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18 / 02 / 2011 | 4 vues
Manuèle Pennera / Membre
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Les dangers de l'épargne retraite automatique

La loi de réforme des retraites du 10 novembre 2010 comporte une mesure lourde de conséquences pour les salariés et leurs employeurs, dans toutes les entreprises qui distribuent de la participation aux résultats et qui ont ouvert un PERCO (plan d’épargne collectif pour la retraite).

Fléchage automatique

Aujourd’hui, plus de 5 millions de salariés sont concernés, pour un montant annuel de participation de plus de 6 milliards d'euros et ces chiffres vont augmenter avec la diffusion des PERCO.

  • La loi prévoit en effet que la moitié de la participation soit désormais affectée d’autorité au PERCO, sauf avis contraire du salarié.

L’alternative consiste à recevoir sa participation en argent ou à la placer sur un plan d’épargne d’entreprise (PEE, PEI ou PEG) ou sur un compte courant bloqué à rendement garanti par l’employeur. Or, ces dispositifs sont nettement plus liquides que le PERCO, tout en offrant aujourd’hui exactement les mêmes exonérations fiscales.

Pour mémoire, l’épargne du PERCO est bloquée jusqu’à la retraite, sauf déblocage anticipé dans un nombre limité de cas agréable (acquisition de la résidence principale) ou graves (surendettement, expiration des droits à l’assurance chômage ou invalidité).

  • Le fléchage automatique de la participation sur le PERCO met en risque les salariés inattentifs, mal informés ou absents durant le laps de temps très court d’attribution de la participation : leur part sera affectée au PERCO à leur insu.

Ils deviennent détenteurs involontairement de produits financiers à long terme et sans avoir reçu la moindre information financière.

Cette situation illégale est d’autant plus surprenante que la protection de l’épargnant est un cheval de bataille des autorités des marchés financiers.

  • Les employeurs sont eux-mêmes dans l’impossibilité de remplir correctement leur devoir légal d’information financière envers ces salariés, mais ils auront à gérer les inévitables déçus de cette épargne retraite forcée.

Le choix de gestion financière

Le choix de gestion financière est un autre volet problématique du fléchage automatique de la participation vers le PERCO.

Dans l’état actuel de la législation, l’employeur et les syndicats ou les représentants des salariés négociateurs du PERCO sont responsables du choix, au sein du PERCO, du soutien financier qui reçoit la participation affectée par défaut.

Lourde responsabilité pour eux : s’ils choisissent un fonds par défaut sans risque, des salariés pourront leur reprocher la trop faible revalorisation de leur épargne et la réduction de leur pouvoir d’achat (pour mémoire, un fonds monétaire sans risque rapporte actuellement moins de 0,50 % par an, pour une l’inflation de 1,60 %). Si les partenaires sociaux choisissent un fonds plus dynamique, des salariés pourront leur reprocher l’effondrement de leur épargne après une chute boursière. Des employeurs déplorent que le législateur ne soit pas allé jusqu’au bout de sa logique coercitive en désignant clairement le type de fonds par défaut, afin de libérer les partenaires sociaux de cette lourde responsabilité.

  • Le fléchage automatique de la participation sur le PERCO peut avoir des conséquences dommageables selon la situation personnelle de chaque salarié et selon les caractéristiques de l’offre d’épargne salariale dans l’entreprise.
En effet, un salarié peut avoir intérêt à choisir un autre placement que le PERCO (par exemple, le PEE) s’il offre une aide financière de l’employeur et/ou s’il donne accès à des supports financiers plus attrayants, tels qu’un compte courant bloqué à rendement garanti par l’entreprise ou des actions de l’entreprise (deux types de placement interdits sur un PERCO).

Le salarié peut aussi avoir intérêt à alimenter des plans d’épargne extérieurs à son entreprise, tels qu’un plan d'épargne logement (PEL), qui offre un rendement garanti par l’État et un prêt immobilier à taux préférentiel.

Le salarié peut aussi tout bonnement ne pas avoir besoin ou envie d’épargner pour sa retraite. En tout état de cause, c’est à lui de décider s’il veut acheter ou pas un produit d’épargne retraite, qu’il soit individuel ou collectif.

Tarification de la gestion

Enfin, l’orientation automatique de la participation vers le PERCO pose un problème de tarification de la gestion administrative des comptes individuels PERCO en cas de mobilité des salariés.

  • Sans rentrer dans les détails, les petits comptes d’épargne PERCO (qui sont les plus nombreux) seront inévitablement asséchés au fil du temps par le simple jeu des frais : c’est inadmissible.

Le salarié devrait avoir la possibilité de regrouper son épargne PERCO accumulée chez ses différents employeurs sur un compte individuel, tel qu’un PEA ou un livret A, pour en mutualiser les frais de fonctionnement. 

Risques juridiques

Investir pour sa retraite est une décision personnelle importante, qui doit être réfléchie et prise en toute connaissance de cause.

  • L’orientation automatique de la participation sur le PERCO est une mesure aliénante et contraire aux obligations d’information et de responsabilisation des personnes avant tout placement financier.

Il faut supprimer la règle de fléchage automatique de la participation vers le PERCO avant que ne se révèlent de graves déconvenues pour les salariés et les conséquences désagréables en termes de risques juridiques et de réputation pour les employeurs, comme pour les syndicats.

En parallèle, il faut progresser sur la question de l’information, de la formation et du conseil personnalisé des salariés épargnants. À cet égard, un groupe de travail au sein de l'AMF vient de publier un rapport qui aborde pour la première fois publiquement ce thème. Le débat doit grandir.

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