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26 / 03 / 2018 | 21 vues
Christine Fontaine / Membre
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La réforme de la formation professionnelle : fin d’un dispositif à l’initiative du salarié ou mort annoncée du CIF

Le congé individuel de formation, dispositif que chaque salarié pouvait mobiliser à son initiative dans le cadre de la formation professionnelle continue, disparait après plus de 40 ans d’existence. Il sera remplacé par le compte personnel de formation de transition.

  • Naissance du CIF en 1971

Le premier accord national interprofessionnel (ANI) sur la formation professionnelle continue a été signé le 9 juillet 1970 par deux organisations patronales (la CGPME et la CNPF) ainsi que par les cinq organisations salariales (la CFDT, la CFE-CGC, la CGT, la CFTC et FO). Cet ANI a mené l’année suivante à la loi « Delors » du 16 juillet 1971 portant organisation de la formation professionnelle continue dans le cadre de l’éducation permanente. C’est cette  loi qui a institué le CIF et, pour le gérer, les fonds d’assurance formation (FAF) et les associations de formation (ASFO) ont été créés. Le plan de formation est également né dans les entreprises.

  • L’esprit du CIF de mai 1968 à mai 2018

Le CIF a été un espace de liberté pour l’éducation permanente. Il a représenté une force symbolique. C’est le seul outil mythique de l’époque de l’après-1968 mis au service de la promotion sociale après avoir quitté le système scolaire, à quelque niveau que ce soit.

Le salarié avait le choix de sa formation qui pouvait lui permettre d’accéder à un niveau supérieur de qualification en préparant un examen pour l’obtention d’un titre ou d’un diplôme, de changer de profession ou de secteur d’activité ou d’enrichir ses connaissances dans le domaine culturel et social.

Le salarié pouvait suivre une formation pour une durée maximale d’un an ou 1 200 heures pour un temps partiel. L’employeur ne pouvait pas lui refuser cette formation ; il pouvait juste reporter le départ du salarié de neuf mois pour raisons de service. Le temps passé en formation était assimilé à du temps de travail avec un salaire maintenu à 80 % et 90 % pour un salaire supérieur à deux fois le SMIC et une prise en charge à 100 % pour un salaire inférieur. Le CIF était financé par une contribution des employeurs de 0,15 % de leur masse salariale brute pour les entreprises de 11 à 49 salariés et de 0,20 % pour les entreprises de 50 salariés et plus.

On apprend [i] qu’en 2016, 31 667 demandes de financement de CIF-CDI ont été acceptées, contre 28 387 en 2017 (soit une augmentation de 11,5 %). Ce nombre de demandes acceptées correspond à 58,53 % des demandes instruites. De plus, 32,8 % de ces formations réalisées dans le cadre du CIF sont des formations de longue durée, c’est-à-dire entre 800 et 1 199 heures. Ces formations mènent à 45 % à un diplôme d’État et 37 % à un titre ou diplôme homologué. On peut également lire que les bénéficiaires d’un CIF-CDI sont majoritairement des employés (59 %).

  • Transmutation du CIF en CPF de transition professionnelle

Le CPF a été créé dans l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 et a été en partie repris par la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi. Il a été le transfuge du droit individuel à la formation (DIF) qui avait vu le jour dans l’ANI du 5 décembre 2003. Le DIF a été le départ de la portabilité de ces droits à la formation, c’est-à-dire la possibilité d’utiliser ses heures au titre du DIF acquise dans une entreprise en cas de changement d’employeur ou auprès de Pôle Emploi. Il posait les prémices d’un droit attaché à la personne. Le CPF a repris cet enjeu en plaçant le bénéficiaire au centre du processus « accordant une place plus ou moins grande à la responsabilité individuelle du salarié » [ii].

Dans la nouvelle réforme, il est question de créer un CPF de transition qui doit remplacer le CIF.

Nouvel outil de sécurisation des parcours professionnels 

Le compte personnel d’activité : vers un risque de consumérisme en matière de formation ?

