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03 / 09 / 2010 | 17 vues
Didier Cozin / Membre
Articles : 59
Inscrit(e) le 05 / 08 / 2010

Le droit à la formation (DIF) entre hésitation, capitalisation et utilisation

En cette fin d’année 2010 l’immense majorité des salariés en France (en CDI) dispose d’un capital individuel de formation de 120 h de DIF. Ces 120 heures sont atteintes dès lors que le salarié travaille à temps plein depuis 2004 et chez un même employeur.

On peut donc estimer que dans le secteur privé, la dette formation s’élève donc à un peu plus d’un milliard d’heures de DIF (pour un coût potentiel global de 77 milliards d’euros, selon les calculs de la Cour des Comptes).

Ce capital formation considérable doit être apprivoisé et acclimaté par des salariés qui ne peuvent se contenter d’accumuler des heures sur leur compteur et doivent désormais administrer leur droit à la formation.

  • Entre le tout DIF ou le rien formation de nombreuses stratégies sont envisageables et nous allons tenter de les décrire.

L’indifférence ou la dénégation : « Je n’ai besoin de rien, merci. »


  • Pour ceux qui bénéficient déjà de beaucoup de formations ou estiment que leur entreprise pourvoira tout au long de leur vie professionnelle à leurs besoins.
  • Pour ceux, plus nombreux, qui pensent (encore) que la formation n’est pas faite pour eux, qu’elle est un risque (de montrer ses lacunes, d’être stigmatisé, d’être infantilisé...) ou qui ne trouve pas de temps à libérer pour se former (pourtant, la réduction du temps de travail devait aussi donner du temps pour la formation).
  • Enfin, pour tous ceux qui, en fin de carrière ou n’y croyant plus, n’aspirent qu’à la retraite et ne veulent pas s’investir dans de nouveaux apprentissages professionnels.

La capitalisation


Il s’agissait pour eux d’accumuler le maximum d’heures sur leur compteur DIF (les 120 h sur 6 ans) afin de :

  • se constituer un capital formation (une sorte de plan épargne formation), réalisable principalement en cas de coup dur professionnel (une assurance formation ou une sécurisation professionnelle) ;
  • entreprendre une formation longue ou une reconversion et se servir des 120 heures comme complément à un CIF, un bilan de compétences ou un projet de formation conçu depuis des années.

La consommation


  • Utiliser 20 heures de DIF annuellement à compter de 2010 afin de « consommer » les heures non cumulables et de ne rien perdre de son droit à la formation.
  • Consommer de la formation comme un banal bien sans réel projet professionnel (une année de l’anglais, l’année suivante de l’informatique) et risquer désillusions et rapide perte de motivation.

La professionnalisation : SVP (Savoir se former, Vouloir se former, Pouvoir se former)


S’informer et s’orienter

  • Connaître les dispositifs de formation, appréhender l’offre privée et l'offre publique, activer les financements, négocier avec son entreprise.
  • S’orienter dans la galaxie formation tout au long de la vie (VAE, DIF, Stage, E-learning, période et contrat de pro, plan de formation, bilans de compétences, à mi-carrière, d’étape professionnelle, passeport formation).
  • Rester en veille professionnelle.


Se former tout au long de la vie en alternant stages, formations à distance, auto-formations, formations sur le tas, reprises d’études, tutorats, formations par alternance, validations des acquis…

Être mobile et entreprenant (acteur de son projet professionnel).

Le contexte

Il existe au demeurant autant de stratégies formation tout au long de la vie que de besoins individuels, mais les salariés doivent désormais tous intégrer que le futur de leur travail sera très différent du passé laborieux que leurs parents ou eux-mêmes ont pu vivre au XXème siècle :

1. La société cognitive

Notre société va investir massivement dans l’intelligence (livre blanc de 1995 de la Communauté européenne). Dans cette société, « ce seront les capacités d’apprendre et la maîtrise des savoirs fondamentaux qui situeront de plus en plus les individus les uns par rapport aux autres dans les rapports sociaux ».

