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15 / 06 / 2017 | 1 vue
Didier Cozin / Membre
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La formation est d'abord du temps humain et n'est pas compatible avec les usines à gaz

Le mot réforme en formation devrait désormais être utilisé avec les plus grandes précautions tant il symbolise nos atermoiement, des jeux de dupes et l'immobilisme social.

La « réforme » de 2014 devait guérir les apprentis sorciers de la réforme formation. Noyée sous des tonnes de bons sentiments (former les salariés non qualifiés, les jeunes sans éducation et les chômeurs de longue durée) ; elle n'aura réussi qu'à davantage bureaucratiser un système hyper-complexe et conformiste tout en réduisant globalement l'effort éducatif des entreprises (donc de la Nation).

Les pouvoirs publics doivent prendre conscience que la formation est rétive à la réforme.

Contrairement à ce que pensent nombre d'apprentis pédagogues, de politiques ou de technocrates, le développement des compétences et de l'employabilité ne dépendent guère de dispositifs de formation, de nos systèmes de comptages sociaux ou de ces innombrables trouvailles que le pays a produit depuis 1971. Les CIF, VAE, DIF, CPF, CPA, CEC, CET, compte pénibilité, plan senior et autres GPEC n'auront jamais permis de développer la formation. Au contraire, ils sont sans doute responsables (avec l'école) de la perte de notre compétitivité.

Les apprentissages ne répondent pas aux injonctions réglementaires ; ils sont (ou devraient être) une dynamique, une culture et un état d'esprit.

Se former ne consiste ni à accumuler des points (des miles sur un compteur), ni à attendre passivement le dispositif qui changera votre vie ou votre travail. La formation est un acte d'engagement, une capacité à prendre des risques éducatifs et sociaux pour changer avec le travail et son organisation.

Invoquée à tout propos, la sécurisation professionnelle est un autre de nos leurres sociaux.

Dans l'un des pays les plus sûrs de la planète, dans un pays où 50 % des citoyens dépendent peu ou prou d'aides, de subventions, de soutiens divers et variés, prétendre développer des protections supplémentaires, multiplier les sécurités (comme ce principe de précaution qui au XIXème siècle aurait empêché les trains de circuler), c'est mentir aux travailleurs, aux entreprises et au pays.

La formation, les apprentissages et le changement sont toujours des prises de risque face à l'incertitude : risque de perdre ses repères, de perdre son statut social ou professionnel, de perdre ses revenus mais aussi et surtout de changer, de progresser, de sortir de sa zone de confort et d'aborder de nouveaux territoires et de nouvelles opportunités professionnelles, sociales ou culturelles.

La formation et l'éducation sont des aventures, donc des risques.

Nous pouvons multiplier à l'infini les textes de lois ou les généreuses déclarations d'intention (ce qu'a allègrement pratiqué le pouvoir politique précédent) sans le moins du monde faire progresser les entreprises et les travailleur de notre pays. Nous pourrions continuer à rater méthodiquement toutes les marches de la société de la connaissance sans changement de moyens et de vision de la formation.

La meilleure façon de rendre inaccessible et impossible la formation, c'est d'en changer ses règles très régulièrement.

Les ratages de 2004, de 2009 et de 2013 devraient guérir notre pays de sa prétention à cadrer ou régenter l'éducation des adultes. Seules la responsabilisation et l'anticipation permettront demain d'apprendre ou de changer avec le travail. 

La meilleure chose qui pourrait arriver à la formation pour les cinq années à venir serait de se stabiliser pour devenir efficace tout en responsabilisant chaque travailleur et chaque entreprise.

Cinq mesures simples, prises par décret, peuvent sans doute améliorer la situation.

1- La libération de toutes les formations : abandon des « obligations » comptables et fiscales, du système de certifications dépassées, des dispositifs de comptage d'heures ainsi que des processus bureaucratiques de contrôle de la formation (le contrôle doit s'exercer via la notation et la réputation dans un marché de la formation libre et ouvert à tous).

2- La contribution de tous (salariés et employeurs, même dans les TPE) au financement de la formation en abandonnant le système illusoire et bureaucratique de mutualisation de branches ou des « subventions » publiques.

3- Pour les salariés, le recours exclusif au temps libre, RTT et congés payés, pour toutes les formations individuelles (on se forme d'abord pour soi avant d'être formé par son employeur).

4- L'utilisation d'un titre unique de formation qui permette à chaque bénéficiaire de commander et de financer, pour l'année civile, sa propre formation aussi simplement qu'il déjeune le midi avec un titre restaurant.

5- L'abaissement du taux de TVA à 2,2 % (au lieu des 20 % actuels) pour toutes les prestations éducatives des adultes (TVA à laquelle seraient soumis tous les organismes de formation, privés comme publics).

Pour que la formation redémarre en France, il ne faut plus compter sur sa réforme.

Notre pays ne peut plus faire semblant d'apprendre ou de changer. Il ne pourra jamais convertir les centaines de milliers de travailleurs dont l'emploi va disparaître ou évoluer, éduquer les millions de jeunes sans emploi ni offrir à chaque chômeur sa chance sans de considérables, durables et récurrents efforts financiers, organisationnels et éducatifs.

Plus que jamais, la formation et l'éducation sont notre capital et nos seules sécurités professionnelles. Il importe de ne plus les gâcher.

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