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11 / 02 / 2019 | 21 vues
Didier Cozin / Membre
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Le CPF dans la fonction publique, ça commence quand ?

Le CPF et le DIF, des fiascos éducatifs pour une société incapable de changements.

Le compte personnel de formation (CPF) a deux ans dans la fonction publique. En effet, c'est par un décret en date du 6 mai 2017, avec effet rétroactif au 1er janvier 2017, que le successeur du droit individuel à la formation (DIF) a prétendu offrir à chaque fonctionnaire (et contractuel) la capacité de développer ses compétences, d'engager une reconversion ou d'acquérir un socle de savoirs de base (socle des compétences).

Le CPF succède à dix années de droit à la formation nié et raillé dans la fonction publique.

La « nouveauté » du CPF pour les fonctionnaires ne peut ni ne doit faire illusion. Le CPF (dans le privé comme dans le public) est le successeur, prétendument modernisé, du droit individuel à la formation qui, depuis 2007, s'est  heurté à une fin de non-recevoir dans le secteur public : absence de volonté, budgets inexistants, incapacité même à imaginer qu'un fonctionnaire puisse commander sa propre formation et avoir des besoins et appétences autres que celles dictées par l'administration (avec ses sempiternelles « préparations aux concours »).

La formation individuelle (CPF ou DIF) dans la fonction publique bloque pour des raisons de formes et de fond.

1.    Les administrations n'ont encore aucun moyen ni savoir-faire pour l'organisation de formations individuelles (dans le cadre collectif du travail) alors que la préparation aux concours, la diplômation et les écoles d'application monopolisent tous les budgets et les ressources.

2.    Le mythe d'une carrière complète dans son corps d'origine perdure et, dans ce cadre, seule l'administration aurait le pouvoir de faire évoluer ses salariés.

3.    Le public ne diffère en rien du privé sur le volet éducation : un citoyen n'a droit qu'à une seule chance, lors de son éducation initiale. Ensuite, la formation n'est qu'une rustine destinée à combler certains manques et elle autorise très rarement des reconversions ou changements professionnels.

4.    Notre pays consacre peu de fonds (1,1 % de son PIB) à la formation des adultes alors que sa population active est deux fois plus nombreuse que celle des scolaires et que le monde du travail connaît des bouleversements intenses et durables (numérisation, globalisation, mondialisation, désindustrialisation, précarisation et « désalariat »).

En 2019, les administrations doivent un milliard d'heures de formation à leurs salariés, soit 15 milliards d'euros (au tarif fixé par le Ministère du Travail fin 2018).

Les compteurs de CPF/DIF des fonctionnaires seront quasiment tous à leur maximum de 150 heures cette année. Rapporté à 6 millions de fonctionnaires cela représente 900 millions d'heures de formation. À ces heures, il faut ajouter la possibilité pour chaque agent de bénéficier de 150 heures supplémentaires pour un projet de reconversion ou pour le personnel de catégorie C sans diplôme de cumuler jusqu'à 400 heures (à raison de 48 heures de CPF par an).

Aucun déploiement du CPF ne sera encore possible en 2019.

Les services de formation et les directions tergiversent face à ce droit bafoué depuis 2007 ; les syndicats réclament mollement le dû des salariés (comme dans le privé, un compromis se dégage parfois : « on vous laisse tranquilles sur le volet de la formation en échange d'avantages financiers ou de congés supplémentaires pour les agents »).

En matière de formation et de compétences, les pouvoirs publics font le gros dos et ne veulent pas regarder la situation en face.

Le compte personnel de formation des salariés du privé vient d'être réformé par le Ministère du Travail ; chaque travailleur du privé serait désormais doté de 500 € par an pour se former mais il n'y a en face pour financer que 900 millions de cotisations. De quoi former 3 à 4 % des salariés (et autant de chômeurs).

En 2020 ou 2021 (délai de 2 à 3 ans entre le privé et le public), la future monétisation dans le secteur public nécessiterait de financer à hauteur de 3 milliards d'euros pour le seul flux les CPF annuels des fonctionnaires plus une quinzaine de milliards pour le stock d'heures cumulées depuis 2007.

La formation des adultes reste une éternelle parente pauvre de l'éducation en France.

Dans une société à la fois hédoniste et matérialiste qui a gardé les tics et modèles hérités de l'ère industrielle (on apprend durant l'enfance), l'idée de faire monter en compétences, d'accompagner les mobilités, de renouer avec une « promotion sociale » n'existe plus car le pays reste figé dans ses statuts, ses règles et ses habitudes héritées de l'ère industrielle alors que la formation tout au long de la vie (abandonnée depuis dix ans) est devenue l'outil principal des compétences, de la compétitivité et du travail reconfiguré partout dans le monde.

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