2. L’économie de la connaissance

Le sommet de Lisbonne en l’an 2000 fixait à l’Europe un cap pour 2010 : « Devenir l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale ». La vieille Europe fabriquera de moins en moins de produits à l’avenir ; désormais la richesse ne consiste plus à fabriquer ou à posséder des biens matériels mais à se connaître et pour utiliser au mieux son intelligence.

3. Les sociétés et les organisations deviennent apprenantes

Le savoir est devenu un atout stratégique pour les individus, les organisations et les nations. Les écarts entre les travailleurs, les entreprises ou les pays ne sont plus fondés sur l’accumulation primitive de capitaux ou de savoirs, mais sur la capacité à changer, à apprendre, à s’adapter sans cesse. L’apprentissage deviendra la première activité humaine au XXIème siècle.

4. L’éducation devenue un trésor et un bien communs

Le savoir, véritable produit de grande consommation, se capitalise, s’exploite, se rentabilise et se privatise. L’éducation passe du statut de service public de l’enfance à celui d’indispensable viatique tout au long de la vie professionnelle. Dans cette perspective il devient impossible de la confier au seul prestataire monopolistique qu’est l’État.

5. Le travail du savoir.

Nous devenons tous des travailleurs du savoir, aussi bien « esclaves du savoir » dans les organisations néo-tayloriennes de l’information (du type call centre), que pour des fonctions créatives à plus grande valeur ajoutée intellectuelle.

6. L’apprentissage tout au long de la vie.

Les individus doivent désormais assumer la responsabilité de leurs apprentissages. Le diplôme (quel que soit son prestige) sert de moins en moins de sésame durant toute une vie professionnelle. Les parcours, la capacité de rebond, l’intelligence émotionnelle et le travail d’équipe sont des compétences favorisées, reconnues et développées.

Lourde responsabilité du DIF

Le DIF a donc depuis 2004 la lourde responsabilité de reconstruire la formation continue en France.

  • Changer de modèle social et économique est difficile dans une société qui avait massivement misé sur l’éducation initiale en ne donnant pour objectif à la formation continue que de mettre à niveau les travailleurs ou leur offrir de maigres possibilités de reconversion professionnelle.

Désormais, la crise économique que vit le monde développé imposera des remises en questions très importantes : les apprentissages professionnels devront être sans cesse repris, les entreprises seront des acteurs économiques instables et les capacités de changer, de s’adapter en permanence seront les seules garanties en matière de création de richesses.

La très forte stabilité sociale et économique que nous avons connue après guerre (simplement entrecoupée de crises) ne sera plus la norme du XXIème siècle : les organisations, les pays, les individus vont devoir apprendre à changer et à s’adapter sans cesse. Les situations figées et classifiées seront sans cesse rebattues ; la seule propriété que les travailleurs peuvent revendiquer est leur employabilité, leur capacité à apprendre, à reprendre inlassablement le chemin de l’école. Cette capacité doit être favorisée et entretenue par toute la société et le droit à la formation et à l’éducation va redevenir un nouveau droit de l’homme.

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Bonjour,

 L'opinion émise en mars dernier par la CEGOS me paraît extrêmement prématurée...

On pouvait se douter que durant plusieurs années, "on" allait faire comme si le DIF n'existait pas. Après tout, 6 ans..".On" a le temps de voir venir...

Le problème, c'est que maintenant les six ans ont été atteints et on se trouve au pied du mur.

 Il faut remarquer que la fameuse règle du cumul maximum existe aussi bien dans le "privé" que dans la fonction publique quelle soit d'état (loi de 2007), territoriale (2007) et hospitalière. C'est une règle commune, la seule qui soit véritablement incitative.

 Et, contrairement à ce que craignais au départ, elle n'a pas été remise en cause en novembre dernier..

 

Bruno Callens