compétence technique des représentants du personnel au CHSCT a été soulevée, d’autant que l’article R. 231-4 ancien du Code du Travail, relatif au CHS disposait antérieurement : « [les représentants du personnel] sont choisis en raison de leurs connaissances et de leurs aptitudes en matière d’hygiène et de sécurité du travail ». Le ministre jugeait pour sa part que les membres du CHSCT seraient spontanément « choisis en fonction de leurs compétences techniques et de manière à représenter les différents secteurs d’activités de l’établissement ». La Cour de Cassation a ainsi pu écrire que « [l]e CHSCT n’a pas pour mission de représenter le personnel au sens habituel du terme. Il a des attributions de conseil et de contrôle différentes de celles du comité d’entreprise qui commandent une désignation fondée avant tout sur la compétence ».


Cette position administrative, non reprise dans les dispositions légales, n’est pas contraignante.

  • Justification ? – Au demeurant, on doit relever que l’objectif du législateur ayant été précisément d’exclure une approche purement technique du CHSCT, et d’en faire au contraire une réelle instance de représentation du personnel, cette exigence paraîtrait un peu contradictoire avec l’esprit du texte. De surcroît, une fois désignés, les représentants du personnel au CHSCT bénéficient d’une formation (peut-être insuffisante, mais c’est une autre question) dont l’objet est précisément d’ordre technique.

Conditions conventionnelles éventuelles

Toutefois, dès lors qu’elles sont plus favorables aux salariés, il devrait être possible de préciser conventionnellement les conditions d’éligibilité, en imposant par exemple une ancienneté minimale, garante d’une meilleure connaissance de l’environnement de travail.

Potentielle absence de lien de droit avec l’établissement

Le lien, qui unit le candidat à l’établissement dans lequel il entend être désigné représentant du personnel, n’est pas nécessairement un lien de droit, caractérisé par un contrat de travail passé avec l’entreprise dont l’établissement est un démembrement. Le candidat peut n’être pas salarié de l’établissement, dès lors qu’il est salarié dans l’établissement dans lequel est mis en place le CHSCT. La Cour de Cassation a ainsi jugé qu’une démonstratrice qui travaille de façon permanente et exclusive depuis 25 ans dans un grand magasin, où elle partage la même activité et les mêmes conditions de travail que les salariés de cette entreprise, est éligible à la délégation du personnel au CHSCT de l'entreprise utilisatrice. La solution est compréhensible. Le comité a pour mission de contribuer à la protection de la santé et de la sécurité des salariés de l'établissement et de ceux mis à sa disposition par une entreprise extérieure, ainsi qu'à l'amélioration des conditions de travail. Il en résulte qu’en raison de la nature de cette mission, tout salarié peut être désigné en tant que membre de la délégation du personnel, dès lors qu'il travaille dans l'établissement où le CHSCT est constitué. Se trouve ainsi matérialisée l’intégration du salarié à la collectivité de travail par le Code du Travail lui-même, indépendamment du lien juridique le liant à l’employeur.

Il a été souligné que des intérêts essentiels, tels que la santé et la sécurité, peuvent être défendus par tous ceux qui sont intégrés dans la même communauté de travail, parce qu’ils partagent les mêmes risques.

L’existence d’un lien contractuel entre le salarié et l’entreprise n’est donc pas déterminante.

Éligibilité du salarié mis à disposition dans l’entreprise utilisatrice


Eu égard à l’enjeu (la représentation du personnel constituant une communauté à laquelle appartient nécessairement le représentant), il nous paraît en revanche douteux de considérer que toute mise à disposition, si brève soit-elle, vaut intégration du salarié dans la communauté de travail. Il n’est sans doute pas possible, ni souhaitable, de fixer un seuil limite à cet égard.

Doivent en revanche être recherchées des réponses aux questions suivantes : le salarié partage-t-il les mêmes conditions de travail ? A-t-il les mêmes intérêts en matière de santé et de sécurité ? S’il est répondu affirmativement à ces questions, cette situation présente-t-elle un caractère de stabilité excluant tout caractère ponctuel ? Le salarié peut-il valablement prétendre être représentatif de la communauté de travail qu’il entend représenter ? Dans l’exemple précité de la démonstratrice de magasin, celle-ci travaillait par exemple de façon permanente et exclusive depuis 25 ans dans ce magasin. Le Conseil constitutionnel ne juge-t-il pas d’ailleurs que « le droit de participer “par l'intermédiaire de leurs délégués” à « la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises » a pour bénéficiaires, sinon la totalité des travailleurs employés à un moment donné dans une entreprise, du moins tous ceux qui sont intégrés de façon étroite et permanente à la communauté de travail qu'elle constitue, même s'ils n'en sont pas les salariés » ?


Appelé à se prononcer sur ces questions, le juge du fond ne pourra donc faire l’économie d’une appréciation in concreto de la situation en cause.

Exigence d’une permanence du lien de fait avec l’établissement


Ne peut être membre du comité qu’un salarié qui y travaille effectivement, puisque « la fonction du représentant est (...) intimement liée à l’exécution effective des contrats de travail » et que « le représentant du personnel est « d’abord un travailleur qui partage la vie des salariés » qu’il représente ». Le lien de droit n’est donc pas suffisant, si n’est pas caractérisé par un lien de fait avec l’établissement. La Cour de Cassation a ainsi jugé qu’un salarié, qui a cessé de travailler pour une entreprise et a été mis à disposition d'une autre de manière permanente et exclusive, ne peut être désigné représentant du personnel au CHSCT de la première entreprise. À l’inverse, elle a précisé que le salarié mis à la disposition du groupement d'intérêt économique par l'une des sociétés membres de ce groupement peut être désigné en qualité de membre du CHSCT d'un établissement de cette société, puisque le GIE, qui « n'est constitué qu'en vue de mettre en œuvre les moyens propres à faciliter ou à développer l'activité économique de ses membres, à améliorer ou à accroître les résultats de cette activité, ne se substitue pas aux sociétés participantes dans la prise en compte des intérêts de leurs salariés, lesquels demeurent liés à ceux de leur entreprise d'origine ».


Cette exigence de lien de fait est partiellement remise en cause avec les arrêts du 22 septembre 2010.

Éligibilité du salarié itinérant


Peut être désigné en qualité de représentant du personnel au CHSCT tout salarié travaillant dans le cadre duquel le comité est mis en place, peu important qu'il exerce ses fonctions à l'extérieur de l'établissement . Cette solution s’explique sans doute en raison du droit constitutionnel à participation des salariés.

  • Difficultés.– Ce rattachement pose difficulté dans la mesure où, normalement, « la fonction du représentant est (...) intimement liée à l'exécution effective des contrats de travail » : « le représentant du personnel est « d'abord un travailleur qui partage la vie des salariés » qu'il représente ». Or, il est douteux qu'un salarié itinérant partage une communauté de conditions de travail et de risques avec ceux, sédentaires, qu'il prétend représenter. La légitimité du mandat représentatif au CHSCT paraît affaiblie. Ce critère ne semble cependant pouvoir être écarté (en raison de la force des principes qui le sous-tendent) que pour autant que le salarié de l'établissement est, en réalité, rattaché à une autre communauté de travail, au titre de laquelle il peut participer à la représentation du personnel.
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