Imaginé par la loi Rebsamen et repris par la loi sur le travail, le compte personnel d’activité rassemble en un seul outil les droits sociaux personnels utiles à la sécurisation du parcours professionnel des travailleurs. Ces droits sont portables et liés au salarié tout au long de sa carrière (réorientation dans un autre métier et changement de statut ou licenciement). L’objectif est aussi de renforcer l’autonomie et la liberté d’action. Il est accessible via un portail en ligne gratuit : www.moncompteactivité.gouv.fr. Ceux qui avaient ouvert le compte personnel de formation vont retrouver ce compte sur le site du compte d'activité avec les mêmes accès (numéro de Sécurité sociale et mot de passe créé à l’occasion).

Le CPA regroupe ainsi trois outils :
  • le compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P), crée par la loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites (n° 2014-288 du 5 mars2014) qui permet au salarié exposé à un métier difficile soit de se former, en alimentant son compte personnel de formation, soit de réduire son temps de travail, soit de partir plus tôt en retraite ;
  • le compte d’engagement citoyen (CEC) crée par la loi sur le travail, (n° 2016-1088 du 8 août 2016) qui permet de valoriser les activités de bénévolat et de volontariat du salarié en alimentant également le CPF ;
  • le compte personnel de formation qui existait déjà en tant que tel, déjà cité.

Sur votre compte personnel de formation, automatiquement ouvert à l’entrée sur le marché du travail à partir de 16 ans, vous retrouvez votre nombre d’heures créditées.

  • Le report des heures acquises au titre du DIF jusqu’au 31 décembre 2014 et non utilisées depuis le 1er janvier 2015. C’était au salarié de renseigner sur le site leur nombre d’heures DIF à partir du relevé que l’employeur a remis à ses salariés le 31 janvier 2015. En revanche, ces heures de DIF doivent être utilisées avant le 1er janvier 2021.
  • 24 heures par année de travail à temps complet jusqu’à un total de 120 heures par an.
  • Les abondements qui peuvent se faire par l’employeur, par application d’un accord ou par l’OPCA.

La nouvelle réforme de la formation professionnelle annonce une refonte totale du système de formation professionnelle avec un renforcement attendu du CPF et la création du CPF de transition. Les heures vont probablement être converties en euros (500 euros par an, avec un plafond de 500 euros en dix ans pour les salariés qualifiés, 800 euros par an avec un plafond de 800 euros pour les non-qualifiés). Le remplacement du CIF par un CPF de transition pour que les salariés puissent accéder à des formations longues, avec une prévision d’abondement, sans que l’on sache actuellement par qui et de combien et sans que soit fixé des financements identifiés.

On annonce également que les salariés pourront acheter des formations via leur smartphone sur leur compte personnel de formation, l'un des comptes du compte personnel d’activité, à côté du compte d’engagement citoyen et du compte personnel de prévention de la pénibilité. Notre temps est compté. Celui du CIF aussi. C’est l’émergence de la gouvernance par les comptes.

[i] D’après Anne Muller, « Focus sur la réforme de la formation professionnelle », stage FO-FPC, ISST Bourg-la-Reine, mars 2018.
[ii] Article droit social n° 2, février 2015 « Les fondements et enjeux des « comptes de formation » : les regards croisés de l’économie et du droit, collectif dont Nicole Maggi-Germain.

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Le CPF aura donc eu raison à la fois du DIF (un droit à la formation autrement plus ambitieux qu'un simple compteur formation) et désormais du CIF. Le CPF de transition ne marchera pas car hors temps de travail aucun salarié ne trouvera 500 ou 800 heures pour se former et sur le temps de travail ce sera "non" de la part des employeurs (et on peut aussi les comprendre). Pour que le CIF survive (tout en étant rénové et en partie sur le temps libre des personnes) il faudrait en finir avec ces CPF, CPA et autre CEC car compter des heures ou des euros en formation n'est pas plus utile ni signifiant que disposer d'une carte de fidélité dans un supermarché. La disparition du CIF était écrite dès lors qu'on faisait disparaître le DIF en 2014. Les syndicats auraient dû le pressentir.